The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Chen Qiufan - Un prospectiviste aux Utopiales


Chen Qiufan est un auteur chinois de SF qui n'a pas encore de page Wikipedia en français (honte !!!).

Auteur de L'ile de Silicium (que j'avais bien apprécié en anglais, traduit par Ken Liu), il était aux Utopiales 2022 pour en présenter la VF traduite par Gwennaël Gafric, ainsi que son livre de prospective IA 2042, écrit à quatre mains avec Kai-Fu Lee.

Pour être complet, disons que ma bibliographie personnelle de l'homme contient aussi cinq nouvelles : l'excellente Coming of the light (avec un scoop à découvrir un peu plus bas)Debtless, plus trois autres regroupées dans l'anthologie de SF chinoise Invisible Planets. Un auteur à suivre de très près.


Ce que Wikipedia ne dit pas, c'est que Chen Qiufan est un homme aussi abordable que sympathique - ce en quoi il fait la paire avec son traducteur Gwennaël Gaffric. C'est ainsi grâce à ce dernier que j'ai pu réaliser une courte interview par mail de l'auteur avec qui l'agenda itw ne collait pas aux Utopiales. Traduisant mes questions et les réponses de l'auteur, Gaffric a permis l'existence de cet entretien que je vous propose maintenant. Je les remercie vivement tous les deux pour leur temps.


The Waste Tide (L’île de silicium en VF) est un roman qui use de la SF pour décrire une double réalité préoccupante : celle du recyclage polluant de produits technologiques et celle du statut des migrants intérieurs. Pourquoi avoir choisi la SF pour les aborder plutôt qu'une approche réaliste ?

Ma réponse sera simple : avant tout, je suis fan de science-fiction depuis tout petit, et c’est donc le genre qui m’est le plus familier. Quand j’écris, je me projette presqu’instinctivement dans la science-fiction. Deuxièmement, la SF est un outil qui permet de s’extraire des catégories habituelles de pensée pour réfléchir aux problèmes de notre temps : elle me permettait de faire de la question des déchets et des travailleurs migrants quelque chose de plus symbolique, de plus universel, en échappant aux frontières géographiques, culturelles ou temporelles, afin de toucher des lecteurs d’horizons différents.


Vous illustrez dans votre travail (et votre discours) la coexistence en Chine des traditions sociale et religieuse avec la modernité technique et organisationnelle. Comment cette coexistence se passe-t-elle dans la société ? Comment se passe-t-elle à l'intérieur même de l'esprit des femmes et hommes chinois ? Comment est-elle vécue par les différentes strates socio-démographiques de la société ?

La Chine a connu ces dernières années d’énormes bouleversements dans ses structures sociales : il y cohabite maintenant un mélange de caractéristiques issues des civilisations agricole, urbaine et numérique. En ce sens, il n’est pas surprenant que même de nombreux patrons d’entreprises dans les domaines technologiques croient au fengshui ou vénèrent des divinités. Je crois que les différentes classes sociales en Chine partagent des interprétations différentes des liens entre religion et technologie mais, en général, elles ont en commun de tendre vers un certain pragmatisme, qui n’est peut-être d’ailleurs pas le même qu’en Occident. « Si ça peut m’être utile, si ça peut m’aider, alors je suis prêt à y croire, à devenir pratiquant » : c’est une attitude assez répandue en Chine.


Les auteurs chinois ont souvent une maîtrise impressionnante de la culture occidentale. D'où vient ce goût pour les auteurs classiques occidentaux ? Et comment ce goût est-il satisfait durant les études ou ailleurs ?

La Chine est probablement le pays le plus actif au monde en matière de traduction d’œuvres étrangères. On nous demande de lire des classiques mondiaux dès notre plus jeune âge, notamment de la littérature russe de l’époque soviétique (Et l’acier fut trempé), de la littérature française, comme Le Rouge et le Noir, Notre Dame de Paris ou La Comédie humaine, ainsi que des classiques d’autres pays. Ces lectures font partie de nos examens à différents moments de nos études. Je ne peux pas dire que ce soit pour tout le monde pareil, mais dans la communauté des écrivains au moins, la connaissance des grands classiques de la littérature occidentale classique est considérée comme un prérequis élémentaire.


Vous avez publié de nombreuses nouvelles en langue chinoise, pour lesquelles vous avez gagné de nombreux Prix littéraires. Souhaitez-vous que vos nouvelles soient publiées en France ?

J’aimerais beaucoup ! Je viens tout juste de recevoir une invitation des éditions du Bélial’ pour faire traduire en français ma nouvelle « Coming of the Light » dans la revue Bifrost. [Scoop qui fait plaisir, ndG]

Je recommande aussi « The Year of the Rat », « G for Goddess » ou bien « The Endless Farewell » [ndt : nouvelles toutes traduites en anglais].


Vous avez été souvent traduit en anglais par l'auteur américain d'origine chinoise Ken Liu. Est-il plus facile ou plus difficile d'être traduit dans une autre langue par un auteur qui habite depuis l'enfance les deux langues ?

Ken est un écrivain qui maîtrise aussi bien l’anglais et le chinois, ses deux langues maternelles. Il a de plus étudié la littérature, l’informatique et le droit à Harvard, et a lui-même écrit des œuvres de science-fiction et de fantasy : c’est donc un trésor rare ! Généralement, je suis très satisfait de ses traductions : il me pose souvent des questions et fait des commentaires à partir desquels nous discutons ensuite, puis nous faisons les dernières révisions ensemble.


Vous avez dit à Nantes être l'un des auteurs post Liu Cixin. Qui est à vos côtés dans cette génération d'auteurs chinois de SF qui empruntent une voie ouverte par Liu Cixin ? Et quels sont vos point communs ?

Je pourrais citer des écrivaines et des écrivains comme Hao Jingfang (« Pékin plié »), Xia Jia (« La parade nocturne des cent fantômes »), Baoshu (La Rédemption du temps), Jiang Bo (Les Ailes du Cosmos) et bien d’autres, ayant pour point commun d’avoir tous reçus une très bonne éducation et d’être diplômés des meilleures universités de Chine (Université de Pékin, Université de Tsinghua…). Ils s’intéressent aussi davantage aux questions sociales et privilégient l’expression individuelle plutôt que les grands récits. Bien sûr, cette génération d’écrivains en est encore à ses débuts, et j’ai hâte de voir les autres œuvres qu’elle pourra produire.


Question subsidiaire : Avez-vous lu le non-SF et néanmoins très beau A Concise Chinese-English Dictionary for Lovers - de Xiaolu Guo [publié en français sous le titre Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants chez Pocket dans une traduction de Karine Larechere, ndG]

Pas encore, mais j’irai voir ! Merci pour la recommandation !


Je remercie encore une fois Chen Qiufan pour son temps et Gwennaël Gaffric pour avoir accepté de servir d'intermédiaire.

Commentaires

Le Maki a dit…
Merci à vous 3 pour cet interview.
Hâte de lire l'auteur dans Bifrost, j'ai plutôt bien aimé son roman et les nou elles de IA 2042.
Gromovar a dit…
C'est en route.