Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

Continent perdu - Norman Spinrad


La maison d’édition indépendante Le passager clandestin est une toute petite maison radicale, engagée et militante contre une certaine forme insatisfaisante du monde. Au milieu des non fictions, on y trouve la collection Dyschroniques qui remet à l’honneur des textes anciens de grands noms de la SF.

Nouvelles ou novellas posant en leur temps les questions environnementales, politiques, sociales, ou économiques, ces 18 textes livrent la perception du monde qu’avaient ces auteurs d’un temps aujourd’hui révolu. Et si certaines questions semblent moins d’actualité, d’autres, en revanche, sont devenues brûlantes et illustrent, hélas, la pertinence des craintes exprimées par les auteurs de SF.

On notera que chaque ouvrage à fait l’objet d’un joli travail d’édition, chaque texte étant suivi d’une biographie/bibliographie de l’auteur, d’un bref historique des parutions VO/VF, d’éléments de contexte, ainsi que de suggestions de lectures ou visionnages connexes. Une bien jolie collection donc.


"Continent perdu" est une novella de Norman Spinrad publiée pour la première fois en 1970.

On y voit un groupe de touriste africains visiter, dans deux siècles environ, les USA ou ce qu'il en reste. Un « pays » qui a « renvoyé » ses afro-américains vers la terre de leurs ancêtres. Un « pays » si pollué que l'espérance de vie y est courte, en dépit même du port constant d’équipements de protection. Un pays qui s'est effondré sur lui-même pour avoir trop négligé ces facteurs, environnementaux notamment - dont Jared Diamond parlait dans Effondrement -, et qui n'est plus que l'ombre ruinée de ce qu'il fut, alors que l'Afrique a connu un développement conséquent.


Inspiré à Spinrad par une visite en Grèce, "Continent perdu" tente d'imaginer ce que ressentent les visiteurs d'un monde en croissance qui, en dépit de ses progrès, n'a pas encore atteint le niveau technologique qui fut celui de l'Empire à son apogée, ainsi que les sentiments qui peuvent habiter les descendants déchus de ce qui fut le centre de l'économie-monde.


Spinrad pense à la Grèce antique, on peut bien sûr penser à Rome aussi, devenu un cloaque où on élevait des porcs dans le Colisée alors que montaient autour d'elle de nouvelles civilisations qui, si elles étaient supérieures à ce qu'elle était devenue étaient encore loin d'être supérieures à ce qu'elle fut. Que pensaient-ils ces Romains ? Et leurs visiteurs ? Entre Schadenfreude, intérêt, admiration, ressentiment, racisme latent ou explicite, quels sentiments ambivalents peuvent habiter deux civilisations qui se rencontrent quand l'une a cédé la place à l'autre ?


Joliment écrit, "Continent perdu" est plein des préoccupations tant de Spinrad que de son époque. Peut-être qu'un jour viendra où un autre auteur américain écrira le voyage de Chinois dans une Washington en ruine.


Continent perdu, Norman Spinrad

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