Le Métal Hurlant nouveau est arrivé. Numéro 9 de la renaissance et premier de l’ère Lloyd Chery : « Utopies, dystopies, le futur ? C’était mieux après ».
Sous ce titre (dont le placement du point d’interrogation interroge) se trouve le numéro de la revue consacré à ces questions de topoï désirables ou terrifiants dont la science-fiction serait naturellement (ou pas) porteuse ; des lieux rêvés puis offerts par de belles personnes ou décrits d’une main tremblante par des inquiets qui cauchemardent.
Sur ces thèmes on trouvera à l’intérieur une interview volontariste de Kim Stanley Robinson (le ministre du futur) et une, lui faisant contrepoint, de Romain Lucazeau qui remet la littérature à sa place.
Coline Serreau est présente aussi pour parler de son film La Belle verte, et Phil Tippet du sien, Mad God.
Quelques pages sont consacrées au mouvement hopepunk (une antinomie sauf à parler comme un religieux exalté louant le caractère révolutionnaire de l’espoir). D’autres portent un micro-essai intéressant sur les rapports entre l’utopie et la couleur rose. On lira également les habituels conseils Livres, BD, vidéo.
Mais, soyons clair, Métal Hurlant c’est d’abord et depuis toujours de la BD contemporaine de qualité. Tendance apocalyptique en général, cynique, dure, cruelle, souvent à chute (parfaitement raccord avec l’utopie donc). On y trouve des mondes détruits, en cours de destruction ou qui seraient tout aussi bien détruits ; ici c’est Métal Hurlant, pas Satin Fredonnant.
Quelques mots sur deux ou trois bijoux :
- Enfer perdu, de Romain Brun, ouvre le bal avec une histoire tragique. Quoique…
- La maison de thé aux trois cordes est un peu frustrante scénaristiquement mais le dessin de Rachel Marazano y est impressionnant par sa richesse, a fortiori quand on sait qu’elle n’a que vingt ans. Dessinatrice à suivre.
- Frères de sang, de Thierry Martin, rappelle, loin des mythes et des bons sauvages que la nature seule corrompt, que l’humain est fondamentalement trop humain. Où et qui qu’il soit.
- Love is like Oxygen, de Frissen et De Vos, pour une SF très jolie mais très prévisible.
- Les déclassés de l’espace, de Fogel et Cuvillier, est une horreur escapiste martienne très trash dans son traitement.
- Rimbelt : le porteur de mauvaises nouvelles, de Van Den Ende et Bos est un chef d’œuvre absurde au graphisme particulièrement savoureux.
- Mouvement perpétuel, de Adam et Perron, est un atroce cauchemar éveillé qui saisit son lecteur en seulement quelques pages.
- Nouvelle espèce, de Pisarev, rappelle, dans un style naïf, que l’utopie des uns est la dystopie des autres car il n’y a pas de bien commun universellement acceptable.
- Poubelle-Dorado, de Hureau, raconte, dans un style graphique à la Fluide Glacial, l’enfer des déchets et les capacités infinies du système à récupérer, solvabiliser, et gamifier un monde qui ne demande pas mieux.
- 2138, l’âge adulte, de Etienne Appert, qui se passe après la Grande Brûlure du monde est un peu pontifiant mais plutôt amusant. Ceci fait passer cela.
- Un monde plus lisse, de Corbeyran, Sallé et Bègue, décrit une dystopie où le puritanisme, ceint dans les soieries chatoyantes de la bienveillance, censure et oppresse au nom du Plus Grand Bien. M’est avis que Corbeyran et ses potes ne se feront pas d’amis avec ce strip.
- Everyday is like Wendy, de Valentin Ramon, rappelle le Vie tm de Jean Baret et se fout bien de la gueule de la vie virtuelle sur les réseaux en la confrontant à celle, bien réelle, de ses acteurs.
- Signal faible, de Mourier et Kavege, est une excellente nouvelle à chute qui aurait fait un grand scénario de Twilight Zone.
- Enfin le Top IA, d’Alex Ristorcelli, est aussi une belle pièce de dessin post-apo, même si le scénario manque d’un petit quelque chose de surprenant.
Voilà, du beau, du bon. Enjoy !
Commentaires
Et le scénario (SF, contact) est ok sans être délirant.