Un petit mot sur un recueil de nouvelles de l'auteur ukrainien Volodymyr Vynnytchenko, publié par les éditions Lingva (des amis) et dont tous les bénéfices iront à la Croix Rouge pour l'aide aux réfugiés ukrainiens.
Je ne connaissais pas l'auteur et mon achat fut plus guidé par un sentiment humanitaire que par mon intérêt pour celui-ci. Et pourtant j'ai pris plaisir à lire les quatre nouvelles rassemblées sous le titre "Au Souffle des Vent, des Vents Furieux".
Quatre textes à la sonorité résolument slave (cf. mon impression déjà souvent exprimée sur la frénésie conflictuelle verbale dans la littérature slave). Quatre textes dont le premier est le plus conséquent et le dernier le plus classique/abouti dans l'écriture, sans que les deux qu'ils entourent ne soient moins bons.
Deux ou trois mots :
Le Talisman est un récit de prison politique et d'évasion qui montre comment un paria peut devenir un leader, comment la fonction peut habiter l'homme jusqu'à l'oindre dans le devoir associé à celle-ci, comment le chef est toujours celui qui marche devant et jamais celui qui se planque derrière. C'est accessoirement un texte qui met au premier plan un personnage juif ; ironique alors que le tsar de Russie prétend dénazifier l'Ukraine. Un texte exaltant et un personnage dont l'improbable destin peut évoquer celui du président Zelinsky.
Un Étrange épisode est un texte surréaliste qui me semble trop peu achevé pour dépasser vraiment le stade de l'énoncé d'évidences. Beauté, laideur, lien entre les deux. Trop simple ou trop complexe, volontairement mystérieux dans un genre expressionniste, it doesn't deliver, comme diraient les anglos.
La Faim (titre original : Holod, qui donnera Holodomor, un des « bons souvenirs » que la Russie soviétique a laissé à l'Ukraine) est un texte impressionnant par son caractère grotesque qui met en évidence la dureté sociale sans limite et l’autoritarisme anomique d'une société du début du XXe siècle dans laquelle les paysans étaient, au sens propre du terme, les « damnés de la terre ». Dans un décor de dîner champêtre esquissé en peu de pages et pourtant parfaitement « visible » se joue une scène folle d'humiliation imposée par un officier aviné à des paysans affamés. Tout est anormal dans ce moment, tout est, redisons-le, grotesque, tout est scandaleux et révoltant. Troublant et dérangeant, comme une fête de Kusturica qui tournerait à l'aigre.
Le dernier texte, Au Souffle des Vent, des Vents Furieux, est le plus classique dans son écriture. Dans une forme qui évoque le conte, il met en scène les terreurs nocturnes d’un petit garçon et la revanche que sa sœur plus âgée profite donc pour prendre sur les contraintes qu'il lui impose habituellement du fait de son sexe et de son statut de plus jeune enfant de la maisonnée. Une histoire qui se conclut néanmoins dans l'amour partagé quand le petit tyran réalise que sa victime d'habitude a aussi un cœur – ce que ne voit jamais l'officier obscène de La Faim. Un regret : j'attendais un domovoï qui ne vint pas ;)
Le tout est à lire en tout cas, pour le don mais aussi – vous ai-je convaincu ? – pour les textes eux-mêmes.
Aux Souffle des Vent, des Vents Furieux, Volodymyr Vynnytchenko
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