Les Divis est le troisième et dernier tome du cycle de Vorrh. Il paraît en français dans une traduction de Nathalie Mège, toujours chez Outrefleuve.
Tome 3 donc review forcément courte car tu sais ou devrais savoir, lecteur, de quoi il retourne lorsqu'on prononce, non sans frémir, le nom oublié et terrifiant de Vorrh. Brian Catling (récemment décédé hélas) y lie les fils de l'intrigue complexe qu'il avait tissés dans les deux volumes précédents.
D'Ismael (étonnant, non ?) à Modesta en passant par le professeur Schumann, Cyrena Lohr, Sidrus, ou l'incroyable Undeswilliams, tous sont là pour de dernières scènes qui, parfois, sont faites de flashbacks. Et n'oublions pas pour ce grand final, même si Dieu semble l'avoir fait, ces Ancêtres qui, après avoir failli, se sont endormis ou éparpillés à la surface de la Terre.
N'oublions pas non plus que la Création dont nous faisons partie est menacée (par Dieu lui-même – spécial dédicace à Marguerite Imbert car ici aussi il est question d'arbres dotés de la capacité et de la volonté de modifier l'histoire humaine par le biais d'excrétions aéroportées).
Que l'humanité comme espèce invasive est le résultat d'un échec de la régulation angélique, de son incapacité à tenir les humains, animaux parmi d'autres, loin d'un Arbre de la Connaissance avec lequel ils n'avaient pas à interagir.
Que les Anges eux-mêmes ont connu une involution fatale qui est le parallèle inverse de l'extraversion explosive d'une humanité dont la pression sur le reste de la Création augmente sans cesse de manière exponentielle.
Qu'il est temps que, d'une façon ou d'une autre, ce qui était divisé (les Divis) soit réuni, pour un monde aussi différent que plus satisfaisant.
Pour décrire toutes ces merveilles, Catling reste spectaculaire et foisonnant. C'est dans Les Divis qu'on rencontre un homme coupé en deux et pourtant toujours vivant, une autre moitié d'homme tout aussi vivante, des hyènes féroces et des tueurs sanguinaires, des fourmis pleines de sagesse, des ecclésiastiques si décatis que c'en est incroyable ou des appartements hantés dans une capitale britannique aussi sombre qu'inquiétante.
Hélas, le récit saute de chapitre en chapitre court, de personnage en personnage (passé/présent parfois ou Afrique/Europe), au point que le lecteur en a le tournis, finit par ne plus savoir vraiment qui est qui ou qui fait quoi ou, surtout, comment chaque élément s'intègre dans un tout – si tant est que ce tout existe, ce qui devient de plus en plus douteux au fil des pages.
Trop rapide, comme rushé, le roman, est, de plus, handicapé par sa forme même. Le style riche et imagé de Catling, qui enchantait dans les tomes précédents, prend, après plus de 1000 pages et alors qu’une conclusion semble en vue, l'allure d'un artifice destiné à cacher le peu de fond véritable des différents fils. Poésie et métaphores sont alors de plus souvent interprétées comme des pratiques dilatoires destinées à gagner du temps jusqu'à ce que – peut-être – le fond arrive ; le summum de cette pratique qu'on en vient progressivement à trouver détestable étant le fil « romantique » entre Cyrena Lohr et le poète Eugène Marais qui est d'une grande beauté mais ne sert à peu près à rien dans l'intrigue principale – une side quest dirait-on dans les MMORPG.
Et que dire des nazis ? Groß malheur !!! Qu'ils sont aussi cruels en Afrique qu'en Europe mais que, si leurs ombres backstage étaient inquiétantes dans le tome 2, leur présence sur scène dans ce tome 3 est aussi incongrue qu'inutile. Les nazis comme fossoyeurs possibles du jardin d'Eden, il me semble que bien d'autres avant ou après eux se sont chargés de la tâche – à commencer par les Ancêtres eux-mêmes dans la mythologie de Catling.
Et puis d'un coup, ça se termine. Voilà. Comme ça.
« Stopped / Short / Grinding halt
Everything's coming to a grinding halt / Everything's coming to a grinding halt »
Il s'agissait avec la trilogie Vorrh de retourner le mythe chrétien de la Création, d'en offrir une version noire qui puisse sembler réaliste (en dépit même de son caractère surréaliste) comme le western spaghetti offrit une version « réaliste » de l'histoire de l'Ouest américain. Mais, pour Vorrh comme pour le western spaghetti, il s'agit de créations, guère plus réalistes l'une que l'autre en dépit de leurs caractères volontairement inversés, et condamnées donc non à des examens de véracité mais à des examens de plausibilité et, surtout, d'intérêt. Et si je ne discuterais pas plausibilité lorsqu'il s'agit de Création et de Paradis perdu, l'intérêt est, dans ce troisième tome, hélas aux abonnés absents.
Qui trop embrasse mal étreint. C'est ici le cas d'une façon qui provoque une véritable amertume.
Les Divis, Brian Catling
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