Masha la sans utérus - Raphael Eymery

Je suis surchargé de travail, lecteur. Résultat : des lectures et des chroniques en retard et peu de temps pour rattraper. Alors chroniques courtes, faisons ce qu'on peut dans le temps qu'on a ; as Chaucer said, time and tide wait for no man. Après le décadantiste Pornarina , Raphaël Eymery revient avec Masha la sans-utérus , un roman très noir, réservé par l'éditeur aux adultes. Europe contemporaine. Masha la sans-utérus raconte l'histoire de deux vieux amis. Vieux car se connaissant depuis très longtemps, vieux car tout simplement âgés. Le premier, dont on peut penser un temps qu'il est le personnage principal, se nomme Augustin. Comme ce saint et penseur chrétien qui, après une jeunesse de débauche, devint un ascète de la pire espèce. Comme cet homme qui avait pris le sexe en telle horreur qu’il écrivit «  je suis né dans l'iniquité, et ma mère m'a conçu dans le péché » ainsi que l'inénarrable « c'est entre fèces et urine que nous naissons » . ...

TysT - Luvan


"TysT" est un court roman de fantasy (?) de l'autrice et traductrice Luvan dont le financement participatif est terminé et la sortie programmée pour la fin de l'année.

Illustré par Stéphane Perger et Arnaud S. Maniak, c'est un texte étrange mais pas dénué de charme. Il est suivi d'une playlyst (pas une coquille), d'une courte postface de Laurence Jonard et d'un jeu d'écriture solitaire réalisé par Melville. Les masculins collectifs y sont féminins ; bon, dont acte.


  • Imagine que notre monde n'est pas le seul possible.
  • Imagine qu'au-delà, à côté, dans l'interstice mouvant que délimite un clin d’œil, il y a d'autres mondes. Un pays vif (fait de trois lieux) qui évoque la Faerie, un  pays veuf qui est celui des rêves, un pays endormi qui est le nôtre, celui où nous vivons endormis, ignorants des autres pays et presque incapables d'en percevoir les manifestations.
  • Imagine que le pays vif est celui que, entrevu, nous racontons dans les contes et légendes du monde et dont nous affublons les habitants entraperçus de noms féeriques tels que elfes ou russalkas.
  • Imagine que les pays sont parsemés de nœuds, de havres, de liens comme autant de balises.
  • Imagine qu'on peut passer ou revenir, parfois, d'un pays à l'autre en utilisant des sogas (morceaux de monde qui font sens pour l'usager).
  • Imagine qu'il y a un risque à s'oublier dans un pays ou l'autre.
  • Imagine que le temps (est-ce du temps ou sont-ce des strates ?) ne coule pas au même rythme dans tous les pays – Rip van Winkle en sait quelque chose.
  • Imagine qu'on peut se lier à un autre être et en faire son ancre et sa force.
  • Imagine qu'en pays vif tous sont égaux et qu'on partage toujours un plat médian fait de tout ce qu'apporte chacun à la table. 
  • Imagine que le pays vif est de quêtes qui sont « le mycelium du pays dormant » ; les actes y résonnent en pays endormi.
  • Imagine qu'en pays vif on chante pour se raconter/nommer, imagine que les obstacles posés sur le chemin des quêtes sont surmontés moins par la violence que par la compréhension ou l'empathie, voire le chant ou la danse, la musique en tout cas.
  • Imagine que notre pays, l'endormi, a connu la troisième guerre, la junte variable, la fermeture des frontières, la répression de tous et la sécession des artistes. Qu'il est, disons-le, sinistre.
  • Imagine que la mort revient à la fin de chaque cycle. Elle est l'Hiver, car le pays vif est le pays sans hiver, la mort et la guerre étant contenues dans le pays endormi. Le pays vif est aussi celui qui s'accorde à la nature là où le pays endormi a prétendu s'en rendre maître. Le pays vif est celui où l'Hiver ne doit pas advenir.
  • Imagine qu'à chaque cycle, la régénération du monde et le début d'un nouveau cycle sont incertains, qu'ils sont les objets de la plus importante des quêtes.
  • Imagine – et crois-le car c'est vrai ! – que certains endormis deviennent, parfois, éveillés. Sache que "TysT" raconte l'histoire de Sauda Le Du, une musicienne cinquantenaire à la peau sombre, trouvée à la mer et deux fois orpheline, qui s'est éveillée et va vivre une inhabituelle quête de fantasy entre pays vif et pays dormant afin de repousser le Mal, l'Hiver, qui prend trois formes, malebrume en haut lieu, grand geist en bas lieu, et matière verte en pays dormant.
  • Imagine que Sauda vit longtemps entre les deux pays, progressant vers la connaissance et le basculement définitif.
  • Imagine que cette quête est donc aussi un voyage initiatique, au cours duquel une femme cinquantenaire d'ascendance inconnue se trouvera et pourra alors être pleinement – rien de moins ne suffirait à repousser l'Hiver.
  • Imagine que c'est autant l'identité que l'amour qui pourra vaincre l'entropie, faire double rempart à ce qui vient à l'assaut de Ys et peut-être enclencher un nouveau cycle, plus sage et respectueux, au pays endormi.


Si tu peux imaginer tout ceci, lecteur,

si tu peux apprécier un texte où tout n'est pas dit (par volonté de taire ou incapacité à transmettre),

si tu peux suivre un récit raconté par sauts de puce,

si tu peux te laisser bercer par l’étonnante poésie narrative du texte au point de ne pas chercher à approfondir ce qui reste obscur,

si tu peux écouter comme on écoute un griot au coin d'un feu de bois,

si tu peux aimer un texte contemplatif malgré les enjeux, dont la narratrice est autant le chemin que celle qui chemine,

si tu peux remplir toi-même les vides, trouver toi-même les sens manquants qui te correspondent,

alors tu aimeras lire "TysT".


TysT, Luvan

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