La Cité des Lames - Robert Jackson Bennett

Sortie du tome 2 de la trilogie des Cités de Robert Jackson Bennett. Après le très plaisant Cité des Marches , voici qu’arrive La Cité des Lames . Tu sais, lecteur, que je n’aime guère chroniquer des tomes n car la description du monde a déjà été faite par mes soins dans la chronique du premier volume. Je vais donc faire ici une sorte d’inventaire de ce qui est proche et de ce qui diffère, en pointant le fait que, de même que le  premier volume pouvait se lire seul, celui-ci le peut aussi, les événements du premier formant un background qui est correctement expliqué dans le deuxième, y compris pour d’éventuels lecteurs qui auraient commencé par celui-ci. J’espère que c’est assez clair;) Voilà, lecteur, tu sais tout, suis le guide ! La Cité des Lames se passe quelques années après les événements narrés dans son prédécesseur. Le pouvoir à Saypur a pris un virage à l'opposé de la politique colonialiste revancharde qui était la sienne depuis le Cillement qui a mis fin au Divin. Shara,

Les Ames de feu - Annie Francé-Harrar


Il y a des livres qui, étonnamment, passent sous les radars...pendant cent ans. C'est le cas de Les Âmes de feu, un roman de Annie Francé-Harrar, écrivaine autrichienne biologiste de son état, publié en 1920 puis largement disparu jusqu'à sa ressortie en Allemagne chez Plan9 (from outer space?) en 2021. Il arrive aujourd'hui (dans quatre jours pour être précis) en français chez Belfond dans une traduction de (roulement de tambour) Erwann Perchoc ,sous une très jolie couverture de Carlijn Kingma.
Let's have a look !

Futur lointain. L'humanité (la partie qui s'admire elle-même en tout cas) vit dans des métropoles nommées A15 ou F24. Rebaptisée « Culture », cette partie éclairée de notre espèce, a, grâce à la technologie, presque complètement vaincu le travail. Dans la Culture l’essentiel de l'activité est intellectuelle, artistique, ou de loisirs. Ne subsistent de travail que quelques taches non automatisables (on ne sait pas trop pourquoi) et aussi, reléguée à l'extérieur des métropoles, la part vitale de l'activité qui consiste à produire de la nourriture, une activité jugée sale et indigne, réalisée par une population rustique de « cabaniers » largement méprisés par les sophistiqués citadins. Rien d'étonnant à ça, stratification sociale hiérarchisée et mépris sont les structures fondamentales de la Culture : chaque citoyen, appelé « unité », porte un numéro accolé à son nom qui indique sa place dans une très allemande hiérarchie du prestige qui rappelle les Stand de la sociologie de Max Weber.
Intellectuels ou artistes, les citoyens de la Culture (un terme qui évoque Iain Banks pour un univers vraiment très différent) sont devenus si peu physiques qu'ils ont même du mal à marcher vraiment et utilisent donc pour se déplacer des autinos, sortes d'accessoires qu'ils se fixent à la cheville et qui les déplacent. Ils respirent aussi un air enrichi en oxygène grâce à un système de pompes qui alimentent les villes. A l'extérieur c'est la nature, et la nature n'est clairement plus le lieu de ces individus cultivés qui sont comme des plantes sous serre. L'extérieur, la nature donc, on le laisse aux semi-bêtes crasseuses et ignares que sont les cabaniers, avec leur parler amusant et leurs formes imparfaites.

Pas de chance pour ces derniers, qui ne demandaient rien à personne, au début du roman ils sont déportés autoritairement à l'intérieur des métropoles car un système d'extraction de l’azote contenu dans l'air permet dorénavant et pour toujours de produire de la nourriture synthétique sans avoir besoin ni de plantations ni de bétail. Voire...
Car la perturbation du cycle de l'azote mise en œuvre par les scientifiques de la Culture endommage l'humus. Elle anéantit les bactéries qui assurent le recyclage des composés organiques, tue donc végétation et animaux par stérilisation du sol, et provoque après cette hécatombe une réaction générale de la nature sous la forme de nuages de feu alimentés par des composés ferreux qui prennent d'assaut les métropoles (!) – on est en 1920, on met du radium dans le dentifrice, je le rappelle.
Malgré les mises en garde et les gesticulations d'Henrik 19530, un scientifique que le système politico-administratif refuse d'écouter et menace d'interner en psychiatrie comme le fit l'URSS avec ses dissidents dès le début des années 20, le monde de la Culture ira gaiement – puis plus gaiement du tout – vers un effondrement que, peut-être, rien ne pourra enrayer.

Nonobstant la faible plausibilité scientifique de l'ensemble et quelques creux de cohérence dans le récit, Les Âmes de feu est un roman distrayant mais pas seulement. Les Âmes de feu est surtout un roman intéressant et visionnaire en ce qu'il annonce les limites écologiques de l'hybris humain, qu'il dénonce ce qu'est l'inauthenticité toute heideggerienne d’une vie qui se rêve complètement artificielle, et qu'il propose comme « programme » une meilleure adéquation entre l'humain et la nature par le retour à une sagesse ancienne qui enseignait respect de celle-ci et recherche d'une bonne intelligence avec elle, loin de la cartésienne approche « Maîtres et possesseurs ».
Comme le Tolkien du Seigneur des Anneaux dénonçant à travers le personnage de Saroumane la destruction inconsidérée de la nature par un Occident qui devenait une civilisation de puissance, Francé-Harrar, sur la base de ses travaux scientifiques, met en garde une humanité qui ne l'écoute guère plus que le système de la Culture n'écoute Henrik 19530 dans le roman.
Espérons que notre monde sera plus sage. On peut en douter.

Les Âmes de feu, Annie Francé-Harrar

Commentaires

Anonyme a dit…
Bonjour, je suis l'heureuse éditrice des Âmes de feu. Merci infiniment pour votre retour de lecture, vos remarques pertinentes, et le temps consacré à la lecture de cet ouvrage.