The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Lonesome Dove - Larry McMurtry


Lonesome Dove est le premier roman de la série éponyme. Il est l’œuvre, publiée en 1985, de Larry McMurtry. Il a obtenu le Pulitzer en 1986. C'est une superbe histoire, crépusculaire et profondément humaine.

1880's. Sud du Texas. Augustus 'Gus' McCrae et Woodrow Call sont deux ex-capitaines des Texas Rangers. Après trente ans passés ensemble à combattre pour protéger le Texas des Mexicains, des bandits et des Indiens, ils ont fondé, toujours ensemble, la « Hat Creek Cattle Company and Livery Emporium », une société (c'est beaucoup dire) de négoce de bétail. Concrètement, la HCCLE est un tout petit bizness qui les fait vivre modestement, eux et les deux ou trois employés qui les assistent.

Call et McCrae sont des légendes mais ils sont aussi deux hommes vieillissants qui s'ennuient dans leur affaire, non loin de la petite ville de Lonesome Dove, juste à côté de la frontière mexicaine ; même les vols et contre-vols de bétail de part et d'autre de la frontière ne les amusent plus vraiment.  Seul plaisir de Call : le travail, sans fin et sans répit. Seuls plaisirs de Gus : sa jarre de gnôle fraîche et la jolie prostituée Lorena Woods qui travaille dans le seul saloon de la ville et qu'il est le seul à traiter en interlocutrice même si tout les hommes rêvent d'elle. Alors, quand arrive à Lonesome Dove leur vieux compagnon d'armes des Rangers Jake Spoon et que celui-ci leur parle des terres riches et encore vierges du Montana n'attendant que des troupeaux pour devenir des terres d'élevage, l'idée, d'abord absurde, de réunir un troupeau puis de l'amener jusque dans le lointain Etat occidental pour y créer un ranch devient de plus en plus séduisante jusqu'à devenir le projet des deux hommes ; celui de Call surtout qui entraîne Gus à sa suite comme il l'a toujours fait.

Un périlleux périple de plusieurs mois commence pour les deux hommes, leur jeune pupille Newt Boot, né de père inconnu, leurs employés de la HCCLE, et les cow-boys fraîchement embauchés sans oublier Jake Spoon et Lorena qui s'est entichée de lui et qu'il a promis d'emmener en Californie.


Lonesome Dove est d'abord un roman porté par ses personnages. Des personnages énormes et inoubliables – même s'ils sont un peu chacun d'un bloc.

Augustus McCrae, un vrai tueur mais surtout un glandeur épicurien, un bavard impénitent, et un homme cultivé doté d'un sens de l'humour inébranlable qui apaise par sa présence sereine et rassurante. Fiable, solide, mais foutraque.

Woodrow Call, un coincé à la parole rare, une bête de travail, un homme fait pour commander et qui rassure par la certitude qu'il offre qu'il prendra toujours les choses en main et les prendra bien, un homme aux valeurs morales très élevées qui souffre de ne pas pouvoir toujours être à la hauteur de ses aspirations.

Pea Eye, ancien Ranger, fidèle, fiable et courageux.

Deets, ancien Ranger, pisteur, fiable et bienveillant.

Newt, qui a un peu connu sa mère, une prostituée décédée, mais pas du tout son père, qui voudrait ressembler aux deux capitaines, qui est fier de participer à ce qui sera la plus grande aventure qu'il ait jamais vécue et le fera passer à l'âge d'homme.

Clara Allen, femme dure, indépendante, bonne, amour perdu de Gus et épouse d'un homme qu'elle ne respecte pas même si elle lui est fidèle.

July Johnson, jeune shérif taiseux, malheureux en amour et trop fragile pour le grand Ouest.

Elmira Johnson, folle d'amour pour un autre, à en mourir.

Roscoe Brown, adjoint du shérif, gentil, incompétent.

Joe, le fils d'Elmira, qui ne l'aime pas.

Et bien d'autres encore dont notamment Jake Spoon, un vrai charmeur, un brave gars aussi, mais si influençable et inconstant que personne, pas même lui, ne peut lui faire confiance. Quand on n'a besoin de rien c'est à Jake qu'il faut demander. Son destin sera tragique.

Ou bien sûr Lorena Wood, victime des circonstances, habitées de rêves d'ailleurs, qui souffre et souffre jusqu'à trouver un havre où elle pourra un peu s'apaiser.

Sans oublier le terrifiant bandit Blue Duck, les non moins terrifiants frères Suggs, le frankensteinesque chasseur de buffles Big Zwey, le philosophe cuisinier Po Campo qui enterra ses fils et tua sa femme, et quantité d'autres qui chacun jouent leur rude partition au sein d'un monde cruel et impitoyable.


Car ce qui caractérise le monde de ces hommes et femmes, c'est son caractère intraitable. Ici on survit ou on meurt. On meurt beaucoup, onstage ou backstage. Morsures de serpents, maladies, chutes de cheval, encornements bovins, Indiens, faim, froid, tempêtes, bandits, noyade, justice expéditive même et j'en oublie. On peut mourir de mille manières là-bas, et le roman est plein de morts qui surviennent mais aussi de morts qui sont survenues. Avant. De maris, d’épouses, d'enfants morts. De Rangers tombés au combat. De colons assassinés. Ad nauseam. Fin XIXe, avant les antibiotiques, on meurt beaucoup, mais sûrement encore plus dans les terres pas complètement défrichées des bordures américaines. Et un peu plus encore quand on se lance dans un voyage aussi invraisemblable que celui de Call et McCrae.


Pourtant, ce monde dur comme le roc se meurt. Et c'est leur faute : “The dern people are making towns everywhere. It’s our fault, you know.”...“Why, naturally, since we chased out the Indians and hung all the good bandits,”...“If I’d have wanted civilization I’d have stayed in Tennessee and wrote poetry for a living,” Augustus said. “Me and you done our work too well. We killed off most of the people that made this country interesting to begin with.”

Le monde sauvage de la frontière disparaît, il a déjà presque complètement disparu au Texas. Le danger recule, les routes se stabilisent, le chemin de fer arrive, les fermiers remplacent les chasseurs/trappeurs. Même les exploits d'antan sont peu à peu oubliés. Voilà pourquoi Call et McCrae partent pour l'Etat presque encore vierge du Montana. Voilà pourquoi deux hommes qui n'avaient jamais pu vivre en la compagnie des hommes civilisés partent chercher une nouvelle fois l'aventure en compagnie de quelques compagnons de route tentés par le dépaysement. Quitte à accepter l'inconfort des nuits à la belle étoile et les traversées de rivière à la nage, l'absence d'êtres humains, le risque de mourir en route. Quitte à parcourir des étendues vierges où l'eau est rare, les tempêtes fréquentes et les Indiens encore menaçants. Sans vraiment savoir pourquoi. Sans vraiment savoir ce qu’il y a au bout et même si on voudra y rester. Qui s'intéresse vraiment au Montana ?



Lonesome Dove est un beau roman qui dit le tristesse d'atteindre la fin de sa vie et celle, plus forte encore, de voir le monde qu'on aime mourir autour de soi.

C'est aussi un roman qui dit avec force détails la beauté de la nature sauvage, sa dangerosité aussi. Puis la tristesse face à sa disparition.

C'est un roman qui n'oublie pas de dire ce qui fut pris aux Indiens et le sordide destin qui fut le leur dès les guerres terminées.

C'est encore un roman qui dit une surprenante économie des sexes. La frontière est un monde d'hommes. Les femmes, minoritaires, y sont des épouses ou des prostituées. Les prostituées utilisent la seule ressource dont elles disposent pour survivre dans un monde difficile. Les épouses aussi, autrement. Ces dernières, statistiques aidant, deviennent souvent des veuves et elles doivent alors presque toujours se remarier pour augmenter leurs chances de survivre, ne serait-ce qu'à la difficulté du travail des champs. Face aux femmes, les hommes, majoritaires, vont voir les prostituées, ou se marient (parfois avec des veuves), ou épousent des prostituées. Il y a dans cette économie une matter-of-factness surprenante et pourtant logique ; chacun des deux sexes cherche à profiter de ce que peut lui apporter l'autre en terme de niveau de vie et de position sociale. Il s'agit bien ici pour chaque pot de trouver son couvercle, les sentiments n'y ont pas grand chose à voir. Seuls peuvent déroger longtemps à cette règle les soldats ou cow-boys qui passent leur temps à cheval dans les terres et n'utilisent les villes que comme lieu de repos et de détente, célibataires définitifs qui ne savent des femmes que les rencontres tarifées. Comme Call ou nombre de ses compagnons.

  • Des rapports hommes/femmes on ne sait si c'est Pea Eye qui en parle le mieux : « Much of the time he found himself wondering about the generalities of marriage. The principal aspect he worried over most was that marriage required men and women to live together. He had tried many times to envision how it would be to be alone at night under the same roof with a woman—or to have one there at breakfast and supper. What kind of talk would a woman expect? And what kind of behavior? It stumped him: he couldn’t even make a guess. »
  • Ou si c'est Bolivar, le cuisinier : « Every day he thought he might go home, but he didn’t. It was easier to stay and cut up a few snakes into the cook pot than to listen to his wife complain. »

C'est enfin un roman qui dit la folie de l'amour dans un lieu qui n'est pas fait pour les folies romantiques qu'abritaient pourtant ce XIXe siècle. Bien des personnages ici en souffriront dans leur chair. On meurt à cause de l'amour quand on n'est pas raisonnable. La raison c'est l'économie rationnelle des sexes. Écouter tout autre chant est aussi dangereux qu'écouter celui des sirènes. Si on veut aimer et être romantique, alors il faut vivre en Europe ou à Boston, pas à la frontière.


Tu imagines bien, lecteur, qu'en 1000 pages il se dit et se passe bien d'autres choses encore, mais j'espère t'avoir donné l'idée et l'envie de lire ce roman qui existe en version française.

1000 pages en 15 jours de lecture. Pas brillant. L'effet émollient de l'été. Mais 1000 pages pour faire plus de 3000 km à cheval en guidant un troupeau de plusieurs milliers de bovins sur des pistes rares puis inexistantes, ça c'est carrément pas mal.


Lonesome Dove, Larry McMurtry


Ce roman participe au challenge Les Pavés de l'Eté 2023

Commentaires

Baroona a dit…
J'apprends donc qu'il s'agit d'une série. J'aurais un peu peur de m'y replonger, après des années d'oubli, mais ce voyage était si grandiose que ça se réfléchit. Tu vas lire les tomes suivants ?
tadloiducine a dit…
Bonjour Gromovar
Je n'ai toujours pas lu ce roman qu'on m'avait offert il y a quelques années, alors qu'il est pourtant remonté dans ma mémoire il y a quelques semaines quand une blogueuse a fait référencer son billet sur Les rues de Laredo (autre volume avec les mêmes héros) pour le Challenge des épais de l'été 2023 (600 pages minimum) que j'organise chez dasola...
Si le coeur vous en dit d'inscrire aussi le vôtre, il vous suffit de rajouter dans votre billet (voire dans d'autres sur des livres remplissant les conditions d'épaisseur et de date!) logo(s), liens, et de le signaler dans un commentaire! Je dis ça je dis rien ;-)
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Gromovar a dit…
Sans doute mais pas avant un moment. Il faut que je retourne un peu à l'Imaginaire ;)