La Cité des miracles - Robert Jackson Bennett


Sortie du troisième et dernier tome de la trilogie des Cités Divines. Je terminai ma chronique du tome 2 en écrivant que, surprise initiale passée, j'attendais un tome 3 meilleur que le tome 2. Mission accomplie par Robert Jackson Bennett avec ce très bon Cité des miracles.

Comme pour les deux volumes précédents, La Cité des miracles est ici disponible dans une belle édition luxe, hardbound avec signet, que je conseille vivement. Je te renvoie, lecteur, aux chroniques précédentes pour le monde et les personnages. Et maintenant, allons-y, qu'en est-il de ce tome 3 ?


On sait que je n'aime guère chroniquer des cycles car c'est toujours revenir un peu dans le proverbial vieux pot, en s'efforçant de ne pas trop spoiler ni d'être trop cryptique – l'horreur. Mais ici c'est avec plaisir que je m’attelle à la tâche de te conseiller, lecteur, ce volume 3. Explication :


La Cité des miracles prend place 13 ou 14 ans entre les événements tragiques décrits dans La Cité des lames. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Le monde est en pleine mutation. Plus de Divin, une paix en marche, plus d'équité entre les nations, et de grands progrès technologiques, omniprésents au point que l’ambiance, qui hésitait jusque là entre deux mondes, devient maintenant résolument steampunk, même si la magie est toujours au cœur de l'intrigue.


Dans ce monde en grande transformation – comme aurait dit Karl Polanyi – on retrouve des personnages bien connus. Si la générale Mulaghesh, l'héroïne du tome 2, est largement offstage,  Sigrud je Harkvaldsson, le taciturne assistant de la brillante Shara Komayd, le guerrier du Nord blanchi sous le harnois, l'expérimenté assassin presque indestructible, est au cœur de ce dernier récit dans les Cités Divines. Et pour ce qui est de Shara, je ne viole pas de secret (Cf. 4e de couv) en écrivant qu'elle meurt dès le début.

C'est cet événement inexpliqué qui met en branle Sigrud, l'incitant à abandonner une discrétion de quatorze ans pour retrouver le responsable de l’assassinat et protéger la fille adoptive de Shara.

L'ami endeuillé découvrira au fil de son enquête bien plus qu'il ne cherchait, notamment que des fragments du Divin habitent encore le monde et qu’ils sont capables de causer de terrifiantes destructions – le mot est faible.


La Cité des miracles est, comme ses deux prédécesseurs, un roman captivant, plein de bruit et de fureur même s'il commence encore une fois – peu ou prou – par une enquête discrète, avant de devenir un roman sur la tentation totalitaire de la table rase. 

C'est un roman avec de l'action, plein d'action, de la magie, plein de magie, de la pyrotechnie, plein de pyrotechnie, des combats, plein de combats, des morts, plein de morts. On est en terrain connu ici et c'est agréable.

Si tu as aimé les précédents, tu aimeras de nouveau, voire plus. Car La Cité des miracles est plus qu'un blockbuster bien foutu. C'est aussi un beau roman. Un roman sur la vieillesse – car les héros ont vieilli (tous sauf Sigrud ce qui n'est guère catholique ni anodin). Un roman sur ce qui nous meut, sur la colère qui peut servir de carburant à une vie mais n'est jamais bonne conseillère, sur la responsabilité qu'on doit accepter de prendre, sur l'amour qui fait agir comme il le faut alors que sans amour le premier mouvement serait autre, sur les traumatismes et les violences récurrentes qu’ils engendrent, encore et encore.

Un roman en un mot sur ce que veut dire vieillir, ce que veut dire progresser, ce que veut dire savoir dépasser ses rancœurs calcifiées pour avancer et briser le cycle des violences répétitives, ce qui est nécessaire mais difficile car, comme l'écrivait Shakespeare : « The evil that men do lives after them ».

C'est l'occasion pour l'auteur développer les histoires personnelles de personnages qu'on tenait pour acquis et qui se révèlent d'une étonnante profondeur, de faire par là même du character-building rétrospectif. C'est très plaisant à lire car chaque voix ajoutée est dans le ton juste de la symphonie globale qu’interprète l'auteur pour nous, lecteurs reconnaissants.


Cette conclusion est donc à la fois réussie en soi et en même temps magnifiquement conclusive (désolé), car, passé ces trois volumes, les trois personnages principaux ont chacun été sous les spotlights, ont chacun joué leur partie, ont chacun donné à voir une nouvelle partie du monde et de l'histoire de celui-ci. C'est, en terme de construction globale, de la belle ouvrage.

Fais-toi plaisir, lecteur ! Fonce !


La Cité des miracles, Robert Jackson Bennett

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