Deux petits mots pour signaler le début de la deuxième tétralogie Elric en BD, toujours adaptée par Blondel et Cano. Valentin Sécher, qui avait déjà collaboré avec Blondel sur l’adaptation très réussie de L’heure du dragon, s’est joint au duo (et aux pinceaux) pour ce cinquième tome et c’est un bel apport.
Après quatre volumes qui développaient le début de la saga d’Elric, sa déchéance, l’arrivée de Stormbringer, la confrontation avec Yyrkoon, la mort de Cymoril, l’intervention des démons, celle des élémentaires, la chute d’Ymrirr, and so on – et en dépit d’une faiblesse scénaristique évidente dans le tome 3 –, commence maintenant la partie purement Jeunes Royaumes de l’épopée, celle que les hordes d’ex-adolescents qui ont découvert Elric par Donjons et Dragons ou par le jeu Stormbringer – comme Pierre Pevel, le préfacier de ce tome 5 – connaissent le mieux car Elric y parcourt les lieux qu’eux-mêmes ont arpenté lors d’interminables nuits de jeu (à moins que ce ne soit l’inverse).
Ce Nécromancien reprend une partie de la nouvelle Tandis que les dieux rient et surtout la nouvelle La citadelle qui chante – où s’illustre l’inénarrable dieu bouffon Balo. Les deux textes étaient (sont) lisibles dans le volume intitulé Elric le Nécromancien.
Dans un récit aussi tendu que percutant – plus dark fantasy qu’heroic imho – et par-delà les péripéties que vit Elric dans ce volume, les auteurs de l’album mettent en scène de façon magistrale la relation d’amour/haine, de domination peut-être, d’emprise sûrement que Stormbringer a instauré avec son porteur, le frêle empereur albinos qui n’est physiquement rien sans elle et qui accepte – fut-ce avec remords et regrets – le prix qu’elle fait payer pour son assistance. Eric et sa sombre compagne ne font qu'un, toujours unis pour le pire et pour le pire.
Héros torturé, anti-héros véritable, innovation absolue quand il fut inventé par Michael Moorcock dans les 60’s, Elric erre de lieu en lieu et d’aventure en aventure, portant sans cesse, sur ses maigres épaules et comme en bandoulière, le poids de la culpabilité lié au sort de Cymoril, le désir d’être humain et la certitude de ne pouvoir l’être, le cri d’horreur des âmes bues par Stormbringer, la dette antique qui l’attache aux seigneurs du chaos, et la peur constante de tuer ceux qu’il aime. Comment ne pas prendre fait et cause pour lui ?
Sécher illustre le monde crépusculaire d’Elric avec des dessins d’une grande beauté et une colorisation brumeuse qui donnent un élément d’irréalité à l’album autant qu'ils suggèrent la présence d'une menace constante juste au-delà des portes de la perception. Citant Pével citant Wilde, je dirai que Sécher et ses comparses illustrent à merveille un monde « passé directement de la barbarie à la décadence sans jamais avoir connu la civilisation ».
Et puis il y a les compagnons d’Elric, qui arrivent ici et l’humanisent contre son gré : le gai bretteur Tristelune qui sera son plus fidèle compagnon, Rakhir l’archer rouge qui apparaît à la toute fin de l’album, la reine Yishana qu’il croisera plusieurs fois.
C’est aussi dans ce cinquième album que l’arch-ennemi d’Elric, le Pan Tangien Theleb K’aarna, fait sa première apparition et qu’il est heureusement vaincu, cette première fois, par l’empereur déchu de Melniboné.
Dessins, scénario, tout est réussi dans cet album que se doivent de lire tous les amateurs d’Elric, sans oublier tous les lecteurs qui aiment les destins tragiques car il y a peu de destins plus tragiques que celui d’Elric, aventurier, sorcier, meurtrier, déclassé, et désespérément solitaire.
Elric t5 le Nécromancien, Blondel, Cano, Sécher
Commentaires
Pour quiconque connaissant plutôt bien les aventures d'Eric on a l'impression de revoir quelques photos de vacances passées et cela nous rappelle de bons moments mais sans rien de précis à la clef...
Je trouve que les précédents tomes faisaient un réel meilleur job à faire ce travail d'équilibriste pour un scénariste de BD d'enchaîner les moments critiques de différentes aventures pour restituer une narration plus cohérente. Je ne dis pas que c'est un exercice facile, mais ici on passe à côté.
Bof, bof. : /