Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

Children of Lovecraft - Datlow me déçoit encore


Children of Lovecraft est une anthologie réalisée par Ellen Datlow. Elle contient quatorze nouvelles de longueurs variables, inspirées parait-il par l’œuvre de Lovecraft.

Dans sa courte introduction, l’éditrice écrit (ma traduction) : « Je n’ai jamais aimé les pastiches...J’encourage mes contributeurs à créer des histoires en utilisant le meilleur de Lovecraft (la terreur de l’inconnu cosmique, et sa vision) pour explorer de nouveaux thèmes, de nouvelles horreurs ».
De ce point de vue elle peut être satisfaite car, globalement, il ne reste que peu de Lovecraft dans ces quatorze textes, au point qu’on se demande ce qui en justifie le titre. On est ici dans de l’horreur existentielle au mieux, voire dans du fantastique 
Plus grave, peu de textes surnagent dans ce recueil d’une qualité plus que moyenne, entre textes trop longs, ou trop contournés, ou trop prévisibles, ou les trois ; et ceci en dépit, souvent, d’une belle qualité d’écriture un peu gâchée par une réalisation décevante.
Enfin, pour que le gâteau ne soit pas privé de sa cerise, de nombreuses typos émaillent le livre, sans parler de retour à la ligne qui manquent dans les dialogues au point de parfois les rendre confus. Un travail d’édition n’a clairement pas été fait ici.


Surnagent donc dans ce recueil (dans l’ordre d’apparition) :

Nesters, de Siobhan Carroll, est très classique, presque pastiche en ce qu’elle peut faire penser à un mix entre La Couleur tombée du ciel et L’abomination de Dunwich. Elle surtout intéressante en ceci qu’elle met en scène les fermiers victimes du Dust Bowl et qu’elle montre que l’horreur, pour eux, venait plus de la météo que de l’espace.

Oblivion Mode, de Llaird Barron, est foutraque dans sa narration, mais cette histoire délirante et gore de vampires post-ap, d’animaux parlants et de chevaliers SF a quelque chose de séduisant dans son bordel même (on peut ne pas aimer).

The Secrets of Insects, de Richard Kadrey, est une histoire de policiers et de tueur qui a le mérite de surprendre vraiment.

Jules et Richard, de David Nickle, est une histoire d’emprise plutôt réussie, quelque part entre lovecrafterie et fantastique pur.

Glasses, de Brian Evenson, pourrait être un épisode de Twilight Zone. Dans ce style, courte, elle en est percutante sans se perdre dans d’inutiles circonvolutions.

When the Stitches Come Undone, de A.C. Wise, est sûrement la meilleure. Inquiétante, bien construite, elle raconte des abîmes de temps accessibles à l’esprit humain, entre douleur et sacrifice.

On These Blackened Shores of Time, de Brian Hodge, est une bonne histoire de perte et de deuil impossible qui aurait sans doute gagné à être soit un peu plus courte soit un peu plus explicite sur la fin. Elle ressemble à du Langan.


Mais on surnage de moins en moins avec (dans l'ordre) :

Little Ease, de Gemma Files. Un récit avec un vrai ton qui devient hélas très prévisible si on a lu La Maison muette de John Burnside.

Eternal Troutland, de Stephen Graham Jones, trop longue et inutilement complexe.

The Supplement, de John Langan, qui joue de manière trop émotionnelle sur la perte d’un enfant, un peu stérile alors là où On These Blackened Shores of Time ne l’est pas. Lovecraft ce n’est pas des histoires de papous et de mamous énamourés.

Mortensen's Muse, de Orrin Grey, est copiée sur HPL sans apporter grand-chose d’utile.

Mr. Doornail, de Maria Dahvana Headley. Cœur arraché, survie, chèvres, etc. Je n’ai pas réussi à la prendre au sérieux.

Excerpts for An Eschatology Quadrille, de Caitlin R Kiernan. Bien écrit, imaginative, multi-périodes, il lui manque juste un liant pour en faire autre chose qu’une collection de sketches sur la statuette de Mère Hydra.

Bright Crown of Joy, de Livia Llewellyn, est encore une nouvelle inutilement compliquée. Ennuyeuse de ce fait.

Voilà, la pêche est maigre, et je vais être méfiant maintenant en lisant Datlow car ce n’est pas la première fois.

Children of Lovecraft, Ellen Datlow

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