Mr Gaunt and other uneasy encounters est le premier recueil de nouvelles de John Langan, publié en 2008 et nominé Bram Stoker Award la même année.
Elizabeth Hand l’écrit dans sa préface au recueil, John Langan écrit une sorte d’horreur psychologique qui doit beaucoup à M.R. James ; ajoutons qu’elle doit aussi à Lovecraft, au moins par quelques références explicites.
L’horreur de Langan rend hommage à une forme classique dans laquelle une tombe ou un objet très anciens sont au fondement de l’angoisse et du malheur qui suivra ( des exercices dira-t-on). Il trouve aussi un ton plus moderne dans au moins deux des textes qui composent le recueil.
Quelques mots sur son contenu :
On Skua Island et Mr Gaunt sont des club stories.
Vite très prévisible, On Skua Island raconte une expédition « archéologique » sur une île perdue. S’y trouvent une tombe et une « momie » viking porteuse d’une très ancienne malédiction. Morts prématurées, disparitions progressives des membres de l’équipe de protection des archéologues – pourtant militaires d’active –, déchiffrage de runes qui expliquent le background au lettré de l'équipe, On Skua Island ne surprendra guère les habitués de ce type de littérature. Parvenant à rendre une espèce de frénésie lors de la fin désastreuse de l’expédition, Langan n’explique jamais vraiment ni la présence des militaires, ni la raison de l’expédition, ni les craintes exprimés par les personnages à l’endroit d’hypothétiques agents soviétiques. On Skua Island est donc une histoire classique de malédiction de la momie qui manque du fond qui aiderait à la suspension d’incrédulité, même si elle n’est, dans son genre, pas trop mal réalisée. Mais incontestablement trop datée.
Mr Gaunt est aussi une histoire antiquarienne. On y comprend, au fil d'un témoignage posthume, que l’étrange majordome de l’oncle du destinataire du témoignage n’est ni humain ni inoffensif. Plus charpentée que la précédente, plus progressive aussi dans la montée de la tension même s’il est vite clair que le récit fait écho à Barbe Bleue, elle fait plus directement référence à l’œuvre de Lovecraft. D’abord par l’intervention de volumes tels que Le mystère du ver, mais aussi par le fait que le mal comme le malheur sont dans la famille même, comme c’est le cas dans Les Rats dans les murs ou Le Cauchemar d’Innsmouth entre autres.
Plaisante à lire. Reste quand même qu’arrive ce qu’on savait devoir arriver, sans grande surprise.
Tutorial, qui suit, est une nouvelle à but humoristique qui décrit les affres d’un apprenti écrivain confronté à de sévères professeurs de style et à des éditeurs qui le sont encore plus dans une forme concrète de descente aux enfers. Mandarins tyranniques et bureaucratie kafkaïenne. Ca parlera sûrement aux écrivains présents et à venir, peut-être moins au lecteur lambda. C’est une de ces situations dans lesquelles on peut comprendre quelle est la cible visée sans apprécier l’ironie à sa juste mesure, n’ayant pas soi-même vécu les tourments que raconte l’histoire.
Episode Seven: Last Stand Against the Pack in the Kingdom of the Purple Flowers est une histoire post-apo qui fait référence à The Stand, dans son titre déjà. On y suit les pérégrinations d’un jeune homme et d’une jeune femme enceinte (qui ne sont pas un couple) tentant d’échapper à une horde de canidés tueurs au milieu des ruines vides d’humains d’une civilisation contemporaine qu’une catastrophe aussi récente qu’incompréhensible a très vite effondrée. Speed, cut dans son rythme, très efficace, Episode Seven est un exercice d’admiration de Langan envers le personnage de Batman, elle pointe aussi l’ambiguïté fondamentale des héros.
Exprimant fort bien les inquiétudes, les questions et la terreur grandissante de la jeune femme, c’est sans doute la meilleure histoire du recueil.
Laocöon, or The Singularity clôt l’ouvrage. Elle raconte l’histoire d’un artiste dont la vie n’a pas tenu les promesses qu’elle lui avait faites. Professionnellement et personnellement, Dennis est en échec, à la dérive, et il en a pleinement conscience. Jusqu’à ce qu’il trouve une étrange statue oubliée, pleine d’angles et de piques, qui lui rappelle le travail organique de Giger, et qu’il se mette en tête de l’utiliser en y ajoutant une création personnelle afin de relancer sa carrière moribonde. L’excitation créative que ressent Dennis – entre deux moments où il se remémore les différents choix et inerties qui l’ont conduit à l’impasse douloureuse dans laquelle il se trouve – l’envahit progressivement jusqu’à lui laisser penser que non seulement son travail mais aussi sa vie vont s’améliorer grandement grâce à l’irruption de la statue dans sa vie. Mais l’objet n’est pas entré que dans son appartement, il a aussi pris possession de son corps par l’entremise d’une blessure à l’épaule causée par l’un de ses piquants. Et de là, tout dérape.
Sûrement un peu trop long, Laocöon, or The Singularity est néanmoins un texte appréciable par la façon dont il progresse vers une conclusion hélas attendue.
Mr Gaunt and other uneasy encounters, John Langan
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