Jacek Dukaj : Mes Utopiales de B à V

Comme chaque année, vers Samain, se sont tenues les Utopiales à Nantes. 153000 visiteurs cette année, et moi et moi et moi. Ne faisons pas durer le suspense, c'était vraiment bien !!! Genre grave bien !!!! Aux Utopiales il y a surtout des auteurs qu'on va retrouver jour après jour ci-dessous (ou dessus, ça dépend dans quel sens vous lisez) , sur plusieurs posts successifs (survivance d'un temps où on économisait la bande passante – « dis ton âge sans dire ton âge ») . Tous les présents aux Utos n'y sont pas, c'est au fil des rencontres que les photos sont faites, la vie n'est pas juste. AND NOW, LADIES AND GENTLEMEN, FOR YOUR PLEASURE AND EDIFICATION, THE ONE AND ONLY JACEK DUKAJ

Blackwater 6 - Pluie - Michael McDowell


Suite et fin de la saga Blackwater avec "Pluie", après l'étonnant La Fortune.


Cette chronique, et celles qui suivront pour les numéros suivants, seront très succinctes. Le but est de ne pas spoiler pour ceux qui n'achèteraient pas chaque numéro dès sa sortie.

Et quand j'écris courte, ici ce sera très courte (car le risque de  spoil est plus énorme que jamais).


 Juste quelques mots. Fin de cycle, fin du récit, fin du chemin fait avec les Caskey.


"Pluie" est le point culminant et la conclusion inévitable de la saga. Très riches, plus que jamais installés, élevés socialement bien au-delà des limites étriquées de l'Alabama, les Caskey sont devenus des gens qui comptent et avec qui compter.

Mais les invariants demeurent.


Les Caskey, libéraux culturels avant que ça soit hype, forment une famille à la fois traditionnelle sur la forme et innovante sur le fond. Il y a peu de points sur lesquels ils ne se démarquent pas dans leurs pratiques de la famille américaine wasp traditionnelle à laquelle ils ressemblent pourtant si fort. Leur influence et leur matter-of-factness permet de faire passer, dans un Sud guère progressiste, quantité de situations et d'arrangements qui ne provoquent guère que quelques commérages, et encore, alors qu'ils seraient considérés comme scandaleux s'ils concernaient n'importe quelle autre famille. Piliers et bienfaiteurs de la ville, ils peuvent y forger leur propres règles progressistes.


Les Caskey sont gouvernés par les femmes. Des femmes à la volonté de fer qui luttent les unes contre les autres pour la dominance et utilisent leur hommes comme des familiers (de sorcières) quand elles ne s'en passent pas complètement. Qui choisissent aussi leurs chemins, si complexes ou contestables soient-ils.


Les Caskey sont inextricablement liés à la Perdido depuis ce jour lointain où la ville fut inondée et presque détruite. Ils prospèrent derrière la digue qui les en coupe sans les en séparer complètement. Famille terrienne aux activités telluriques, ils bénéficient de l'union entre les deux éléments que sont la terre et l'eau. Mais à quel prix ?


Et si le temps qui passe fait évoluer les générations suivantes dans des directions moins localistes, la famille Caskey (version originale) reste une entité située, dans un temps et un espace qui peut paraître suranné alors même que passe le train de la modernité. Ceci sans doute car ils n'ont aucun besoin d'y monter, tant ils sont culturellement en avance sur une époque qui ne fait que les rattraper peu à peu et dont eux-mêmes se désintéressent globalement – comme ils se désintéressent d'ailleurs de la réalité de leur fortune.


Reste la question de la suite, de l'avenir. Les Caskey comme clan ne seront-ils qu'un parenthèse ? L'avenir le dirait si McDowell avait écrit la suite – et il est peu probable qu'il le fasse maintenant.


Et maintenant assez des fines analyses rendues absconses par la volonté de ne pas spoiler ni ce tome ni les précédents.

Ce tome est beau, ce tome est triste, ce tome est poignant, ce tome est déchirant. Alors qu'on perd les Caskey, alors qu'eux-mêmes se perdent, ce tome accumule les chapitres crépusculaires à la lecture desquels on réalise à quel point le temps qui passe est une saloperie et à quel point aussi on s'était attaché sans le vouloir à une famille résolument hors norme qui offre tellement plus qu'aucune famille de soap ne l'a jamais fait.

Merci à Michael McDowell pour avoir écrit un récit aussi politique qu'exaltant.

Merci à Yoko Lacour et Hélène Charrier pour la traduction.

Merci à Monsieur Toussaint Louverture pour la publication et merci surtout pour le feuilletonnage qui a donné toute sa saveur vénéneuse à cette grande histoire de Southern Gothic qu'on rêverait de voir adaptée à l'écran.


Blackwater t6, Pluie, Michael Mcdowell

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