Daryl Gregory : I’m Not Disappointed Just Mad AKA The Heaviest Couch in the Known Universe

Conseil aux nouveaux auteurs : Faites attention quand vous plaisantez en ligne. Imaginez, vous faites une blague sur l’écriture d’une histoire ridicule, quelque chose que vous n'écririez jamais ; ce n'est qu'une bonne blague jusqu’à ce qu’un éditeur en entende parler et vous demande d’écrire cette histoire. Il y a quelques années, sur un site, je disais à quel point Iain Banks était mon écrivain préféré mais que si je devais écrire un space opera, ce serait sur deux fumeurs défoncés qui manquent la guerre interstellaire parce qu’ils essaient de déplacer un canapé d’un bout à l’autre de la ville. Jonathan Strahan est alors intervenu et a dit : Je publierais ça. Ha ha ! Très drôle. Il a alors ajouté : Non, vraiment. Plus tard, on s’est croisés à une convention, et il m’a dit : Alors, cette histoire façon Iain Banks ? Et voilà, c'est fait ! Je sais, c’est une histoire absurde, mais en ces temps sombres... Sachez juste qu’elle a été écrite avec beaucoup d’amour et d’admir

Et la Machine s’arrêta - E.M. Forster


E. M. Forster est un écrivain anglais du début du XXe siècle. Il a écrit deux romans mémorables : Maurice et Howard’s End. Ici, lecteur, il livre une nouvelle dystopique, écrite en 1909, intitulée "Et la Machine s’arrêta".

Deux mots.
L’humanité vit comme recroquevillée dans d’immenses topos souterrains. Chacun reste dans une cellule hexagonale aveugle d’où il ne sort que rarement. Tout lui est amené, nul besoin de sortir. Et pour ce qui est du contact humain un réseau de communication l’assure, avec contact visiophonique lorsqu’il s’agit de relation un à un, et concerts ou conférences fibrodiffusés lorsqu’il s’agit d’activités communes et publiques.
Trouver de nouvelles idées, voici ce qui rythme la vie des humains du temps de la Machine, car pour ce qui est du travail ou de la simple activité physique c’est la Machine (en génie tutélaire) qui pourvoit, au point que l’espèce humaine s’est atrophiée et aurait le plus grand mal à vivre à l’air libre. Hélas, même de nouvelles idées il y a pénurie. Comment progresser quand ni adversité ni sensation ne se manifestent jamais ?

Voici qu’un fils appelle sa mère à le rejoindre « chez lui », que celle-ci le fait à reculons tant il y a longtemps qu’elle n’a pas quitté sa cellule où tout ce dont elle a besoin lui est apporté par l’omnipotente et bienveillante Machine, qu’elle apprend que son rejeton - élevé comme tous les autres par la Machine - ne rêve que de sortie, que de fuite hors des souterrains, hors du système donc, et hors de ce qu’est devenue la civilisation humaine. Hérésie. Folie. Absurdité pour laquelle il risque de payer cher.

Dans cette nouvelle, Forster exprime une vive inquiétude face à une technologie dont il craint qu’elle cesse d’être un outil au service de l’humanité et que, faisant système idéologique, elle devienne, comme chez Burroughs, une fin en soi, un mécanisme auto reproducteur qui n’a plus pour finalité que sa propre perpétuation. Que la béquille devienne prothèse et la prothèse corset, voilà le risque que pointe Forster alors qu’il écrit à une époque où le mythe du Progrès est encore vivace. Admirable clairvoyance. « L'homme est la mesure de toutes choses » affirme ce fils qui tente de reprendre le contrôle de son corps d’abord, de sa vie ensuite. Mais, passé le point de non-retour, est-il possible de revenir en arrière ?

Sache, lecteur de Jean Baret, que le monde de la Machine ressemble beaucoup à celui de X23T800813E616 dans Vie™. Sache encore qu’il est aussi périlleux de vouloir le quitter que dans Mort™.

Et la Machine s’arrêta, E. M. Forster
La nouvelle est ressortie en 2020. Elle est aussi lisible en ligne.

Commentaires

Anonyme a dit…
Salut,
D'où provient l'image en tête de la notule ?
Bien à toi, merci.
Gromovar a dit…
Du site vers lequel pointe le lien inséré dans la chronique.