The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Célestopol 1922 - Emmanuel Chastellière


En 2019 sortait Célestopol, recueil fix-up d'Emmanuel Chastelière qui se passait au début du XXè siècle à Célestopol, une ville sous dôme établie sur la Lune par l'empire russe depuis le milieu du XIXè. Voici qu'arrive "Célestopol 1922" qui en est la suite et se passe – tu l'auras deviné, lecteur – en 1922 ; et note qu'il peut être lu seul sans difficulté aucune.


Retour à Célestopol donc, dans la ville du prince rebelle Nikolaï, loin si loin d'une Terre qui n'a pas connu la Grande Guerre ni la Révolution Russe, loin de ses soubresauts et de ses tourments, loin d'une Angleterre ruinée, de la France de Napoléon IV, de la grande Russie de l’impératrice Glorianna, mère et rivale de Nikolaï. Et pourtant assez près pour que le voyage Terre-Lune – en obus-traversier, vaisseau de poste, ou paquebot – prenne moins de trois jours.

Depuis 21 ans, la ville a continué d'être un îlot de paix (d’énormes inégalités aussi, consubstantielles de l'ère industrielle), et sa composition a peu changé. Certes, il y a de plus en plus d'automates (qui remplacent de plus en plus souvent les ouvriers). En effet, on y trouve une nouvelle bande, les Cheyennes, inspirés des Apaches, des ultra-violents qui tentent de se débarrasser de l'ancienne mafia russe. Assurément, le prince Nikolaï s'implique moins, en apparence en tout cas. Comme toute ville vivante, Célestopol change, mais, comme pour toute ville, ces changements sont lents et progressifs.


Retour à Célestopol donc, dans la ville rêvée d'un prince ami des sciences et des arts, qui se veut despote éclairé, comme un fils improbable de Frédéric II et Laurent de Médicis. Une ville qui rappelle le faste et l'effervescence du Paris de la Belle Epoque, racontée dans une succession de nouvelles dont les protagonistes s'entrecroisent souvent d'un récit à l'autre. Une ville décrite du bas en haut de la société, de ses palais à ses égouts en passant par bordels et maisons bourgeoises, comme le fit Eugène Sue dans Les Mystères de Paris.


Dans le recueil, treize nouvelles. Sacrifions à l'antienne éculée que j’utilise moi-même aussi sur les recueils « longueurs variées, qualités variées, chacun aimera l'une ou l'autre, chacun suivant ses goûts ou son pathos ». Puis rentrons un peu dans le détail – du moins de celles que j'ai préférées.


Toungouska ramène au lecteur l'inoubliable couple de mercenaires Arnrun et Wotjek, la blonde guerrière islandaise et le soldat tombé au cerveau greffé dans le corps d'un ours. Envoyés en mission à Toungouska, ils mettent à jour un programme russe ultra-secret qui explique les événements de 1908. Et y découvrent un homme désespéré. Belle transposition.


Mon Rossignol est un très joli texte dans lequel se mêlent amour et politique. Jamais une bonne idée. A fortiori quand se retrouvent un homme et une femme qui semblent s'être séparés après un Congrès de Tours local. Ne spoilons pas ! Glissons seulement que ce texte est très juste car tout s’y enchaîne de façon évidente, et qu'on peut dire que c'est Les Yeux des Pauvres de Chastellière.


Memento Mori est un beau texte, qui dit un deuil, et l’impossibilité de faire avec, jusqu'au drame. Impressionniste, il dit le malheur qui s'abat sur une famille par une quantité de petits détails qui, progressivement, forment une trame bien noire et triste. Il dit le destin aussi, qui frappe même quand les pogroms sont loin derrière, sur Terre. Très réussi.


Une Nuit à l'opéra Romanova est une bien dynamique histoire de cambriolage et d'arnaque dans le monde des prestidigitateurs lors d'une visite de l'archiduc François-Ferdinand (ben oui, no WWI). Remettant en scène Arnrun et Wotjek, il livre un récit intrigant qui passionnera les amateurs d'histoire policière dans le monde de la magie, et met en lumière un tableau de Léonard de Vinci dont on sait aujourd'hui qu'il n'est pas de lui (amusante mise en abyme).


Le Correcteur de fortune est l'histoire d'un homme au don étonnant – mais pas inédit pour les lecteurs de l'Isolation de Greg Egan – lors de la première confrontation d'échec entre un Grand Maître International et un Automate. Intéressante et plaisante à lire, elle est malheureusement placée trop près de la Nuit à l'opéra à laquelle elle fait penser, à son détriment.


Le Revers de la médaille est l’occasion, sur les pas de la jeune immigrante Bo-Yeong, de rencontrer Marie Curie. Il s'agit de donner un visage à la ville, et ce visage devrait être celui d'une femme du peuple. Pourquoi pas celui de Bo-Yeong ?


Un Visage dans la cendre, outre qu'il signe le passage de témoin des mafieux russes aux outrecuidants Cheyennes, est l'occasion d'une visite dans le métro désaffecté de Célestopol. Une visite permettant de découvrir les splendeurs architecturales qui auraient dû l'orner et évoquent celles du métro de notre Moscou. Et puis, tout au fond, il y a... Doublement, voire triplement crépusculaire.


La Malédiction des pharaons est un superbe texte. Une histoire d'occasions manquées, de trains qui passent et dans lesquels les vents de l'histoire font qu'on ne monte pas. Une nouvelle utilisation sensible des richesses de l'uchronie pour mettre en scène un Howard Carter tragique. Hélas.


La Fille de l'hiver est la plus longue, l’équivalent ici du Oderint dum metuant du premier tome. On y retrouve une Anastasia qui est un souvenir, une idée, une blessure jamais cicatrisée aussi pour Nikolaï. Elle illustre, dans un récit tragique, le concept d'univers multiples, et remet en scène les personnages aux destins fracassés de la vraie histoire russe.


Allant toujours au plus près de ses personnages, développant l'aspect uchronique de ses récits, Chastellière livre un fix-up engagé qui n'est jamais lourdingue (ce qui est rare), dans une ville qu'il ferait bon visiter tant elle est aussi belle que vénéneuse.

Il éclaire le background uchronique de son monde par petites touches, sans jamais dépasser ce qui est nécessaire à la compréhension.

Il fait évoluer la ville dont il est le Nikolaï de plume sans jamais hésiter à être cruel avec ses personnages, même si, de fait, à Célestopol comme partout ailleurs, ce sont les humains qui nuisent aux humains, bien plus souvent que les événements ou la colère des dieux.

C'est donc une lecture très recommandable, pour amateurs de Jules Verne et de ses épigones.

Si on devait faire une (deux) critiques, il faudrait dire que subsistent dans les textes quelques scories qu'un travail d'édition plus approfondi aurait permis d'éradiquer, et surtout que la nouvelle Katarzyna est étonnamment en dessous, une tentative de romantisme poétique dont les images, clairement, ne fonctionnent pas.


Célestopol 1922, Emmanuel Chastellière

Les avis de Lhisbei, Lune, Lorhkan

Commentaires

Emmanuel a dit…
Il faudrait que je lise Egan alors !
Gromovar a dit…
On gagne toujours à lire Greg Egan ;)