Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

Le Laboratoire de l'Imaginaire - Fabrice Chemla


Je suis malaaaaaade :(

N'aimant guère dormir (on le fera définitivement bien assez tôt), je rampe jusqu'au clavier pour taper quelques lignes (quelques lignes seulement, afin de ne pas perdre mon statut envié de victime (Cf. François Azouvi)).
De profundis clamavi, lecteur.

Quelques mots donc sur Le Laboratoire de l'Imaginaire, le dernier volume de la collection Parallaxe au Bélial, écrit par Fabrice Chemla, maître de conférences et professeur de chimie à Sorbonne Université, et accessoirement sympathique compagnon d'Imaginaire.

352 pages, 16 chapitres, sans oublier 49 molécules d'intérêt et un glossaire. C'est de la vulgarisation de très bon niveau qui m'a rappelé certains souvenirs et surtout appris nombre de choses que je n'ai jamais sues. Mais, Parallaxe oblige, ce n'est pas que ça, Le Laboratoire de l'Imaginaire fait aussi tout du long le lien avec les (très nombreuses) créations des auteurs de l'Imaginaire, qui servent le plus souvent d'entrée dans le chapitre.
Plausibilité, faisabilité, tout est examiné – et particulièrement les longs extraits de textes d'Imaginaire avec leur chimie leur physique ou leur biologie (parfois) radicalement originales. Chimie et physique et biologie car la chimie est dans tout, des plus petites particules aux plus énormes corps célestes. Chimie et physique et biologie car en Imaginaire on aime modifier ces donnés pour voir ce que ça fait.

C'est clair mais jamais trop simple. Ca lie parfaitement textes d'Imaginaire et connaissances scientifiques. Qu'on vienne pour la chimie, pour l'Imaginaire, ou pour les deux, on ne sera jamais déçu car on trouvera de quoi se nourrir. Qu'on en juge :

  • Les atomes, de Démocrite au quantique,
  • Les éléments et les isotopes, les liaisons chimiques qui permettent l'existence des molécules et expliquent tant d'autres caractéristiques de la matière,
  • La lumière, sa nature et ses interactions avec la matière (j'ai enfin compris la phosphorescence!), la vision, les spectres (oui, ça fout la trouille), et la protomolécule (ça aussi ça fout la trouille),
  • Avogadro, mole, grands nombres et masses infinitésimales, pourquoi il est irréaliste de vouloir se téléporter (dommage pour Martin Silénus et tant pis pour Brundlefly),
  • Gaz, liquides, solides, la matière change d'état comme d’autres de genre, dans les deux cas il y faut de l'énergie (et là on apprend que les gros paquets de molécules rendent les liquides visqueux et les petits fluides, on en déduit que l'huile de moteur est faite de gros paquets qui se défont en chauffant et on est content d'avoir compris un truc),
  • Les cristaux (calvaire lors de mes antédiluviennes études scientifiques), bon, ça me gonfle toujours autant mais Chemla cite Ken Liu alors...
  • Représentation et topologie (ce qui permettra de briller dans les dîners à Noël en pourfendant les imageries obsolètes),
  • Les mystères de la dissolution (et des savons) sont ensuite abordés, avec une vraie contribution ici d'Isaac Asimov et de sa thiotimoline
  • Puis c'est sur l’île Lincoln de Jules Verne que Chemla nous entraîne pour expliquer toutes les réactions chimiques qui rendent l'histoire du précurseur français possible (on y apprend notamment que le fer rouille toujours, même sans eau, incroyable!),
  • Impossible d'imaginer un manuel de chimie Imaginaire sans explosifs et propergols ; pas d'inquiétude, c'est là,
  • Vient après le parfum de Suskind et ses phéromones qui provoquent attirance et plaisir sexuels, les huiles essentielles et leur extraction, sans oublier le fumet délicat qu'exhale le Corynebacterium,
  • L'épice de Dune suit, avec une belle tentative de la définir chimiquement,
  • On termine par la biochimie terrestre du CHNOPS (et ses cycles) avant de s’attaquer à celles d'aliens basés sur d'autres atomes structurants ou d'autres solvants

Voilà, c'est une belle balade, un livre d'honnête homme. A lire.

Le Laboratoire de l'Imaginaire, Fabrice Chemla

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