Nouvelle (et brève ?) plongée dans un monde déjà décrit dans les chroniques précédentes.
Les événements de La troisième griffe de Dieu sont derrière les protagonistes du cycle. Ils ont bouleversé Andrea jusqu'au tréfonds de son identité. Et voilà qu'elle est envoyée sur la planète Vlhan, un monde peuplé par une espèce très intelligente avec laquelle il est néanmoins très difficile de communiquer. Pour s'exprimer, les Vlhans font osciller les longs tentacules qui leur servent de membres et entourent une « tête » ronde, brillante, et sans vrai trait distinctif (voir la couv' ci-dessus). Pour parler ils ondulent et parfois ils dansent.
Sans raison compréhensible, une fois par an, un très grand nombre de Vlhans se lancent dans un « ballet » collectif au sens ésotérique et au résultat meurtrier. De fait, peu des participants survivent au « ballet », ce qui n'empêche pas les volontaires d'être année après année toujours aussi nombreux.
En quoi cela concerne-t-il Andrea Cort, Procureure Extraordinaire du Corps Diplomatique de la confédération HomSap, me direz-vous ? Si des aliens étranges et presque incompréhensibles trouvent loisible de s'entre-massacrer régulièrement en dansant, qu'y peut-elle et en quoi cela intéresse-t-il la confédération HomSap (dans un univers où chaque espèce sentiente est indépendante des autres) ?
Je vais te donner, lecteur, deux réponses.
D'une part, de plus en plus d'humains participent au « ballet » Vlhan auquel ils pensent apporter une chance supplémentaire de « résolution » (souviens-toi, lecteur, du versant ésotérique de la chose). Et les autorités HomSap voient ça d'un très mauvais œil, au point d'interdire, sans grand succès, les migrations de ces pèlerins, d'autant que, pour pouvoir participer et donc « danser », les volontaires humains subissent des modifications corporelles si extrêmes et irréversibles que les autorités humaines considèrent le tout comme le résultat de la propagation d'un culte toxique.
D'autre part, les IA-Source – dont Andrea est devenue une agente – veulent que la jeune femme se rende sur Vlhan afin d'y faire avancer leur propre agenda ; ceci bien sûr contre la volonté de la faction opposée : les Démons Invisibles.
Arrivée avec ses amis/amants Porrinyard sur une planète qui accueille des centaines de milliers de pèlerins humains sous la « protection » d'un ambassadeur dangereusement paranoïaque, et abrite les représentations diplomatiques de la plupart des grandes espèces sentientes – y compris les plus hostiles à l'existence même de l'humanité au sein de la grande famille galactique –, Andrea découvre très vite par des bribes de communication dansées – les seules possibles avec les muets Vlhans – que certains des autochtones connaissent les Démons Invisibles qu'elle traque et qui la traquent. Plus étrange encore, il semble que le « ballet » et la planète même (tu sauras comment si tu lis, lecteur) entretiennent un rapport étroit tant avec ces Démons qu'avec Andrea elle-même. Au milieu d'énormes dangers et d'un périlleux marigot diplomatique, Andrea devra, une fois encore, faire preuve de courage et d'ingéniosité, alors même que les choix seront difficiles et douloureux et que son lien indéfectible avec les Porrinyard semble ici fragilisé.
Contrairement à beaucoup d'autres textes du cycle, pas de meurtre incroyable à élucider ici. C'est l'existence même de la planète, de l'espèce Vlhan, et de l'étrange rituel mortifère que celle-ci pratique – avec nombre d’humains illuminés – qui est au centre de l'intrigue. D'autant que, comme par hasard, cette année le « ballet » tourne mal et que le massacre localisé et contrôlé qu'il est d'habitude se transforme sans raison immédiatement perceptible en meurtre de masse généralisé. Et qu'Andrea est encore une fois l'instrument du conflit entre factions IA-Source.
C'est alors à un récit d'aventure et de mystère que tu es convié, lecteur. Avec Andrea tu chercheras à comprendre ce qui se trame sur Vlhan, à deviner en quoi consiste le volet ésotérique du « ballet », à savoir pourquoi le « ballet » vire cette année à l'agression armée, à interpréter l'apport des pèlerins humains ou le jeu caché des espèces sentientes hostiles à l'humanité. Tu voudras surtout savoir, bien sûr, quel rôle Andrea peut (ou doit) jouer dans cette pièce écrite par d'autres.
Et là, entre dangers mortels et choix déchirants, tu verras la jeune femme faire les sacrifices nécessaires non pas pour préserver un grand espoir mais juste pour obtenir le droit à un plus petit désespoir. L'avenir est sombre, très sombre, pour Andrea comme pour l'humanité entière.
Rapide, dynamique, rythmé, intrigant, "
La guerre des marionnettes" est un roman captivant et parfois visuellement révoltant
(on en dira autant de la nouvelle qui le précède quand celle qui le suit, plus calme, retrouve l'habituelle approche « policière »). Mort, perte, douleur, trahison, c'est à ces thèmes que tu seras confronté, lecteur, dans ce bon roman d'une noirceur certaine auquel on reprochera encore une fois le goût de la répétition de l'auteur qui donne l'impression que le texte doit être feuilletonné. Jean Baret
disait dans une interview qu'il était en accord avec l'expression
No pain, no gain. Il serait satisfait ici. Ce roman, c'est le
No pain, no gain d'Andrea Cort.
La guerre des marionnettes, Adam-Troy Castro
Commentaires
Après c'est le problème récurrent de tous les romans qui mettent un héros face à un problème mille fois plus gros que lui. Toute victoire parait suspecte car hautement improbable.