Daryl Gregory : I’m Not Disappointed Just Mad AKA The Heaviest Couch in the Known Universe

Conseil aux nouveaux auteurs : Faites attention quand vous plaisantez en ligne. Imaginez, vous faites une blague sur l’écriture d’une histoire ridicule, quelque chose que vous n'écririez jamais ; ce n'est qu'une bonne blague jusqu’à ce qu’un éditeur en entende parler et vous demande d’écrire cette histoire. Il y a quelques années, sur un site, je disais à quel point Iain Banks était mon écrivain préféré mais que si je devais écrire un space opera, ce serait sur deux fumeurs défoncés qui manquent la guerre interstellaire parce qu’ils essaient de déplacer un canapé d’un bout à l’autre de la ville. Jonathan Strahan est alors intervenu et a dit : Je publierais ça. Ha ha ! Très drôle. Il a alors ajouté : Non, vraiment. Plus tard, on s’est croisés à une convention, et il m’a dit : Alors, cette histoire façon Iain Banks ? Et voilà, c'est fait ! Je sais, c’est une histoire absurde, mais en ces temps sombres... Sachez juste qu’elle a été écrite avec beaucoup d’amour et d’admir

La Marche funèbre des marionnettes - Adam-Troy Castro


Dans le troisième tome des aventures d’Andrea Cort, intitulé La Guerre des marionnettes, on découvrait, ébahi, le Ballet des Vhlans. On assistait à cet événement annuel, entre rite et art, au cours duquel des dizaines de milliers des sentients mais cryptiques Vhlans dansaient une danse extraordinairement complexe à l’aide de leurs corps munis de dix fouets surpuissants, une danse qui, effet des coups de fouets mutuellement portés ou explosions cardiaques de fatigue, se terminait par leur mort en masse sous les regards stupéfiés des délégations étrangères. Sans explication. Sans rime ni raison pour toute autre espèce qu’eux-mêmes.

On y apprenait aussi que, des années auparavant, une humaine nommée Isadora (Duncan ?), au corps modifié dans ce bût, avait dansé avec les Vhlans. Elle était devenue légendaire dans tous l’espace sentient.

Adam-Troy Castro raconte aujourd’hui son histoire dans une novella intitulée La Marche funèbre des marionnettes publiée dans la collection UHL au Bélial (les romans le furent chez AMI). On peut la lire de manière indépendante même s’il y a bien sûr un petit plus de plaisir à la savourer après La Guerre des marionnettes.


Le texte à la première personne s’ouvre sur une affirmation d’Alex Gordon, exolinguiste de la confédération homo-sapien (homsap) engagé auprès de l’ambassade homsap sur Vhlan : « C’était dans la troisième année de mon contrat d’engagement que je sauvai Isadora du Ballet suicide des marionnettes ». Tu verras, lecteur, qu’il le fait assez vite et au péril de sa vie.

De la tragédie qui suivra ce premier sauvetage qui ne règle rien Alex sera le narrateur, faute d’en être le héros car il n’y a pas de héros ici. Il en sera aussi l’acteur principal, si l’on excepte le rôle que jouera Isadora elle-même.


Au fil des pages de La Marche funèbre des marionnettes tu découvriras, lecteur, les motivations d’Isadora et la compulsion qui la pousse, tu apprendras le sens de la danse des Vhlans et le caractère si évidemment non humain – fouets ou pas – de son déroulement dans la longueur, tu verras la délégation homsap prise à son corps défendant au cœur d’un conflit diplomatique qui risque de la détruire.


Petit nombre de pages, enjeu d’efficacité, c’est une histoire simple linéaire et rapide que raconte Adam-Troy Castro, une sorte de thriller, de film d’action nerveux dont l’enjeu est la vie d’Isadora, liée à son éventuelle participation à la danse.

Mais, en creux dans les pages et les lignes, tu verras surtout se dérouler une histoire d’amour, de coup de foudre même. Tu verras les sentiments naître et grandir entre deux humains que rien ne rapproche si ce n’est un lien aussi mystérieux et irrépressible que celui qui liait Montaigne à La Boétie, doublé hélas de la certitude d’un destin inexorable, d’une Ananké (impossible de qualifier autrement les positions d'une Isadora qui s’exprime avec l’entêtement d’une Antigone). Tu verras donc, en accéléré, l’histoire triste d’un amour qui naît et sent sitôt né qu’il court déjà vers sa fin.


C’est très joliment raconté, tout en finesse. Ca illustre les gouffres de sens béants qui existent entre les espèces sentientes de l’univers. Ca n’aborde que peu l’univers d’Andrea Cort mais ça peut donner une vraie envie de le parcourir plus longuement en lisant les romans. Et, Andrea Cort ou pas, ça se suffit à soi-même. Fais-toi plaisir, lecteur.


La Marche funèbre des marionnettes, Adam-Troy Castro

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