The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Freak Show - Jones - Wrightson


Du XIXe siècle à la moitié du XXe les freak shows furent une forme de spectacle itinérant qui tirait partie de l'effroi qu'inspirait aux populations la vision de malheureux que la génétique ou les hasards de la vie avaient affligés d'une déformation congénitale grave.

Du grand cirque Barnum qui avait presque industrialisé la chose aux nombreux petits cirques qui ne comptaient qu'un petit nombre de roulottes (car c'était bien comme ça qu'on se déplaçait), les freak shows allaient de ville en ville pour présenter, avec force grands cris de bateleur et histoires inventées à fendre l'âme, ces « spécimens » qui n'avaient eu que le malheur de naître difformes en un temps où on ne connaissait pas la génétique, où on était volontiers bigot ou superstitieux, où n'existait aucun système social capable de prendre en charge des infirmités qu'une médecine plus performante aurait même pu corriger dans certains cas.


Pour les générations qui n'ont pas connu ces temps, l'image des freak show vient du chef d’œuvre de Tod Browning, Freaks, de la saison 4 de la série American Horror Story, de l'Elephant Man de David Lynch, entre autres. On pensera aussi, de façon plus lointaine, aux premières années de Kurt Wagner, le Diablo des X-Men.

Ceux qui avaient l'âge d'acheter un album de BD en 1984 se souviennent de La foire aux monstres, de Jones et Wrightson, publié en VO entre 82 et 83 sous le titre Freak Show puis traduit en français par Janine Bharucha chez Albin Michel. Quelques mots.


Dans Freak Show, Wrightson (qui avait magnifiquement illustré un Frankenstein) livre encore une fois une démonstration de son talent dès qu'il s'agit de représenter l'horreur gothique. Il le fait sur un scénario de Bruce Jones qui, sans être renversant, rend hommage à la tradition.

Allemagne. XIXe siècle. Alors que la pluie tombe depuis des jours sur une petite ville, arrive une caravane branlante. Conduite par un personnage masqué, elle attire les citadins qui se rassemblent autour d'elle pour voir, pressentant qu'elle dissimule sans doute ces freaks qui effraient mais qu'on meurt d'envie de voir, comme on écoutait, pour frémir autant que pour se rassurer, les chansons réalistes. Le bonimenteur ne dit-il pas : « Que la vue de cette masse de misère humaine vous fasse prendre conscience de votre bonne fortune » ? Par-delà les moqueries véritables, c'était là le point de ces spectacles : voir pire.

Et le spectacle, il faut dire que le « propriétaire » de la caravane le fait. Comme dans les freak shows véritables, il fait monter la tension avant de montrer quoi que ce soit en racontant ce qu'il présente comme l'histoire édifiante des créatures que les villageois vont voir. Et cette histoire tragique qui se termine tragiquement, c'est celle que Jones et Wrightson nous racontent.


Freak Show est une œuvre qu'il vaut mieux lire en noir et blanc imho, même si les couleurs (réalisées par sa femme d'alors Michele Wrightson) ne sont pas en faute ; c'est sans couleur que le style si précis de Wrightson est le mieux rendu. Erreur donc ici mais ce n'est pas bien grave. D'autant qu'une version NB est presque impossible à trouver, si tant est qu'elle ait existé sous forme d'album.

Freak Show est aussi un album qu'il faut prendre comme une version longue des histoires effrayantes publiées par EC Comics. Comme ceux-ci, il offre donc une histoire sans grand développement psychologique, qui captive par les zones d'ombre qu’on y pressent et dont on attend l'éclaircissement, et surprend par les rebondissements qu'elle propose.

Freak Show est enfin un album classique qu'il est utile de lire imho pour mesurer une fois encore le talent de Wrightson. Il ne faut pas en attendre plus sur le plan de la sapience.

Voilà, tout est dit.

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