2276. Duncan Makenzie, âgé de trente ans, est le fils-clone de Colin, lui-même fils-clone de Malcolm, le colon terrien qui a installé une petite société permanente sur Titan et y prospère depuis en vendant l'hydrogène nécessaire au fonctionnement des vaisseaux à fusion. La société titanienne vit dans un univers hostile où le froid est intense et l'atmosphère empoisonnée mais, de petite taille et très organisée, elle survit sans trop de difficultés au prix d'un indispensable commerce extérieur. La dynastie Makenzie dirige Titan avec bienveillance depuis des décennies et il est temps maintenant pour Duncan d'aller sur Terre pour faire réaliser le clone qui sera son « fils ». Il doit aussi représenter son monde aux cérémonies du cinquième centenaire de la déclaration d'indépendance des USA, pour lesquelles on vient de tout le système solaire. Ce sera pour le jeune homme l'occasion de découvrir le monde de ses ancêtres, de renouer avec une histoire sentimentale passée, et de lever le voile sur un étrange trafic de titanite.
Le début est intrigant et certaines descriptions de paysages titaniens sont vraiment belles. Entre le monde de prospecteurs, les enjeux politiques et économiques, les rivalités interfamiliales qu'on voit poindre (et resteront mort-nées), la difficile adaptation de Colin à la gravité terrestre, et le voyage qui est une initiation, on espère une grande aventure. Ce n'est pas complètement le cas, même si son séjour sur Terre fera grandir Duncan et l'amènera à prendre une décision drastique concernant la lignée Makenzie.
Parti de Titan, Duncan voyage dans un vaisseau de tourisme, un trajet calme, à la limite de l'ennuyeux pour lui. Arrivé sur Terre, Colin visite le monde, y fait un semblant de Grand Tour. Et tout lui est nouveau, tout lui semble étrange, dans un renversement de la perspective SF habituelle.
Nous découvrons alors avec lui une planète qui a drastiquement réduit sa population jusqu'à 500 millions, enterré ses bâtiments sauf les historiques, connaît visiblement une grande prospérité et a aussi retrouvé une forme d’harmonie avec la Nature. On s'y distrait beaucoup (jusqu'à visiter un Titanic renfloué) et on y utilise un réseau télématique qui évoque Internet, accessible par le biais de terminaux portables (comme nos mobiles).
Sur ce monde originel « étranger » bien plus favorable à la vie humaine que l'austère Titan, le jeune homme vivra quelques aventures politico-diplomatiques et amoureuses.
Clarke joue ici son rôle de prospectiviste et on observe qu'il est toujours un vulgarisateur à l'affût des avancées et des potentialités de la science. Ainsi, il livre dans le roman quelques pistes intéressantes pour un développement durable de la planète après l'âge des « Tourments » ou évoque aussi bien un réseau télématique qu'un mode de propulsion innovant ; on note une fois encore son goût d'ingénieur pour la description détaillée des machines et des mécanismes – il rappelle en cela Jules Verne. Dans un autre registre, on constate qu'il parle de relations bisexuelles sur le ton de ce qui est banal – même s'il en parle sans les montrer –, et que son héros est noir dans un monde où ce genre de détail est devenu sans importance. Le tout fait donc moderne et l'était sûrement à l'époque.
Néanmoins, style et histoire sont peu complexes, et certaines avancées technologiques semblent bien modestes eu égard à l'époque décrite, trois siècles dans l'avenir. La primauté donnée aux USA sur l'humanité, qui s'explique sans doute par la volonté de publier un roman hommage à l’occasion du deuxième centaine de la déclaration d'indépendance des USA, signe un manque coupable de vision prospective. Les personnages, tous upper class et aussi peu crédibles que les tourments amoureux de Duncan, sont de bons bourgeois des années 50 envoyés dans l'avenir avec leurs manières et leur habitus intacts. En dépit de ses fulgurances scientifiques, sa part littéraire lui donne un air daté. A la même époque, Delany écrivait aussi ; la comparaison entre les deux est cruelle.
Terre Planète impériale, Arthur C. Clarke
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