Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

The Album of Dr Moreau - Daryl Gregory


"The Album of Dr Moreau" est une novella de Daryl Gregory. C'est un texte qui prend volontairement à contre-pied les cinq règles de l'histoire policière telles que définies par T. S. Eliot et citées en introduction.


Les WyldBoyZ sont un groupe pop d'un genre très particulier. Qu'on en juge : les membres du groupe sont Devin, “le romantique”, aux trois-quarts bonobo, Tim, “le timide”, en grande partie pangolin, Matt, “le rigolo”, une chauve-souris humanoïde géante, Tusk, “l'intelligent”, un hybride homme-éléphant, et Bobby O. “le mignon”, entre homme et ocelot. Les cinq performers font chavirer les cœurs de hordes d'adolescentes prépubères qui les adulent et se ruent dans leurs très spectaculaires concerts.

Les WyldBoyZ sont managés par Maurice Bendix, dit Dr M., qui les a découverts après leur fuite de la barge où leurs créateurs les retenaient, et leur a permis d'entrer aux USA en jouant sur l’ambiguïté de leur identité humaine ou animale. M. est clairement un sale type qui traite les hybrides comme sa propriété, et s'il leur a apporté la notoriété et une forme de sécurité il est clair aussi dans son esprit que les WyldBoyZ sont ses choses, pour en disposer à sa guise.

Et voilà qu'après leur dernier concert à Las Vegas, à l'issue d'une soirée aussi animée que riche en scandales, M. est assassiné dans des circonstances atroces. Se trouvaient dans les environs du meurtre tous les membres du groupe, plus la femme de M., et Kat, la chef des roadies. L'inspectrice Lucia Delgado est chargée de l'enquête.


Meurtre en chambre close à la difficulté augmentée par les capacités supranormales d'une partie des suspects, "The Album of Dr Moreau" est autant un hommage à l'île du même nom qu'une évocation pop qui fait souvent penser aux Beatles.


Gregory traite son roman sur un ton qui oscille entre trois pôles.

D'abord, un police procedural avec indices matériels, interrogatoires et confrontations, rendu ardu par les pouvoirs – de déplacement notamment – des protagonistes et leurs personnalités troublées, sans parler des secrets qu'ils entretiennent sur leurs origines.

Ensuite, l'évocation très pop d'un groupe de jeunes pour très jeunes, avec titres de chanson pour noms de chapitre et longues discussions sur la musique ou le spectacle. Sans parler des fans dont la fille de Delgado n'est pas la moindre.

Enfin, une approche que Gregory veut drôle et enlevée, le but avéré étant de rendre son histoire amusante en dépit du tragique du meurtre et de l'ombre qui pèse sur les origines des garçons et les pressions qu'M. exerçait sur eux.


Clairement, des trois pôles, c'est le troisième qui est le plus réussi. Sans être hilarant le roman contient des personnages aux personnalités volontairement outrées et nombre de phrases bien troussées telles que : « The penthouse rooms were decorated in a midwestern car salesman’s idea of how rich people live », ou « The screamer was a fiftyish redhead, body by Pilates, hair and boobs courtesy of other expensive technologies ».

La partie enquête, même si elle progresse tranquillement, est volontairement confuse, et sa résolution est très loin du meilleur de ce que fit Agatha Christie par exemple.

L'évocation pop est à la limite de l'ennuyeux tant, discutant d'un groupe imaginaire en ne disant rien de bien innovant sur ce qu'on peut savoir de la situation des vrais, elle semble plus plaquée qu'autre chose sur le récit. On n'est pas chez Hunter S. Thompson.

Même la partie « émouvante » sur le passé des WyldBoyz et les torts qui leur ont été faits est bien trop parcellaire et courte pour être vraiment efficace. On est ici bien loin d'Elephant Man.


C'est donc une novella qui pourra amuser un public adolescent peut-être. Elle est difficilement suffisante sinon.


The Album of Dr Moreau, Daryl Gregory

Commentaires

tadloiducine a dit…
Merci d'avoir mis le lien chez La petite liste! Je vois que je n'avais pas creusé assez profond parmi les trésors de votre blog. Je viens de voir sur wikipedia que les romans de Danyl Gregory mettent souvent quelque temps être traduits en français, celui-ci ne date que de 2021 en anglais... Même s'il ne vous a pas emballé, ça ressemble à une pochade intéressante, entre le clin d'oeil animalier, l'énigme policière et les descriptions sociologiques (touchant les ados?)...
Gromovar a dit…
Possible en effet qu'il finisse par arriver ici. Et il pourrait sans doute amuser des ados.
Seul le temps nous le dira.