The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Utérotopie - Espedite


Utérotopie. Fichtre ! Le sieur Espedite ne se prive d'aucun néologisme pour ce court roman publié chez Actes Sud.

Utérotopie est l'histoire de deux cousines de la classe aisée, du même âge, quasi jumelles, qui s'aiment comme s'aiment des cousines et aussi un peu plus que comme des cousines. C'est aussi l'histoire de deux cousines qui partagent le même sale petit secret, une anorexie morbide et consensuelle, de plus en plus envahissante au fil de l'histoire et de plus en plus monstrueusement déviante dans une société bien plus hygiéniste que la nôtre.

Utérotopie est le récit de l'avancée de la maladie chez les cousines – et des manières rouées qu'elles déploient pour circonvenir le système de santé/psychiatrie afin de protéger leur pathologie –, des réactions, forcément insuffisantes dudit système, ainsi que de celles des parents des filles entre dégoût, désintérêt et protection du nom et de la famille.

Utérotopie, qui rappelle autant par sa sonorité que par ses thèmes les conférences « Les hétérotopies », et surtout « Le corps utopique » de Foucault, pose le principe du corps comme lieu utopique paradoxal en ceci que, même s'il semble être un donné, il est en fait infiniment soumis à la volonté démiurgique de celui (?) qui l'occupe. Une dualité qui colle à l'individualisme concret de l'époque, Paul Préciado ne me démentirait pas.

Dans le même ordre d’idées, Utérotopie est un récit sur le contrôle et la volonté de contrôle. On y voit certes le biopouvoir en majesté et des biodéviances managées à un niveau qu'on ne doit expérimenter aujourd'hui que dans les sociétés ou romans scandinaves, on y entend des injonctions sanitaires – tant physiques que mentales – auxquelles la société donne la force de la loi et la puissance d'un appareil étatique.
Mais le contrôle, le biocontrôle, c'est aussi celui de parents qui « fabriquent » des enfants à grands renforts de technologie afin que le corps biologiques des mères ne soit pas « endommagé » par la grossesse, le contrôle aussi que leur permet une position sociale élevée sur leur entourage pro. D'où l'anorexie comme moyen de rejeter le contrôle externe honni en développant son propre contrôle interne valorisé.

De cette volonté et pouvoir de contrôle qui ont présidé à leur gestation et se déploient encore quotidiennement sous leurs yeux, de l'expérience que leur a donné la médicalisation de leur enfance, de la certitude outrecuidante de leur intelligence, les cousines, monstres jamais nommées, développent un sentiment de supériorité – qui est leur force illusoire – situé un cran au-dessus de celui de leurs parents et notamment de leurs mères. Celles-ci voulaient protéger leur corps de la maternité et l'entretenir contre les méfaits de l'âge, celles-là ont pour but de modeler le leur, de le travailler comme une glaise avec pour seule limite leur imagination créatrice ; jusqu'à, pourquoi pas, la fusion dans une nouvelle maternité, une qui semblerait se produire sans altérité nécessaire.
Et même si les cousines, s'inspirant de L'asile de Goffman, vainquent l'institution totale en faisant mine de s'y adapter, il y a néanmoins une limite à ce qu'un corps, même démiurgique, peut accepter, elles finiront par le découvrir. De Narcisse à Caliban, le chemin n'est pas si long. Hélas !

Utérotopie est un petit roman qui se lit vite, aborde des thèmes qui, s'ils ont déjà été traités, le sont plaisamment ici, et offre quelques phrases bien troussées. Illustrant par une pathologie connue – et souvent redoutée – l’obsession du contrôle et la prométhéenne volonté d'humains décrochés de tout déterminisme, il porte ces deux questions à la réflexion du lecteur en lui présentant deux filles qui ont failli grandir dans le même utérus et en crée un mental dans lequel elles se réfugient loin d'un monde qui ne peut satisfaire leur gémellité.

Utérotopie, Espedite

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