The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Les désarrois du professeur Mittelmann - Eric Bonnargent


2020. L’année de la retraite pour le professeur Mittelmann, après plus de trente ans passés au service de l’Education nationale. Le gros d’une vie, et l’occasion pour lui de revenir sur celle-ci pour un bilan avant liquidation professionnelle.

Mittelmann rêva longtemps d’être un grand écrivain, goncourisé et nobélisé ; il fut un auteur anecdotique. Il devint prof presque par hasard et fut un bon prof de philo. Il fut aussi mari et compagnon, et n’en tira guère plus de satisfaction durable que de l’écriture.

Mittelmann l’homme moyen, « l’homme sans qualités » comme il se définit lui-même, fut (est ?) quelconque, banal, presque générique. Traversant le temps sans incroyable succès ni échec catastrophique. S’approchant des objectifs élevés qu’il se donne sans jamais les atteindre complètement. Apprenant on ne sait comment à s’en satisfaire. Comme presque nous tous.


Dans Les désarrois du professeur Mittelmann, Eric Bonnargent décrit avec humour un personnage assez intelligent pour sentir l’entropie en lui et la regarder avec une lucidité désabusée qui génère sourire et compassion chez le lecteur.

Le roman raconte un vieillissement (une vie ? De fait c'est pareil) à l’aide de vignettes espacées de plusieurs années. A la troisième personne l’auteur y dit la vie de son personnage en alternant chapitres biographiques et séquences de cours fictives.

Mittelmann jeune prof et jeune marié, puis entre deux âges dans une nouvelle relation, jusqu’à la retraite, cette antichambre de l’Ehpad. Mittelmann prof parmi des profs, une engeance décevante à laquelle il ne se sent pas appartenir. Mittelmann inspirant parfois un ou deux élèves. Mittelmann écrivain souffrant et peu payé de ses efforts. Mittelmann amoureux passionné puis mari négligent. Solitaire puis amoureux puis solitaire puis amoureux, comme si les appels du sentiment, jamais totalement satisfaisants, lui étaient irrésistibles. Seul point stable dans sa vie, Marc, son éditeur.

Les années passent et Mittelmann vieillit. Tout simplement, parce que Mittelmann vit – seuls les morts cessent de vieillir. Les années passent et les portes se ferment, l’une après l’autre. Parce que les occasions sont passées, parce que le corps suit de moins en moins (elle est rageante la dualité corps/âme quand on a un vieux corps, à moins qu’un vieux corps ne façonne peu à peu une vieille âme). C’est cela, vieillir, la dépendance au chemin et la réduction des possibles. Sur le passé plus rien n’est possible, et pour chacun le passé est à chaque minute un peu plus massif ; il tente un jour de l'enseigner à ses élèves bien trop jeunes pour le comprendre vraiment.


Pour servir son propos, Bonnargent croque fort joliment les milieux sociaux que côtoie Mittelmann et les particularités d’un milieu professionnel endogamique et autocentré dont Alain Golomb disait qu’il était peuplé de plantes sous serre.

Il dit sans aigreur excessive l’effondrement d’un système éducatif qui fut l’un des plus nobles du monde – et offre une visite guidée de Brunoy qui rappelle Baudelaire sur la Belgique en plus disert.

Il livre plusieurs cours dont il parvient à merveille à restituer l’ambiance : verbatim d’un flux de paroles ininterrompu qui vise à transmettre les connaissances nécessaires tout en laissant la parole à l’élève sans oublier d’émettre (comme des interruptions non masquables en informatique) les innombrables injonctions disciplinaires nécessaires à la poursuite d’une activité adressée à des jeunes qui ont de moins en moins la patience d’attendre la suite, les connaissances préalables nécessaires à la compréhension, ou simplement la politesse de se taire pour écouter.

Il dit aussi les malentendus du couple et de l’amour, aussi inévitables que la disparité des consciences. Il dit enfin les accommodements avec la médiocrité, qu’il voit et vit et que tant vivent sans même les voir.


Quand tout aura été écrit et accompli, et même s’il aura cédé à la pulsion reproductrice, Mittelmann n’aura été qu’un homme lambda qui a traversé les étapes atrocement banales de la vie avant de partir sans laisser guère plus de trace que quiconque. Obtenant moins qu’il ne voulait mais n’obtenant pas rien, de moins en moins éligible à obtenir plus, il ressemble à un personnage de Houellebecq qui aurait été vaincu non par l’extension du domaine de la lutte mais par la simple entropie et le passage du temps. Sans doute pas un salaud mais sûrement un peu un lâche. Comme presque nous tous. « Une génération s’en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours ».


Eric Bonnargent enseigne la philosophie. Il écrit aussi. Comme le professeur Mittelmann. Qu’y a-t-il de lui dans Mittelmann ? Je ne sais pas et on s’en fout.

PS : Votre serviteur a passé deux semaines d’observation au lycée de Brunoy. Bonnargent n’exagère pas.


Les désarrois du professeur Mittelmann, Eric Bonnargent

Commentaires

tadloiducine a dit…
Prof de quelle matière, ce héros? Philosophie? N'a eu que des terminales, dans ce cas...
A rapprocher de "Pierre", le pilier (désabusé) du collège, qui lit du Zola à ses élèves (avant les vacances?), dans le film "Un métier sérieux"?
Je note ce titre.
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola