BOF : Exordia - Seth Dickinson


Ca commençait bien :

Par un premier contact dans les rues de New York entre Anna Sinjari, une jeune kurde rescapée – à quel prix – du génocide de l'Anfal, et Ssrin, une alien à l'allure de serpent à huit têtes, dans le ton léger du An absolutely remarkable thing de Hank Green.


Ca continuait bien aussi :

Une alien rebelle venue d'un empire totalitaire et surpuissant pour trouver sur Terre un artefact qui pourrait permettre la chute du régime ethnocidaire auquel elle appartient.

Un background original dans lequel un univers métaphysique, où se retrouvent les âmes qui ne sont rien d'autre que la récapitulation des choix et des raisons des choix de chaque individu, se surimpose à l'univers physique. Des âmes existentialistes donc, et un univers métaphysique qu'on peut manipuler afin de prendre le contrôle de la réalité, un peu comme dans le brillant Ninefox Gambit de Yoon Ha Lee.

Un EMP mondial d'origine alien qui ramène le monde au XIXè siècle – avec la population du XXIè.

Des commandos internationaux surpuissants, largement manipulés par les aliens, qui se retrouvent au Kurdistan et combattront à leurs corps défendants pour déterminer laquelle des deux factions aliens emportera l'artefact qui peut changer l'histoire de la galaxie ; et, oui, Anna est du voyage  – il faut dire que la notion de destin manipulé permet d'expliquer la chose, et c'est la grosse suspension d'incrédulité qu'il faut accepter au début du livre. Admettons ! 

Anna retrouvera donc les sales souvenirs et les sales actes qu'elle a laissés derrière elle dans son pays d'origine, et bien sûr les traumas et les inimitiés qui vont avec.

Puis l'enfer se déchaine dans les montagnes kurdes, la Terre se retrouvant dans la position maintes fois éprouvée de ces pays qui deviennent les terrains de jeu des conflits des autres au prix de la vie des autochtones.


Génocide kurde et traumas inextinguibles, atrocités sans nom et sans oubli, trahisons géopolitiques constantes des espoirs kurdes par une communauté internationale qui s'en sert puis les jette, peshmergas, confédéralisme démocratique, jinéologie, il y a matière à réflexion dans Exordia.

Il y a aussi un côté Predator meets Sartre qui n'est pas déplaisant. Ainsi qu'une ambiance techno-scientifique documentée pas désagréable (au moins autant de scientifiques que de commandos sur le terrain, et ce sont plutôt ceux-ci qui permettront des avancées), en dépit de quelques inventions de Dickinson (mais qui n'invente pas dans ce domaine ?).


PUIS :

Le point métaphysique n'apporte finalement pas grand chose d'intéressant à part de fournir un artefact aux pouvoirs littéralement divins.

Les aliens se révèlent très décevants dans leur incarnation, hurlant, beuglant, se cachant, et j'en passe.

Les ruminations en boucle des personnages principaux finissent par lasser. Quant aux secondaires ils sont totalement cookie-cutter, redshirts en tenue camo.

Et surtout, de tirs atomiques en rebondissements incessants, de suspension d'incrédulité acceptable en sautages de requin de plus en plus rapprochés les uns des autres, d'énumérations d'armes et de matériels si détaillées qu'elles rappellent Rain Man comptant les cure-dents en résurrections littérales, ce roman infiniment trop long ne tient aucune de ses promesses intellectuelles et se met à ressembler de plus en plus à une partie sans fin de Tower Defense, aussi répétitif, aussi pauvre en esprit, aussi crétin, aussi chiant.


Fuyez, pauvres fous !

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