The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Bifrost 102 - Arthur C. Clarke et ses amis


Sortie du numéro 102 de Bifrost, c'est l’occasion de fêter le 25e anniversaire du magazine de référence sur les littératures de l'Imaginaire en France.

Tu y trouveras, lecteur, un édito de haut vol d'Olivier 'The Boss' Girard (touché par la grâce de Gérald Bronner), un énorme dossier sur le Grand Ancien Arthur C. Clarke – agrémenté même, à côté de l'interview de Clarke, d'une interview de Stephen Baxter réalisée par Erwann 'The Killer Rabbit' Perchoc –, ainsi que les rubriques habituelles.

Plus quatre nouvelles, deux des plus connues de Clarke (dans une nouvelle traduction, Bragelonne n'ayant pas daigné autoriser l’utilisation de sa propre trad.), une de Ian R. MacLeod, et une de Rich Larson, toutes quatre d’excellente tenue.


Les neuf milliards de noms de Dieu, rétro-Hugo 1954 en 2004, est peut-être la plus connue des nouvelles de Clarke. Dans ce texte très borgésien, les prodiges de la science informatique « moderne » sont mis à la disposition de moines lamas qui, depuis trois siècles, s'affairent à écrire un après l'autre les neuf milliards de noms de Dieu. Une aventure qui leur prendrait encore 15000 ans sans l'aide d'un ordinateur Mark V de location qui ramènera l'ensemble de la chose à 100 jours seulement.

Mais pourquoi vouloir écrire les neuf milliards de noms de Dieu ? Et qu'arrivera-t-il quand le dernier des noms aura été écrit ? Il faudra lire cette courte nouvelle pour le savoir.


La Viandeuse, de MacLeod, a remporté le World Fantasy Award 2000.

Seconde Guerre Mondiale. Une jeune femme qui s'ennuie à mourir dans le carcan familial s'engage dans les WAAF. Elle passera la guerre sur une base de bombardiers de la RAF à l'administration du réfectoire. Et très vite, dans ce milieu de navigants à espérance de vie réduite (moins de la moitié d'entre eux arrivent à leur vingtième mission) où les superstitions, gris-gris, rituels et porte-bonheurs sont innombrables, elle y sera considérée comme un chat noir, une porte-poisse qui signe l'arrêt de mort de tout aviateur avec qui elle badine. Méfiance, isolement, on n'y croit pas mais quand même on y croit ; il vaut mieux ne pas fréquenter la Viandeuse de trop près si on est un militaire appelé à voler au-dessus du Reich.

Arrive sur la base Walt Williams, le pilote le plus chanceux de la RAF, une légende vivante autour duquel gravite tout le personnel de la base comme des phalènes autour d'un lampadaire. Pour l'une comme pour l'autre, parle-t-on de réalité magique ou de pur hasard statistique ? S'il s'agit de magie, alors elle est la Force irrésistible et il est l'Objet immuable. Que sortira-t-il de leur confrontation ?

Dans cette nouvelle, on retrouve la beauté d'écriture toujours aussi impressionnante de MacLeod. Il décrit un lieu clos – la base – de telle manière qu'on a l’impression à la lecture d'en connaître avec précision tous les recoins importants. Il raconte la vie des jeunes filles de l'époque, objets du désir des hommes sans en être dépourvues elles-mêmes, que les normes sociales contraignent à la retenue, l'auto-contrôle, l'acceptation, et l'accueil. Il fait montre de son habituelle délicatesse dans la peinture des êtres et des émotions, ainsi que de cette nostalgie un peu tristounette qui traverse toute son œuvre, la rendant infiniment touchante. C'est donc encore un grand texte de l'auteur écossais, d'une grande beauté stylistique, un texte niché aux frontières des interprétations et au cœur même des sentiments.


Demande d'extraction, de Rich 'New Golden Boy' Larson, est d'un tout autre ton. C'est un récit de pure SF dans lequel un commando de soldats augmentés et patibulaires se retrouve coincé au milieu d'un marécage alien après que le transport de troupes qui les véhiculait ait été abattu. Demande d'extraction envoyée ; elle prendra bien huit jours pour être exécutée. Plus qu'à patienter. Mais quand une menace incompréhensible s'en prend aux membres du commando, l'enjeu devient de survivre, pour ne pas finir comme Beasley, le premier mort, blessé très gravement lors du crash et dont ses camarades, à sa demande, ont abrégé les souffrances.

Ennemis terrifiants, soldats survitaminés, déroulement à la Dix Petits, oups !, 'Ils étaient dix', Larson propose ici une histoire à la Prédator ou à la Alien. Et, en dépit des faiblesses morales et des bassesses des protagonistes, on ne peut s'empêcher de souhaiter leur survie ou de compatir à leur chute. Comment tout cela se terminera-t-il ? Noir sur noir ou dans une lueur d'espoir ? Il faudra lire.

PS : je n'aurais pas cru qu'on pourrait un jour me terrifier vraiment avec un cube gélatineux. Pierre-Paul Durastanti, le traducteur, a dû se régaler ;)


L'étoile, enfin, de Clarke encore, et Hugo 1956, met un astrophysicien jésuite aux prises avec un fait qui ébranle de façon irrémédiable sa foi. Exploration lointaine, supernovae, archéologie spatiale, tout le sense of wonder de la SF est présent dans ce texte court qui explore les tourments d'un homme pleurant sur la disparition d'un monde, et plus encore sur ce qu'elle implique pour lui-même et sa foi. Car si l'existence du mal est le prix à payer pour le libre-arbitre de l'homme, c'est ici de bien autre chose qu'il s'agit. Les voies de Dieu sont dites impénétrables, et c'est peut-être pour le mieux car là, alors qu'elle s'éclairent un peu, elle ne peuvent que plonger leur spectateur dans la consternation.


Un Bifrost de grande qualité donc, que tu devrais te procurer, lecteur.

L'avis de Feyd Rautha

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