La maison d’édition indépendante Le passager clandestin est une toute petite maison radicale, engagée et militante contre une certaine forme insatisfaisante du monde. Au milieu des non fictions, on y trouve la collection Dyschroniques qui remet à l’honneur des textes anciens de grands noms de la SF.
Nouvelles ou novellas posant en leur temps les questions environnementales, politiques, sociales, ou économiques, ces textes livrent la perception du monde qu’avaient ces auteurs d’un temps aujourd’hui révolu. Et si certaines questions semblent moins d’actualité, d’autres, en revanche, sont devenues brûlantes et illustrent, hélas, la pertinence des craintes exprimées par les auteurs de SF.
On notera que chaque ouvrage à fait l’objet d’un joli travail d’édition, chaque texte étant suivi d’une biographie/bibliographie de l’auteur, d’un bref historique des parutions VO/VF, d’éléments de contexte, ainsi que de suggestions de lectures ou visionnages connexes. Une bien jolie collection donc.
Futur – on espère que non en fait. Grande Bretagne.
Greena est une adolescente pauvre qui vit dans l’Angleterre ravagée de l’avenir proche. Des retombées, des pluies, qu’on imagine radioactives ou chimiques lessivent régulièrement le pays et le monde. On les fuient comme la peste. Elles détruisent, on peut le supposer, le gros des cultures, et ont des effets délétères sur les organismes animaux, humains compris. Dans le monde de Greena, l’espérance de vie est courte et la biodiversité rare.
Comme le chantaient The Ink Spots et Ella Fitzgerald, « Into each life, some rain must fall ». Problème, comme dans la suite de de la chanson, Greena pourrait dire « But too much is falling in mine ». Car son monde est très inégalitaire. Si la majorité, comme Greena, vit « à l’extérieur » dans des villes déchues où – péril et maladies – l’espérance de vie est courte, une minorité aisée habite des espaces protégés dans lesquels le confort est très supérieur et où on peut espérer avoir une durée de vie normale.
Et cette minorité a parfois besoin de femmes, jeunes et jolies, pour ses hommes célibataires. Des femmes qui dureront ce que durent les roses car on n’a pas vécu dehors impunément. C’est le destin qui attend Greena. Sa mère, par amour, le lui garantit.
Pleurons sous la pluie est une nouvelle de Tanith Lee datée de 1987 sélectionnée Locus 88. Dans un ton qui rappelle la SF sociale des deux décennies précédentes, le texte évoque aussi des images de L’Age de cristal pour ce qui concerne le rapport de consommation H/F – pas surprenant chez la féministe Tanith Lee.
On pense aussi à la SF de la peur de la guerre nucléaire dans laquelle la mort vient du ciel, avec des romans tels que le consternant et pourtant célèbre On the Beach.
On peut faire un dernier parallèle qui parlera peut-être plus aux lecteurs contemporains – et puis on ira se reposer. Comme dans le Sweet Harmony de Claire North, une femme réifiée n’a auprès d’elle qu’une seule alliée vraie, sa mère dont elle ne reconnaît que tard l’amour véritable.
Le texte est en tout cas aussi plaisant qu’émouvant, on ne peut que le conseiller. ‘nuff said.
Pleurons sous la pluie, Tanith Lee
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