The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Wonderland an Anthology - Marie O'Regan et Paul Kane


Lewis Caroll et  Les Aventures d'Alice au pays des merveilles sont connus de tous, même si ce qu'on en sait est parfois superficiel, ne dépassant guère l'évocation d'un monde magique, peuplé de reines psychopathes, de chats souriants et de chenilles fumeuses de narguilé, que visite par inadvertance, et parfois à grands périls, la jeune et charmante Alice après qu'elle soit tombée dans le terrier d'un étrange lapin blanc. Disons que ça suffira pour aborder le recueil Wonderland, même si, comme toujours, plus on en sait, mieux on apprécie.

Qu'on sache ici que Charles Lutwidge Dodgson, nom de baptême de Lewis Caroll, fut un professeur de mathématiques au Christ Church College d'Oxford. Clerc victorien, fils de pasteur, Dogsdon est plus connu comme romancier et photographe (controversé).
Ex-bègue (ce qui peut expliquer sa manière d'inventer les mots valises dont il parsèmait ses écrits), de santé fragile, Dogson, qui avait tout pour devenir un universitaire ordinaire et vite oublié, se prit d'amitié pour les trois filles du doyen Henry Liddell à laquelle il ajouta une aussi peu contestée qu'acceptable passion pour Alice, la cadette. Pour elles, pour les distraire, il inventa puis écrivit Les Aventures d'Alice au pays des merveilles, puis des « suites » telles que De l'autre côté du miroir, etc.
Dodgson devint Caroll, et il devint célèbre en « offant » à un amour impossible un royaume magique et périlleux dans lequel l'enfance peut réaliser son potentiel d'émerveillement et mock-experimenter ses dangers bien réels.

Marie O'Regan et Paul Kane, eux, ont réuni ici 19 nouvelles d'auteurs contemporains sur les traces d'Alice.

Recueil. L'histoire est toujours la même. Du bon, dont on parlera, et du moins bon.
Ici il fallait en plus faire un peu original, car Alice a déjà été traitée des centaines et des centaines de fois sur tous les supports imaginables, et, si possible, donner une touche moderne à la réimagination d'une œuvre victorienne qui accuse le poids des ans. Le tout sans occulter la relation à la fois chaste – semble-t-il – et incontestablement inappropriée de Dodgson à Alice Liddell, mais sans en faire le point du récit, sauf à vouloir se lancer dans la psychanalyse de comptoir. Car s'il est clair qu'Alice est Alice et que réciproquement Alice est Alice, il est toujours risqué de prétendre sonder à partir de textes de fiction les reins et les âmes de leurs auteurs.

Six Impossible Things, de Mark Chadbourn, est imho le meilleur texte du recueil. Très émouvant, triste même, délicat et poétique, progressant inexorablement vers une conclusion logique, ce texte, qui ne ressemble en rien mais pourrait évoquer par sa structure le Christmas Carol de Dickens, lie les deux Alice vers une inévitable rencontre, aborde ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas dans l'histoire de l’auteur et de sa muse avec grande finesse (invoquant même les mânes de J.M. Barrie) et ramène en pleine lumière la fille puis la femme qui inspira Alice. Un vraiment beau texte.

There Were No Birds to Fly, de M.R. Carey, est une sorte de post-ap horror, original, brillant, tendu, au déroulement stressant et à la fin inattendue. Une vraie réussite.

Dream Girl, de Cavan Scott, est une intéressante narration du point de vue du Lièvre de Mars, un personnage Mad as a March Hare, clairement psychopathe aussi. Quant à Alice, elle est bien étrange et dangereuse aussi dans cette histoire au déroulement weird imprévisible. Et quelle glorieuse fin absolument inattendue !

Good Dog, Alice! de Juliet Marillier est un texte un peu trop long sans doute qui parle d'abus et de rétribution. Difficile d'en dire plus sans trop spoiler une réalité qui a dû concerner plus d'une jeune fille de la bonne société victorienne.

The Hunting of the Jabberwock, de Jonathan Green, est un amusant texte médiéval fantastique un peu Monty Pythonesque. Plein du langage yaourt qu'utilisait Caroll lui-même, il est plaisant par son décalage.

Dans The Night Parade, Laura Mauro transpose l'histoire d'Alice dans la mythologie japonaise. Histoire noire et stressante alourdie par un name dropping de créature mythiques japonaises absolument omniprésent au point de faire comique de répétition. Dommage, ceci mis à part...

What Makes a Monster, de L.L. McKinney. Chasse au monstre en fuite de Wonderland dans la Londres de Jack l'Eventreur, chasseuses larger than life, une histoire très engageante dont on regrette de comprendre qu'elle fait partie d'un univers plus vaste dont on ne verra qu'un morceau.

How I Comes to be the Treacle Queen, de Cat Rambo, est un histoire progressiste au pays des merveilles, originale et amusante. Pour ceux qui veulent être partie à la fin de l'exploitation du lumpenprolétariat qui permet la vie oisive des reines de Wonderland.

D'autres textes sont moins convaincants, y compris un d'Angela Slatter qu'on a connue plus inspirée ailleurs.

Wonderland, an Anthology, edited by Marie O'Regan et Paul Kane

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