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Gromovar
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IMPORTANT ! NE LISEZ PAS LES RESUMES !
The Nice House on the Lake est un comic SF qu'il faut aborder en sachant le moins possible sur ce qui va vraiment s'y passer. En effet, surprises et rebondissements abondent – amenés par un découpage ad hoc – et il serait dommage de se gâcher le plaisir en lisant l'ouvrage dans l'attente de ce qui va advenir plutôt que dans la surprise de ce qui vient d'arriver. Ma chronique sera donc nécessairement très elliptique. A toi, lecteur, de combler les nombreux trous.
Ici et maintenant. Walter est un ami de Ryan Cane, une artiste de 26 ans qu'il a rencontrée dans une soirée à New York. Quelques années et de nombreux échanges de messages plus tard, Walter invite la jeune femme à une semaine de vacances avec quelques amis dans une belle villa mise à sa disposition par une autre connaissance. Ryan accepte l'invitation.
Sur place, la jeune femme découvre la petite bande des amis de Walter, tous assez proches pour être conviés à ce rassemblement dont Walter, pas encore arrivé sur place, disait qu'il allait enfin permettre de rassembler tout ceux qui comptent/comptèrent pour lui et de retisser certaines relations trop longtemps négligées. Amis de lycée, d'université, de New York, amis d'amis, c'est en tout dix personnes que Walter a invitées, certaines se connaissant et d'autres non, chacune avec sa fonction particulière et chacune avec son histoire relationnelle propre à l'endroit de Walter. De tous, Ryan est peut-être la plus récente et peut-être la moins proche.
Disons le, Walter, qui arrive le dernier, a très largement sous-vendu le lieu. La maison est plus que luxueuse, elle est somptueuse. Elle se tient seule au bord d'un lac au beau milieu de la luxuriante nature du Wisconsin ; elle est aussi connectée au monde extérieur par un réseau wifi de qualité. Une semaine de détente et de plaisir à venir pour la petite bande ; les augures sont favorables.
Arrive le soir. Premières grillades entre retrouvailles et rencontres.
Et l'impensable survient !
"The Nice House on the Lake" est un comic de l'énorme James Tynion IV, dessiné par Álvaro Martínez Bueno et colorisé par Jordie Bellaire.
A la lecture de ma description du début, tu peux penser, lecteur, que tu y trouveras quelque chose entre un cosy mystery à la Agatha Christie ou une ambiance à la The Cabin in the Woods. Et bien, ni l'un ni l'autre. Pas de monstres attaquant les invités dans "The Nice House on the Lake" (je ne te dis pas ce qu'il y a, je peux au moins te dire ce qu'il n'y a pas), pas non plus de cadavre découvert au milieu du smoking room près d'un verre de brandy encore plein. Non, ce qui arrive (l’élément déclencheur cher aux collégiens qui s'essaient l'analyse de texte) est bien pire, bien plus énorme, bien plus choquant, presque insupportable, et pas seulement parce que les invités réalisent qu'ils sont dorénavant coincés dans la vaste propriété, pour un temps indéfini et avec des compagnons d'infortune qu'ils n'ont pas choisis.
Comment supporter, loin de ses intimes, le malheur qui s'est abattu sur soi ? Comment rester humain en attendant une suite qui ne viendra peut-être jamais ? Comment admettre qu'on ne connaissait pas celui dont on a cru être si proche alors qu'on était seulement proche de l'image qu'il donnait de lui ? Comment faire son deuil de l'ami imaginé et de ce qu'a pu signifier sa relation avec lui (une question que se sont sûrement posés les enfants canadiens du couple d’espions russes infiltrés au Canada après leur arrestation) ?
Et, au-delà de toutes ces questions et des réponses évidentes sur l'identité de Walter, comment comprendre qu'il ait toujours joué le rôle de celui qui valorise, de celui qui soutient, de celui qui relie, d'une « belle personne » ? Qui est-il vraiment au plus profond de lui-même ? Et qu'est-on pour lui ?
Narrativement parlant, questions et débuts de réponses sont amenés, une page après l'autre, par un scénariste qui dose parfaitement le suspense, les mystères et les révélations partielles afin que le lecteur ait le sentiment de progresser dans la compréhension d'événements qui ne sont pas trivialisés par une résolution trop rapide. Commençant chaque épisode (6 dans le TPB) par un focus sur un personnage – pris après les événements – qui sera le personnage moteur de l'épisode, faisant des allers-retours entre présent et passé afin d'expliquer les liens qui unissent les personnages entre eux et avec Walter, Tynion construit une architecture solide qui progresse à coups de moments-clefs autour de l'effondrement progressif de ses protagonistes dans une dépression qu'il devront vaincre pour avancer. Car cruel sur le plan psychologique, "The Nice House on the Lake" l'est aussi dans le réel. L'album ne décrit pas une psychothérapie de groupe pour schizophrènes ; les invités sont déprimés parce que leur réalité, en dépit de son grand confort matériel, est objectivement déprimante et qu'aucune issue simple n'est en vue.
Le dessin, moderne, fait le job en posant de manière explicite l'horreur du moment. On reprochera juste des visages pas toujours identifiables qui donnent lieu à de multiples vérifications (en dépit de l'aide apportée par les vêtements).
A la fin du TPB (et donc de l'épisode 6), si bien des choses se sont éclaircies, il reste maintenant à trouver la force et l'ingéniosité de s'extirper de la situation créée par Walter. Ce sera le défi du prochain volume.
The Nice House on the Lake, James Tynion IV, Álvaro Martínez Bueno, Jordie Bellaire
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