Emilie Querbalec : Mes Utopiales de B à V

Comme chaque année, vers Samain, se sont tenues les Utopiales à Nantes. 153000 visiteurs cette année, et moi et moi et moi. Ne faisons pas durer le suspense, c'était vraiment bien !!! Genre grave bien !!!! Aux Utopiales il y a surtout des auteurs qu'on va retrouver jour après jour ci-dessous (ou dessus, ça dépend dans quel sens vous lisez) , sur plusieurs posts successifs (survivance d'un temps où on économisait la bande passante – « dis ton âge sans dire ton âge ») . Tous les présents aux Utos n'y sont pas, c'est au fil des rencontres que les photos sont faites, la vie n'est pas juste. AND NOW, LADIES AND GENTLEMEN, FOR YOUR PLEASURE AND EDIFICATION, THE ONE AND ONLY EMILIE QUERBALEC

Lapin maudit - Bora Chung - Cursed Bunny en VO

BLOG EN MODE DÉGRADÉ

ON REFERA MIEUX QUAND ON POURRA MIEUX.

JUSQUE LÀ, LECTEUR, POUR ENCORE QUELQUES MOMENTS, IL TE FAUDRA ACCEPTER DE ME FAIRE CONFIANCE SUR JUSTE DEUX OU TROIS LIGNES.


Bora Chung est une autrice et traductrice sud-coréenne formée aux USA. En 2022, son recueil Cursed Bunny, traduit en anglais par Anton Hur a été shortlisté pour le International Booker Prize. Let's have a look !


Sous une couverture qui met en scène un lapin miraculeusement échappé d'une soirée chemsex de Pierre Palmade (qui est la même dans la VF traduite par Hervé Péjaudier), le lecteur curieux trouvera dix nouvelles de longueurs variables qui oscillent entre le fantastique, le weird, et une forme de réalisme magique au parfum oriental.

Dans les pages de Cursed Bunny, tu croiseras, lecteur, une femme qui passe sa vie à fuir une créature née de ses excréments, une autre enceinte de Dieu sait qui et en quête de père, une cartoonesque invasion de lapins qui vengent une famille, une victime d'accident de la route, une histoire innovante de « poule » aux œufs d'or, une amitié bien mal payée de retour, une très cruelle histoire d'esclavage, les déboires d'une femme trop motivée par l'argent, une histoire de malédiction au parfum de Mille et une Nuits, et une bien triste théorie de fantômes polonais.


Bora Chung offrent dans ce recueil dix textes durs qui disent souvent le déchirement entre tradition et modernité, mais aussi – et c'est plus universel  les déceptions qu'amènent la vie et les épreuves qui en sont le mortier, sans autre espoir de sortie que celui qui conduit à l'anéantissement. Relations parents/enfants plus ou moins métaphorisées, étapes de la vie illustrées dans leur difficulté fondamentale, abus et contraintes, solitude fondamentale y compris et surtout au moment de mourir, Chung propose un monde qui meurtrit, qui flétrit, qui trahit et détruit à petit feu. On n'est pas chez Ligotti avec son nihilisme cosmique, mais il n'y a guère plus de lumière dans le monde de Chung.

Les textes les plus étouffants ici sont The Head, Snare, Scars (l'antithèse de l'écœurante sucrerie Small Monsters), ainsi que The Frozen Finger dans un genre différent.

Si on devait nuancer notre satisfaction, il faudrait dire que l'écriture n'est pas encore vraiment là (style et/ou traduction sont plats) et que, problème récurrent des nouvelles, ça tourne parfois court. 

Sans les pusillanimités de nombre de ses consœurs et confrères occidentaux, Bora Chung livre des textes aussi cruels que crus qui, plus visibles, auraient été noyés sous les trigger warning. Merci Nora Chung d'être sud-coréenne, merci d'avoir une culture slave, merci pour tout cela qui vous permet d'être capable d'offrir des textes qui frappent dans la gueule et l'estomac du lecteur sans vous demander si quelqu'un pourrait s'en trouver attristé ou offensé. Il est peut-être temps de ne lire plus que de petits auteurs petitement traduits pour échapper à la guimauve dans laquelle nombre d'auteurs et d'éditeurs occidentaux semblent s'être dorénavant spécialisés. 


A lire.

Cursed Bunny, Bora Chung - Sorti en VF sous le titre Lapin maudit

Commentaires

Roffi a dit…
Tentant une fois de plus. Même ”en mode dégradé ”,vous restez persuasif.
Après Mariana Enriquez,je crois qu’on est vaccinés,on peut continuer.
😄
Gromovar a dit…
Merci.
Et en effet il y a du Mariana Enriquez là-dedans. Si ce fait est passé, tant mieux.