A la recherche de Kadath (The Dream Quest of Unknow Kadath) est un court roman de Lovecraft écrit fin 1926 et publié à titre posthume en 1943 seulement (puis plus tard en France, notamment dans le recueil Démons et merveilles).
Dit simplement, c’est l’histoire de la quête de Kadath l’Inconnue par Randolph Carter, qui rêva trois fois d’une cité si merveilleuse qu’il décida un jour d’aller implorer les dieux dans Kadath afin qu’ils lui en révèlent la localisation – or die trying. Commença alors pour l’homme un périple très risqué entre horreur et héroïc fantasy qui n’a pas grand-chose à voir avec le reste de l’œuvre lovecraftienne si ce n’est son sens aigu de la description et de l’invention mythologique.
Dès son titre résolument mystérieux, nimbé de magie et gros de promesses d’aventure, The Dream Quest of Unknow Kadath désigne un texte qui se détache absolument du reste de la production du reclus de Providence. Le roman fait partie du Cycle du rêve, un groupe d’histoires dont le personnage principal est l’ultra-rêveur Randolph Carter (une version imaginaire de Lovecraft lui-même) et qui se passent dans les Contrées du Rêve, le monde onirique que les rêveurs ordinaires arpentent inopinément lors de leur sommeil quand les rêveurs maîtres tels que Lovecraft y ont porte et table ouverte, à condition toutefois d’accepter les risques mortels qu’encourent ceux qui descendent volontairement dans ces contrées que ni toi ni moi ne visitons jamais physiquement.
La quête de Kadath est donc le récit, très typé héroïc fantasy, de la quête de Carter à la recherche de sa cité onirique. C’est ce récit qui est adapté ici en BD, assez fidèlement, par Florez, Sanna et Salomon sous le titre Kadath l’Inconnue.
Tournant les pages sur les traces du Haut Rêveur, on descend les 700 marches des Cavernes de la flamme et on pénètre avec lui dans les Contrées du Rêve. On le suit alors dans ses pérégrinations, de la forêt des Zoogs à la cité antique d’Ulthar (célèbre pour ses chats qui, un moment, l’aideront), de Dylath-Leen au mont Ngranek en passant par la Lune (que Carter visite comme captif de bêtes batraciennes et d'esclavagistes cornus), des cavernes des Maigres Bêtes de la Nuit à la mortifère vallée de Pnoth où fouissent les terrifiants Dholes (Bholes ici, comme à l’origine). Là, on pactise avec les goules de Pickman pour fuir la vallée sans être dévoré par Gugs ou Ghasts puis on atteint la cité portuaire de Celephaïs, où règne le roi Kuranes (un autre rêveur) dont le scénariste adaptateur a fait un transgenre qui a un rapport sexuel avec Carter ce qui, quand on connaît l’œuvre de HPL, est doublement ridicule – et ne parlons pas de la servante en maillot brésilien sur la couv'.
Passons sur ce consternant sacrifice aux tropes du moment et revenons à la quête. Dans les pas de Carter (et de son compagnon félin, plus présent que dans l’original), nous poursuivons : Inquanok et sa carrière cyclopéenne, le désolé plateau de Leng, les effrayants oiseaux Shantak, encore des cultistes en mission. Et partout, plus que jamais auparavant, le risque, la folie, la mort qui guette ; à Sarkomand, dans la grande guerre entre goules et Bêtes lunaires, entre les griffes ou les crocs des innombrables créatures surnaturelles qui peuplent les Contrées du Rêve. La très longue quête s’achève à Kadath, enfin, par la rencontre avec Nyarlathotep, Le Chaos Rampant lui-même, qui charge Carter d’une dernière et périlleuse mission.
Tout ceci se trouve dans la BD et l’adaptation est, répétons-le, plutôt fidèle – mis à part le délire avec Kuranes.
Faut-il la lire pour autant ?
Tout lovecraftien conséquent le fera, pour voir ce qu’il en est, ou pour replonger en une heure avec délectation dans un voyage onirique qui, s’il fut en partie inspiré par Burroughs ou Dunsany, n’en porte pas moins la patte de Lovecraft et n’en est pas moins magnifique.
Il faut néanmoins qu’un potentiel lecteur moins amateur sache deux choses :
D’une part, la version dessinée ne peut égaler la prose de Lovecraft, et, cruellement, les extraits du texte original qui servent d’incipit à chaque chapitre le mettent en douloureuse évidence. Il faut lire The Dream Quest of Unknow Kadath, quitte à le faire après et parce qu’on a lu la BD.
D’autre part, les dessins sont assez quelconques et ne font que mettre platement en images les mots d’HPL. Peut-être rien d’étonnant de la part de trois auteurs qui ne connaissent, de leur propre aveu, que peu l’œuvre. Ce qui expliquerait aussi le lien audacieux fait avec Little Nemo au début de chaque chapitre.
Alors choisis ton camp, camarade, moi, je prends les deux avec une préférence pour l’un.
Post-scriptum : Je ne peux finir sans signaler la version de Kij Johnson, indispensable.
Kadath l’Inconnue, Lovecraft adapté par Florez, Sanna, Salomon
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