Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Arrowsmith - Busiek - Pacheco


1915, la guerre déchire l’Europe; ses protagonistes l’ignorent mais elle est partie pour durer longtemps. A moins que…

A moins que, dans l’Europe uchronique créée par Kurt Busiek et Carlos Pacheco, les choses ne tournent autrement. Si ça ne tenait qu’à Fletcher Arrowsmith, en tout cas, elle serait plus courte. Mais il faudrait déjà que le jeune homme, fils du forgeron d’Herbertsville (Connecticut, Etats-Unis de Colombie), puisse intégrer l’Unité d’Elite Aérienne, ce corps de fous volants qui patrouillent avec leurs dragonnets au-dessus des tranchées de Gallia et affrontent dans des duels épiques et toujours sanglants leurs ennemis des Empires Centraux.


A la lecture de ce qui précède, tu auras compris, lecteur, que le monde d’Arrowsmith est uchronique. 1100 ans après la Paix de Charlemagne, le monde est fait de nations qui ne ressemblent qu’en partie à celles que tu connais. De plus il est baigné, et là l’uchronie se double de fantasy, dans une magie absente du nôtre et habité, au coté des humains, par des créatures féeriques telles que Pierreux (l’amical voisin troll de Fletcher), les terrifiants vampires teutons, ou ces dragonnets auxquels les chevaliers du ciel sont liés par un éperon d’orichalque qui transfère de l’animal à l’homme le pouvoir de voler ; ajoutons à cela des mages (en nombre insuffisant, trouve-t-on dans chaque camp belligérant), des sortilèges, des objets magiques, toute une infrastructure arcanique tournée maintenant vers la guerre dans chacun des deux camps. Le tout constitue un monde qui, s’il rappelle le nôtre jusqu’à reproduire l’apparition d’une Grande Guerre, est largement différent de celui dans lequel nous vivons.


Et pourtant, tu ne seras pas complètement perdu, lecteur, car ce que placent Busiek et Pachero dans ce monde inédit est une histoire de guerre très classique dans ses passages obligés.

Qu’on en juge :

Le très jeune homme qui rêve d’intégrer les corps des « aviateurs » et s’oppose à son père qui désapprouve, la fuite et l’engagement, les difficultés de l’entraînement, la création progressive d’une cohésion de groupe, le baptême du feu, les premiers sacrifices, les premières pertes.

Sans oublier les rivalités viriles entre corps d’armée, les bagarres, l’amour et l’amitié qui naissent vite à la guerre car nul ne sait de combien de temps il dispose, la fatigue des combats, l’exaltation de victoires toujours transitoires, la militarisation progressive de la société, l'embrigadement du progrès technique – magique – au service de la guerre. Ici comme en 14, chaque camp considère que sa survie même dépend de la victoire et que la victoire dépend de sa capacité à infliger à l’ennemi les dégâts les plus élevés possibles.


Classique mais raconté avec une joliesse qui s’ajoute au dépaysement qu’amène le contexte, Arrowsmith est une série dont le tome 1, disponible depuis quelques mois chez Delcourt, était sorti en VO il y a vingt ans.

Puis, après une très longue attente qui nous fit tous bien souffrir, arriva un tome 2 que Delcourt publie aujourd’hui en français. On y retrouve Fletcher Arrowsmith, prématurément mûri par ses années de guerre, le spectacle des destructions, le choc des deuils, les bavures dont nul ne peut se sentir innocent quand elles conduisent des civils non combattants à connaître des morts atroces. Dans ce tome intitulé Behind Enemy Lines en VO, le jeune officier, qui a beaucoup tué en patrouille même s’il ne s’y est jamais habitué, est envoyé derrière les lignes ennemies pour remplir une mission secrète de la plus haute importance : la fameuse « mission qui peut raccourcir la guerre et permettre de ramener les boys à la maison ».

Commence alors une histoire à très haut risque dans laquelle les auteurs donnent enfin – vingt ans après le début des hostilités – un background étoffé à leur monde en y révélant aux lecteurs le point de divergence de l’uchronie et en dévoilant avec qui Charlemagne fit la paix il y a si longtemps. On y parcourt, dans un développement peut-être un peu long, un monde riche dans lequel la guerre risque bien de s’étendre au-delà des simples sphères humaines, alors qu’une menace terrifiante, déjà entrevue dans le tome 1, est en passe de se révéler avant de déferler sur toute l’Europe.


Hélas, Carlos Pacheco mourut en 2022, quelques mois après la finalisation de ce Behind Enemy Lines. Il est donc à craindre que, pour le deuxième fois, nous ne restions au milieu du gué et cette fois peut-être définitivement.


Arrowsmith, Busiek, Pacheco

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