Quelques mots sur le recueil "L'homme noir", de Robert E. Howard, sur lequel je suis tombé par hasard récemment.
Premier recueil de nouvelles (hors Conan) de l'auteur texan publié en France par Le Masque en 1976, il fut repris dans la mythique collection Néo en 1982, à l'occasion de la sortie de Conan le Barbare, où il rejoignit Kull le Roi barbare et Bran Mak Morn, en attendant Solomon Kane.
Que dire d'un recueil blanchi sous le harnois et sur lequel François Truchaut, en préface, dit en peu de pages quantité de choses très justes ?
D'abord que le recueil présentent des textes qui se situent à mi-chemin entre un personnage qui rappelle évidemment Conan et une horreur lovecraftienne assumée.
Ensuite que le temps long, les civilisations passées et les vies antérieures y tiennent une place centrale. Mais on n'est pas chez Lovecraft, pas question ici de Grands Anciens dissimulés dans un éther insondable mais au contraire de survivances très actuelles de rites ou de peuples anciens.
Enfin, et là je paraphrase Truchaud, qu'il y est mis en scène la supériorité de la force et du courage sur la magie et les manigances des prêtres. Les héros de Howard vainquent car ils opposent leur force vitale et leur détermination à la duperie représentée par les mages et qu'ils sont capables de se mettre dans des transes berserk quand leur vie est menacée ou leur honneur attaqué. Ils vainquent le surnaturel là où ceux de Lovecraft sont anéantis par lui. Ils vainquent car ils sont des forces de la nature, strictement matérialistes et dépourvus d’afféterie.
On terminera en disant que la vision d'Howard est largement racialiste, d'une manière plus évidente que chez Lovecraft. Et que les femmes, fortes et fières, n'y sont pas de pauvres choses à sauver.
Sur les textes :
L'Homme noir, qui met en scène le guerrier celte banni Turlogh Dubh est une vraie réussite. Un opéra de violence et d'effroi dans lequel apparaît aussi pour la première fois L'homme noir, Bran Mak Morn, dans sa forme déifiée statufiée. Le texte stresse, fait monter l'inquiétude, et les combats y sont brillamment décrits. On comprend en lisant ce texte ce qui différenciait Howard de ses concurrents, une maîtrise de la description qui évoque un Tarantino de l'héroïc fantasy.
Les Pigeons de l'enfer est une bonne nouvelle d'horreur à chute qui se place dans le Sud des USA. Là aussi, dans une histoire de meurtre, de disparitions et de vengeance, les descriptions de Howard font monter la tension d'une manière efficace.
Les Dieux de Bal-Sagoth voit le retour de Turlogh Dubh pour une histoire à la monde perdu qui, par certains côté, évoque par anticipation le King Kong de la RKO. Moins réussie que les deux premières, elle est un peu paresseuse en accumulant trop facilement périls évitables et solutions faciles.
Les Enfants de la nuit est un délire racialiste agressif à base de vies antérieures qui provoque au mieux un ennui amusé.
Le Jardin de la peur fonctionne aussi sur le principe des vies antérieures, mais ici cela donne un texte intéressant de fantasy horreur quand un guerrier antique s'attaque à un monstre antédiluvien pour sauver sa compagne de voyage.
La chose ailée sur le toit, lovecraftienne, n'est guère palpitante alors que Ne me creusez pas de tombe, fantastique aussi, sait instiller un suspense et une tension bienvenus.
Enfin, de Dans la forêt de Villefère François Truchaud dit qu'en seulement quatre pages elle contient tout Howard. Il a raison.
L'Homme noir, Robert E. Howard
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