The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

La Cité des Permutants - Greg Egan


Ressortie au Bélial de "La Cité des Permutants", roman emblématique de Greg Egan paru pour la première fois en VF en 1994 chez AetD.


La Cité des Permutants c'est celle qui est rêvée par Paul Durham, un fanatique de la numérisation de conscience qui expérimente en 2045 sur des Copies numérisées de lui-même.

Qui découvre first hand le désarroi qu'engendre chez les Copies – qui « sont » pourtant virtuellement Durham, avec ses objectifs et son projet – le « réveil » dans un univers modélisé forcément limité ; jusqu'au suicide récurrent des dites Copies.

Qui découvre aussi qu'une conscience numérisée conserve l'illusion de la continuité, qui nous pousse à croire que le moi qui se réveille le matin est le même que celui qui s'est endormi le soir, quelle que soit la vitesse ou le sens dans laquelle elle se déploie. Et que cette illusion se maintient alors même que des modifications d'état de conscience sont réalisables par les Copies elles-mêmes – en effet, si j'ampute ma conscience d'un goût ou d'un souvenir, suis-je toujours moi-même ou suis devenu un autre, le successeur nouveau-né d'un moi défunt ?

Qui découvre enfin que pour la Copie, sauf informations supplémentaires, il est impossible de savoir qu'elle est la Copie. Si le monde présenté à la Copie est convaincant et cohérent, il lui est impossible de savoir qu'elle-même comme le monde sont simulés. Ici on fait un clin d’œil appuyé à la théorie de l'univers simulé.


La Cité des Permutants c'est aussi la cité et l'univers créés par Durham et Maria Deluca – une spécialiste d'automates cellulaires – à partir de 2050.

Un univers potentiellement infini dans lequel la malédiction de l'immortalité (bien connue des vampires) pourrait être vaincue, un univers aussi dans lequel Maria a installé une vie artificielle (des sortes d'abeilles dansantes pour aller vite) capable de se développer jusqu'à devenir sentiente et scientifique.

Un univers que Durham a vendu comme éternel à quelques milliardaires car il ne repose sur aucun support informatique physique – théorie de la poussière.

Un univers dans lequel un premier contact avec les entités sentientes simulées qui en peuplent certains recoins engendre un conflit de définition du réel qui ne tournera pas forcément à l'avantage des initiateurs de la simulation.


"La Cité des Permutants" est un roman d'idées qui n'oublie pas d'être régulièrement émouvant.

Si on accepte la théorie de la poussière (à laquelle même Egan ne croit pas vraiment, il l'explique dans sa postface), on plonge alors de manière passionnante dans les questions liées tant à la conscience elle-même qu'aux particularités des consciences numérisées – à moins que ce soit finalement une seule et même chose.

On s'interroge aussi sur le développement des vies artificielles et (Egan le fait en postface) la responsabilité qui incomberait aux créateurs de telles vies ; disons-le, il n'est pas facile d'être un Dieu. Parlant de Dieu d'ailleurs, à quoi servirait-il dans la Cité des Permutants quand on est une personne que son remords définit et qu'on s'y embarque pour une éternité de remords ?

On s'amuse enfin des interstices logiciels dans lesquels peuvent se dissimuler des passagers clandestins numériques – virus bienveillants qui tentent de « vivre leur vie » en microscopiques parasites.


"La Cité des Permutants" est donc un bon roman, ardu certes, qui brasse des idées bien plus philosophiques que strictement scientifiques (sauf si on se passionne pour l'informatique distribuée et les variations de vitesse d'horloge). Le type de roman que peu peuvent délivrer comme Egan (et que ferait-il aujourd'hui après trente années supplémentaires de progrès logiciel ?). Si ces questions te passionnent, lecteur, et que tu lis en VO, tu devrais regarder le cycle de Jean le Flambeur de Hannu Rajaniemi qui va encore plus loin dans l'encapsulation numérique des consciences.


La Cité des Permutants, Greg Egan

L'avis de Feyd Rautha

Commentaires