"Drunk on all your Strange New Words" est un roman SF de l'écrivain et scénariste anglais Eddie Robson.
Terre. Futur. La situation globale du monde a dérivé dans le sens prévisible. Montée des eaux, changement climatique, économie fragilisée entre pauvreté endémique, überisation et travailleurs du stream ; les tropes en passe de devenir éculés de la SF contemporaine à futur proche – seul point positif, l'effort d'immersion nécessaire est modeste.
Une différence de taille ici : la Terre a reçu, des décennies avant le début du roman, la visite d'aliens plutôt amicaux, les Logi. Ils ont installé une ambassade, peuvent être rencontrés ici et là essentiellement dans des événements culturels ou officiels, veulent découvrir et « exporter » la culture humaine.
Particularité des très humanoïdes Logi : incapables de parler ils communiquent entre eux par télépathie et sont physiquement presque inaptes à utiliser des technologie de réalité virtuelle, ce qui impliqua la formation sur Terre de traducteurs spécialisés capables d'émettre et de recevoir de et vers les Logi et ainsi de faire l'interface entre des humains mentalement muets et des Logi qui le sont verbalement.
Lydia est l'une d'entre eux. Elle travaille pour Fitz, l'attaché culturel de l'ambassade, installé dans une Manhattan que protègent des digues anti-inondations. Elle aime bien cet alien respectueux et cultivé. Elle est plutôt contente de son job qui l'a sortie de l'Angleterre pauvre dont elle est originaire. Le seul défaut de celui-ci est l'ivresse non alcoolique (d'où le titre) qui accompagne chaque trop longue séance de traduction ; un effet neurologique secondaire de son activité. Et voilà qu'à l'issue d'une soirée officielle, patatras, Fitz est tué dans le bureau de sa propre résidence alors que Lydia, victime d'une crise d'ivresse carabinée justement, dort à l'étage, dans sa chambre. Les systèmes de sécurité ont été déconnectés et Lydia, seule dans les lieux, fait figure de suspecte idéale.
"Drunk on all your Strange New Words" est une forme de cosy mystery/thriller SF auquel Robson a voulu donner un ton léger. Ce faisant, il rate un peu, imho, la cible, si la cible était censée être votre serviteur.
Le personnage principal est une jeune femme peu sûre d'elle qui se trouve plongée dans une aventure dont elle n'aurait même pas cauchemardé. Autour de Lydia, le monde comme les seconds rôles sont, au mieux, sketchy. Si des tids and bits éparpillés dans le roman permettent de glaner quelques informations biographiques ou d'environnement, on ne peut décemment considérer qu'il y ait ici un vrai world-building ou une vraie création de personnages secondaires. Même Lydia est traitée à coup d'insécurité constante – qu'elle dépasse peu à peu mais seulement un peu – et de flashbacks bios censés lui donner un peu de fond (ou servir de fusil de Tchekhov d'une façon qu'on considérera comme peu vraisemblable). Trait de personnalité dominant et flashes bios de complément, on dirait plus un personnage de jeux de rôle qu'un vrai personnage de roman ce qui fait de Lydia une sorte de Bridget Jones sketchy, les tourments romantiques et l'humour auto-dépréciatif en moins.
Le récit policier est tortueux à souhait pour désorienter Lydia et captiver le lecteur. Il l'est sans doute trop. L’explication du lien entre meurtre et conspiration (no spoil) est dramatiquement ad hoc. Quant aux divers rebondissements, ils sont aussi téléphonés que peu crédibles, donnant l’impression au lecteur qu'il est lui aussi assez saoul pour trouver les situations qu'il lit bizarres sans pouvoir dire précisément pourquoi.
L’utilisation des réseaux sociaux dans le récit n'est ici qu'un gimmick banal, même si Robson y ajoute une innovation intéressante mais dont il ne fait pas grand chose, le classement des infos réseaux en fonction d'un degré de crédibilité. L'utilisation presque magique d'une technologie innovante pour tromper Lydia doit moins à Arthur C. Clarke qu'à la nécessité pour l'auteur de mettre Lydia en branle sur les traces du meurtrier sans se soucier outre mesure de vraisemblance. Et ne parlons pas de ces coïncidences heureuses qui permettent à l’histoire d'avancer et me donnent toujours des allergies. Même l'ivresse post-com fait autant gimmick inutile que moyen facile de faire de la soirée du meurtre un trou noir pour Lydia – lui donnant par là-même l'occasion de s'interroger sur son éventuelle responsabilité. On est insecure ou on ne l'est pas !
Quand aux Logi, à part qu'ils aiment les livres humains et ont ainsi relancé une industrie de l'impression (!), difficile de dire pourquoi ils sont là et ce qu'ils y font. Ils pourraient être des ambassadeurs turcs à la cour de Louis XIV, l'histoire ne serait guère différente.
Avec ce personnage de jeune femme au contact des aliens, on pourrait penser qu'on est proche du Un truc de fou de Hank Green, mais du charme du roman de Green il n'y a rien ici, juste un essai désespéré de faire Young ou New Adult en mettant le focus sur un personnage que son traitement rend exaspérant tant il est survolé et une histoire policière bien trop contestable pour être acceptable. Un livre pour lecteurs de plage peu exigeants.
Drunk on all your Strange New Words, Eddie Robson
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