"Cochrane vs l'Ordre des Catacombes" est le second tome (pour l'instant) des aventures de Lord Cochrane confronté au mythe de Cthulhu.
On peut aller voir la chronique du premier opus pour savoir qui est qui et obtenir un peu de background. Mais, ici, parlons de ce nouvel ouvrage. En deux mots : très excitant !
1826, onze ans après les événements de Cochrane vs Cthulhu.
Napoléon a perdu et son empire (en 1815) et sa vie (en 1821 à sainte-Hélène). Cochrane, lui, n'a pas chômé. Toujours persona non grata dans son propre pays en raison de démêlées autant judiciaires que politiques, il l'a fui in extremis (dans une sorte de Megxit avant l'heure) et a mis son talent militaire au service des guerres d'indépendance chiliennes et péruviennes avant de commander la marine brésilienne. Là aussi, comme durant toute sa carrière, il brille par son sens tactique et son courage, là aussi, comme dans sa vie britannique, il a l'impression (sans doute peu justifiée) d'être floué financièrement, là aussi il est si proche du pouvoir qu'il se trouve vite au milieu des intrigues politiques. Voilà pourquoi il finit par quitter l'Amérique du Sud et revient en Europe dans un chemin qui l'amènera dès 1825 à s'engager dans la guerre d'indépendance grecque ; idéaliste et vénal à la fois, à son habitude. C'est dans l'interstice entre son recrutement et son départ pour la Grèce que Villaroel imagine qu'il passe par la France et se retrouve une deuxième fois confronté aux sbires de Cthulhu.
Cochrane doit partir pour la Grèce mais Cochrane est en France, dans la France de Charles X (celle, paranoïaque et policière, de Vidocq). Pour rencontrer Champollion le Jeune. Et obligé d'opérer discrètement (par peur d'une arrestation liée à ses activités politiques alors que la France soutient la Turquie contre les revendications grecques). Clandestin sur le territoire, assisté du Capitaine Eonet et de deux marins anglais plus encore quelques autres, de vieux compagnons tous disgraciés ou étrangers, il fraie aussi par la force des choses avec quantité de ces anciens bonapartistes qui n'ont pas bonne presse dans la France de la Restauration. Les frères Champollion d'abord, qui le contactent et mettent les événements en branle. Le Général Bertrand ensuite, qui l'aide de toute son influence.
La « troupe » détiendrait une preuve irréfutable de l'existence de Cthulhu et de R'lyeh qui pourrait être présentée au monde. Cette preuve, dont je ne dévoile pas la nature pour ne pas spoiler, a été remise à Champollion le Jeune par un indicateur qui l'avait volée dans les affaires d'un Fouché qui l'avait subtilisée à Napoléon lui-même. C'aurait dû être la fin d'un doute et la preuve d'un nouvel âge à venir pour l'humanité. Mais Champollion et le voleur ignoraient qu'une puissante organisation secrète connaissait aussi l’existence de la preuve et s'était vite avisée de sa disparition.
Disparition du voleur, menaces sur Champollion, enlèvement de son frère, c'est le début d'une course endiablée pour celui que les Sud-Américains surnomment El Diablo. Une course qui l’amènera du Paris de Notre-Dame et des Catacombes à La Rochelle, puis à l'île d'Aix où Napoléon séjourna un temps et dissimula un objet capital. Une course qui l'opposera à un ennemi puissant qui veut fonder un culte, et refonder une église dont il deviendrait le pontife. Une course qui a son parallèle à une autre époque, avec d'autres acteurs (deux fils distincts dans le roman), sur lesquels je ne dirai rien si ce n'est que c'est à la fois un plaisir et une surprise que de voir ces acteurs-ci pris dans cette aventure-là. Il faut de l'estomac pour se livre à un tel pastiche. Comme Cochrane, Villarroel en a.
Enlèvements, duels, fusillades, navigation sur un fleuve en crue ou sous la mitraille, actes d'audace à n'en plus finir, embuscades, stratagèmes, déguisements, séquestrations, mais aussi exploration de l'indicible, voilà tout ce à quoi tu assisteras, lecteur. Tu découvriras un peu plus aussi le Cochrane progressiste, même si bien sûr l'essentiel n'est pas là. Tu chevaucheras, souvent sous les tirs ennemis, au côté d'une belle équipe d'amis qui se soutiennent l'un l'autre et font de leur confiance mutuelle une force irrésistible, au point de réaliser des exploits proprement époustouflants. Tu te prendras d'amitié pour ces audacieux aventuriers. Tu retiendras ton souffle face à leurs périls.
S'il n'y avait que Cochrane et Eonet, on pourrait se croire chez Bob Morane, mais avec leurs deux autres amis et les intrigues « de cour » auxquelles tous ces hommes sont mêlés c'est plutôt des Trois Mousquetaires qu'il s'agit, avec Cochrane dans le rôle d'un tonitruant d'Artagnan.
"Cochrane vs l'Ordre des Catacombes" est un page turner assez époustouflant, une réussite dans le genre. One-shot lisible seul car tout ce qui est nécessaire est expliqué dans le texte, il est une suite très réussie à Cochrane vs Cthulhu. Une suite supérieure à l'original.
Et si on retrouve dans ce roman les deux bémols pointés précédemment, à savoir un amour immodéré de l'auteur pour son héros et une tendance à trop souvent récapituler, ils sont loin d'annuler toutes les qualités de ce roman qui surclasse son devancier ce qui est rare pour un tome 2.
Cochrane vs l'Ordre des Catacombes, Gilberto Villarroel
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