Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

La Fraternité des sept rois - LT Meade et Robert Eustace


Elizabeth Thomasina Meade, plus connue sous le nom de L. T. Meade, est une autrice irlandaise née en 1844 et morte en 1914. Elle a écrit quantité de « romans pour jeunes filles » – dont on peut imaginer la teneur sucrée – mais aussi, en collaboration, des policiers lorgnant parfois vers l'Etrange.

Nombre de ses histoires furent publiées dans le Strand Magazine – que je ne présente pas aux aficionados du plus grand détective du monde. Traduite en français au début du XXe siècle, Meade était depuis largement tombée dans l'oubli.

Voici que, de nos jours, elle est quelque peu ramenée sur le devant de la scène, d'abord par Jean-Luc Buard qui compose et publie trois recueils aux éditions MiLiRéMi en 2022/2023, puis par les Editions Oeil du Sphinx avec La Fraternité des sept rois (écrit avec Robert Eustace comme beaucoup de ses textes policiers), dans une traduction de Jean-Daniel Brèque qui traduit et présente l’œuvre.

Disons-en quelques mots.


La Fraternité des sept rois est une société secrète d'origine italienne, dirigée par une femme malfaisante nommée Katherine Koluchy, qu'on appelle Madame. Très belle, très intelligente, très cultivée, Koluchy fascine littéralement la société britannique, comme le  firent régulièrement tel ou tel personnage qui devint à la mode et qu'on s'arrachait dans un monde où toute nouveauté était distraction. Aux machinations de Madame s'oppose Norman Head, un homme de la bonne société qui fut membre de la fraternité en Italie avant de la quitter, horrifié par ses agissements. Seul Head (et ses rares alliés) sait la menace que représente cette femme que tous adorent, chérissent, et à laquelle ils confient leurs plus intimes secrets. La lutte pour éradiquer le Mal que représente Kolushy sera longue et solitaire. Elle fera, hélas, beaucoup de victimes collatérales.


Comme souvent chez Meade, La Fraternité des sept rois met en scène une femme maléfique aux talents exceptionnels à laquelle s'oppose un détective amateur qui est aussi un scientifique. Enlevez l'amateur, conservez le scientifique, vous aurez Sherlock Holmes.

Les types de récit sont néanmoins très différents. Chez Meade, la rigueur scientifique et procédurale de Doyle est quasiment absente, beaucoup de déductions viennent seules, ou au contraire ne viennent pas alors qu'il le faudrait. De plus, si Head a son Moriarty en la personne de Madame, celle-ci n'est pas l'Aragne secrète péniblement découverte par Holmes mais au contraire une socialite adulée à la culpabilité de laquelle personne ne ne veut croire, au point que quantité de ses victimes se jettent volontairement et avec enthousiasme dans ses griffes en dépit des avertissements de Head (de quoi s'arracher les cheveux!).

Sur tous les fronts, sur tous les mauvais coups, Madame est Moriarty, Arsène Lupin et Fantomas à la fois, à cette différence près qu'elle agit en pleine lumière et ne doit son impunité qu'à l’aveuglement de ses contemporains.


Caractéristique de ce qu'on aimait souvent lire à son époque, Meade situe ses aventures dans le monde cosy de la haute société britannique. De même, si elle a un intérêt véritable pour les avancées scientifiques et l'usage qui peut en être fait tant par les criminels que par les enquêteurs, une bonne part des déductions de Head sont fondées sur la bonne figure d'une personne ou l'aspect peu engageant d’une autre (ne pas oublier que la psychologie de bazar du moment trouvera une justification scientifique qu'on pourrait qualifier de raoultienne dans les travaux de Lumbroso). On s'y déplace bien sûr en landaus ou hansoms, on y part à la campagne, on s'offre même un passage que je qualifierais de gothique à la fin (avec quelques décennies de retard). Mais comme il y a aussi de vrais mécanismes scientifiques, on pourrait dire que Meade c'est Gaston Leroux meets Jules Verne meets Downton Abbey.


Si tu es prêt à embarquer pour un voyage simple, un peu daté certes mais plein d'action, de rebondissements, de intrigues, de machinations, alors embarque, lecteur.

On n'y manque pas de mariages risqués, de fortunes envolées, d'héritiers en danger, de diamants dérobés, de machines infernales, d’équipées en chemin de fer, de vilains déguisés, de fantômes effrayants, de monte-en-l'air audacieux, de passages secrets, de substances empoisonnées, de seringues hypodermiques, de sosies trépassés, et j'en passe. Et on y meurt souvent, comme dans Game of Thrones. Enjoy !


La Fraternité des sept rois, LT Meade et Robert Eustace

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