Lecture de Volna par Christophe Siébert

Hier, 13 septembre - veille de la première Journée Annuelle du Sport décrétée par notre commémorateur en chef afin qu'après avoir dû supporter musiciens amateurs et plateaux convenus de la télé publique une fois par an depuis des décennies nous soyons dorénavant contraints à faire de même, à une autre date, pour des sportifs amateurs vibrionnant dans des bacs à sable improvisés et des célébrités belles et bonnes défilant sur France Télévision -, hier donc, dans un tout autre registre, Marie Debilly Cerisier lisait de la poésie à la libraire L'hydre aux mille têtes. Et c'était fort. Après ce moment de poésie, c'est Christophe Siébert qui a lu de longs passages de son dernier roman, Volna . L'un comme l'autre était accompagnés par l'ambiance musicale de Mauricio Amarante qui ajoutait un contexte glaçant aux lectures. Qu'il en soit remercié ! Ci-dessous donc, deux courts moments de lecture, où l'on voit que, jusqu'à Mertvecgorod, le grand Michaël M

L'Automate de Nuremberg - Thomas Day


1824, Moscou. La Russie est en passe d'être vaincue par les armées de Napoléon 1er. Le tsar Alexandre, avant l'exil, rend sa liberté à Melchior Hauser, son joueur d'échecs automate. Il lui rend sa liberté, le terme est juste, car Melchior est la propriété du souverain mais il est aussi un individu conscient malgré ses limitations évidentes.
Fait de bois sculpté, Melchior ne voit qu'à courte distance, en noir et blanc, et ne possède aucun autre sens que la vue – il est donc obligé de lire sur les lèvres. Doté d'une mémoire limitée et d'un algorithme d'échecs, il ne peut exprimer oralement que les phrases préprogrammées dans son cylindre de conversation. Pour dire le reste, ses pensées, il doit écrire. Car Melchior a des choses à dire, il est conscient, intelligent, et se demande si, pantin de bois créé de toutes pièces par l'inventeur alchimiste Viktor Hauser, il a, comme les humains plus classiques, une âme. Pour le savoir, et en dépit de sa faible constitution, il partira vers sa ville de naissance, Nuremberg, avant de parcourir une partie d'un monde sur son point de bascule entre tradition et modernité scientifique. L’Angleterre d'abord, où la Révolution Industrielle bat son plein, puis l'Afrique coloniale française, singulièrement le Sénégal, où, comme l'expliquait Marx, c'est en apportant les infrastructures du capitalisme, notamment ici le chemin de fer, qu'on peut installer le capitalisme.

L'Automate de Nuremberg est une novella de Thomas Day, rééditée en UHL.
C'est un joli texte apparenté au steampunk, qui lorgne fortement vers Mary Shelley bien que le Pinocchio de Collodi puisse aussi en être une source d'inspiration. Et encore, pas la seule.
Un automate joueur d'échecs : il y eut le Turc mécanique qui éblouit les cours d'Europe. On sait aujourd’hui que c'était une supercherie, un mécanisme dissimulant un joueur humain. Et il ne se prit jamais à baguenauder à travers le monde.
Et puis Melchior Hauser, ce nom doit te dire quelque chose, lecteur. Il y eut bien ce Kaspar Hauser qui intrigua là encore l'Europe entière entre 1828 et 1833, date de sa mort.

L'orphelin sans passé, inconnue tué par un inconnu comme il est écrit sur sa stèle, est ici le premier « fils » de Viktor, enfant ramené de la mort par les miracles du galvanisme et « frère aîné » de Melchior.
Melchior, lui, est un organisme cybernétique simple, qui ne cessera jamais, sa « vie » durant, de s'améliorer en modifiant des parties de son propre corps, mais ne réglara jamais le problème de l'autonomie, obligé qu'il est de demander à un tiers de le remonter à intervalles réguliers à l'aide d'un clef.
Il y a enfin un troisième « fils », Balthazar, pur esprit capable de s'incorporer, qui se croit chargé d'une mission divine.
Voilà pour les frères.

Autour d'eux, de leurs quêtes de sens qui se mènent et se soldent de très différentes façons, le monde. Le chemin de fer, qui va recouvrir la Terre et la transformer en approchant ce qui était éloigné sous l'impulsion d'hommes comme ce George Stephenson avec lequel Melchior s'associe. Le Sénégal colonisé, dans lequel Melchior va construire le meilleur chemin de fer d'Afrique et où il rencontrera son destin. Sénégal dont Day retrouve même le baobab rituel, Gouye Seeddële, l'arbre symbolique du passage à l'âge adulte, déraciné en 1986.

Qu'est-on quand on n'a pas de mémoire, comme Kaspar ?
Quand on n'a pas de corps en propre, comme Balthazar ?
Quand on n'est pas autonome, qu'on sait sa conscience s'éteindre à chaque épuisement du ressort (le sommeil a le même effet à cette différence près qu'il n'est pas censé durer des mois ou des années), qu'on ne peut pas garder en mémoire plus que la capacité de son rouleau mémoriel, comme Melchior ?

Faut-il une âme pour être ? Et Melchior en a-t-il une finalement ? C'est au lecteur d'en décider à l'issue de ce texte charmant entre merveilleux scientifique, quête alchimique et orientalisme.
Et puis, élargissons le focus, et demandons-nous si, pour les colonisateurs, ces Africains à qui la Controverse de Valladolid n'avait pas vraiment concédé d'âme, valait mieux que de simples automates ? On peut en douter.

L'Automate de Nuremberg, Thomas Day
L'avis de Lhisbeid'Anudar et de Feyd Rautha

Commentaires

Roffi a dit…
Intéressant cette idée de Turc mécanique joueur d’échecs face à Napoléon, même si ça s’est révélé être une supercherie au final.
Ç’aurait pu être un ancêtre de nos ordinateurs. Ça montre bien la personnalité du Napoléon stratège .Merci pour cette suggestion de lecture.
Gromovar a dit…
You're welcome :)