En 1985 sortait à Marseille une compilation goth/cold/punk intitulée La Muse Vénale. Huit groupes locaux se proposaient d'y donner leur « propre définition du Mal ». Vaste programme !
En 2024 sort au Diable Vauvert une anthologie intitulée
Les Nouveaux Déviants. Sous la direction de
Morgane Caussarieu et
Christophe Siébert (qui participent) et avec la bénédiction
(oui, elle est habilitée à bénir) de Marion Mazauric, dix-sept auteurs contemporains offrent ici des images d'une déviance moderne qui s'exerce dans quantité de directions de l'horreur, entre polar, anticipation, fantastique, érotisme et/ou avant-garde.
C'est une littérature des marges que proposent ici Caussarieu et Siébert, une littérature trop rare en France, une littérature brute qu'on qualifiera, faute de mieux, de déviante.
Anthologie, la règle du jeu est connue : on aime ou pas les textes – « on » désignant ici l'aimable Gromovar.
On ne parlera ci-dessous que des textes qu'on a aimé lire, car on en a aimé le fond et le forme. Les autres textes plairont peut-être (sans doute) à d'autres. Life is hard then you die.
Par ordre d'entrée en scène :
- Aspiration, d'Antoine Chainas, ou les penchants inavouables d'un cadre intégré. Pour son infra-monde sous celui des tours de verre et d'acier, il m'a fait penser de très loin à Cleer, de LL Kloetzer, qui obtint le premier Prix Planète-SF. Il souffre d'une fin trop abrupte à mon goût.
- Détails des circonstances, de Charlotte Boulard, est un texte glaçant dont on sent monter l'horreur, dont on se prend à espérer qu'il n'ira pas là où on pense qu'il va aller. Peine perdue. Un beau texte d'effroi. Tiré au cordeau, effilé comme un laser, un des meilleurs de l'anthologie.
- AdopteUnTénia, de Violaine de Charnage, est un amusant texte sur les tribulations de la vie amoureuse. Sa brièveté l'empêche de lasser, ce que l'ironie ne sait pas toujours faire.
- Le Baptême, de Christophe Carpentier est une dinguerie gore. Qu'ajouter ?
- Une Famille, de Sarah Buschmann, triste comme Cria Cuervos et dérangeant comme La Servante écarlate. On sent que ce qui va arriver est grave, on craint d'avoir raison, on a raison. Un très bon texte.
- Deux Miracles à Mertvecgorod, de Christophe Siébert, est du pur Siébert. J'adore le style et le background, j'ai donc bien sûr aimé ces deux petits moments de lumière dans la noirceur habituelle de Mertvecgorod.
- Je suis venue vous dire que je suis morte, de Vincent Tassy, fait pénétrer dans l'obsession mortifère d’une amoureuse transie dans ce genre d'histoire où deux personnes s'aiment mais où une seule est au courant. Joliment foutu.
- Avec Ce qui reste de nos étreintes, Justine Niogret décrit une post apocalypse possible qui donne juste envie de se suicider là, tout de suite. C'est Quand on eut mangé le dernier chien en bien pire.
- Un Monument de chagrin, de Nicolas Martin, raconte une histoire d'amour fou dans un post-apo qui a condamné les hommes à vivre comme des insectes sociaux. Néologismes, système de caste et normes sociales, il y a là quelque chose à creuser, pour un roman peut-être ?
- Rasta Boy, de Morgane Caussarieu, est amusant bien que prévisible quand on connaît son œuvre. Une histoire comme une carte noire de Magic the Gathering.
- 13/11, de Simon Johannin. Une galère, une courte errance, une rage. Le tout condensé comme une boule de métal par un style qui percute.
Voilà, voilà, je vais aller prendre un petit Xanax.
Les Nouveaux déviants, Anthologie
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