"Ogres" est une novella fantasy/steam d’Adrian ‘serial author’
Tchaikovsky.
Lieu et dates indéterminés. Le contexte est peu ou prou
médiéval et le milieu rural. Le héros
(tant du récit que de l’Histoire à écrire) se nomme Torquell. C’est un
jeune homme éduqué, aussi costaud et charismatique que tête brulée voire
rebelle. Torquell est le fils de Tomas, le chef du village, l’autorité
principale donc si l’on excepte celle du Pasteur.
Ailleurs, dans la forêt qui enserre la petite communauté dans sa viridité, se
trouvent d’autres villages, avec d’autres chefs et d’autres habitants. Mais
ces villages on ne les fréquente pas, ils sont loin et fondamentalement
identiques ; toute vie utile se trouve ici. Seul point commun entre ces
communautés, elles sont toutes peuplées par les sujets du Maitre. Peter
Grimes. L’Ogre.
Si au cœur même de la forêt vivent des hors la loi qui ont fui leurs
communautés pour échapper à la justice, l’essentiel des autochtones respectent
scrupuleusement la loi du Maitre, autrement dit la loi des Ogres dont Grimes
n’est qu’un parmi d’autres – de ça on est sûrs, même si on ne voit presque
jamais d’autres Ogres, chacun vivant apparemment sur son fief.
Obéissance donc, qui a deux origines. D’une part le Pasteur y incite en
invoquant la volonté de Dieu, d’autre part les sanctions exercées par les
Ogres sur les contrevenants sont suffisamment sévères pour décourager la
plupart des velléités de protestation ou de transgression. Si l’on veut vivre
vieux, mieux vaut obéir et ne pas attirer l’attention sur soi.
Problème : Attirer l’attention sur soi, c’est précisément ce que
fait Torquell lorsque, poussé par un mélange explosif de sens de la justice et
de colère innée, il frappe Gerald, le fils du Maitre. Avant de faire pire
encore.
Fuite dans la forêt puis au-delà, capture, attente d’exécution,
Torquell est sauvé in extremis par Isadora, une Ogresse qui décide qu’elle a
d’autres projets pour ce vilain si dramatiquement audacieux.
Torquell
découvre alors un monde au-delà de la forêt dont il ne soupçonnait même pas
l’existence. Découvre aussi, au fil d’années passées à étudier sur le domaine
d'Isadora, la vérité sur les causes et les origines de l’organisation
inégalitaire du monde entre Humains asservis et Ogres asservissants. Que faire
d’un tel savoir si ce n’est tenter une révolution ?
Avec "Ogres" Tchaikovsky offre au lecteur un texte surprenant,
avec twists et rebondissements. J’ai tenté de ne pas spoiler, il conviendra de
ne pas se spoiler soi-même en lisant trop des chroniques parfois très
explicites qu’on trouve sur ce livre.
Mais mis à part les twists et rebondissements évoqué au-dessus, la novella est
globalement décevante.
La narration à la deuxième personne, qui s'explique à la fin, n'aide pas à se
sentir proche du personnage principal.
Sur le plan de l’intrigue, on sent assez vite où veut en venir l’auteur même
si on admettra que la fin est surprenante (quoique…).
Sur l’arrière-plan théorique, le Marxisme pour les Nuls de Tchaikovsky
serait charmant sous la plume d’un adolescent découvrant, éberlué, la lutte
des classes, et se disant qu’il doit faire partager au monde sa découverte de
concepts tels que ceux de classe mobilisée ou de dévoilement ; l’ogre en
couverture avec son haut de forme ressemble même aux caricatures de
capitalistes qu’on trouve dans
Lutte ouvrière, c’est dire si nous sommes ici loin du cercle de la raison.
Problème : Tchaikovsky n’est plus un adolescent depuis longtemps et son
lectorat n’est, j’espère, pas constitué de lycéens époustouflés par la finesse
de sa métaphore ou séduits par des représentations groupusculaires.
Enfin, et là je trouve que c’est plus grave que comique, à tel point que je
vais maintenant ne plus toucher les textes de cet auteur qu’avec des
pincettes, la fantasmagorie complotiste du
Great Reset
tangente fortement le cœur de la novella. Popularisée par des intellectuels à
la dérive tels que Monique Pinçon-Charlot ou Laurent Mucchielli, cette
théorie, qui raconte l’élimination annoncée d’une grande partie de l’humanité,
est aussi absurde qu’obscène et n’est acceptable que lorsque c’est Thanos qui
la met en application.
Déception donc, et regret.
Tchaikovsky, qui est un auteur dont j‘aime souvent le travail, aurait dû
réaliser que la rebellitude révolutionnaire est devenue la plus convenue de
toutes les attitudes conformistes et rester sur des histoires d'araignées et
de pieuvres.
Ogres, Adrian Tchaikovsky
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