Ouch !
J’avais dit tout le bien que je pensais du bluffant tome 1 du Macbeth roi d’Ecosse de Thomas Day et Guillaume Sorel. Deux longues années d’attente et un Covid après, ce second tome qui clôt le récit est au premier ce qu’un éclair est à une étincelle.
Le premier était grand, le second est énorme, le premier était très bon, le second est l’un des deux ou trois meilleurs albums que j’ai lus cette année.
Macbeth est roi, Gruoch - Lady Macbeth - est reine. Le sang du meurtre et de la trahison les a placés sur un trône usurpé. Soumis à sa femme, esclave de la passion qu’elle lui inspire, Macbeth entre dans le cycle des guerres et des vengeances que ses actes lui valent. Chaque mort en entraine une autre, chaque tête est l’annonce d’une autre. De la vendetta au kanun (Ismaïl Kadaré en fit un beau roman), le meurtre appelle le meurtre, en politique comme ailleurs. Des années de conflits, des charretées de morts, comme prix de l’ambition de l’une et de la passion de l’autre.
Jusqu’à la bataille finale, jusqu’à l’oblitération du couple maudit et l’extinction de toute lignée.
Dans ce tome 2, toute les qualités du premier sont décuplées. Les dessins sont - c’était possible - encore plus impressionnants.
Et l’écriture…
Au début, 11 pages, Gruoch parle : chaque phrase porte et impacte violemment.
Puis c’est à Culain de s’exprimer : cinq pages magnifiques encore.
Et ça continue. La guerre, les morts, la pénitence, les morts encore. Les corps sont meurtris, ceux des autres bien sûr, mais le sien propre aussi. Tout part du corps et tout y revient, le corps qu’on martyrise, par ambition ou culpabilité.
Et le royaume, mal gouverné, se meurt. « Terre et roi sont un », l’album l’illustre, sous la plume d’un Thomas Day qui écrivit Le double corps du roi avec Ugo Bellagamba sur les traces de Kantorowicz, dans des images qui rappellent le royaume à l’agonie d’Arthur dans l’Excalibur de Boorman.
Et il y a la guerre, le seul lieu où Macbeth existe et renait. Loin de sa faiblesse, il brille à nouveau, donnant la mort avec honneur là où il l’a tant donnée dans l’infamie.
Quand il finit par être acculé, il devient pour sept secondes un aigle (même si l’image suggère que son animal-totem est un corbeau).
Et on ne peut s’empêcher de penser, la toute fin le suggère, que l’auteur éprouve une forme de sympathie pour le diable qu’il décrivit, ou au moins d’indulgence pour des fautes que rien ne distinguent de celles de tant d’autres, d’Atrée à Richard III.
Le tout est impressionnant, un coup dans l’estomac qui laisse abasourdi. On souffle et on réalise que, depuis quelques minutes, on ne respirait plus.
Macbeth, roi d’Ecosse t2, Day, Sorel
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