The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

The Doors of Eden - Adrian Tchaikovsky


Ici et maintenant.
Lee et Mal sont deux jeunes Anglaises, amies d'enfance devenues amantes, qui partagent une passion pour la cryptozoologie. Un jour, celle-ci les emmène sur le terrain, sur la lande désolée de Bodmin en Cornouailles. De ce voyage Lee revient, mais pas Mal. Disparue, emportée, ailleurs, dans un lieu froid faute de description plus précise.

Quatre ans plus tard Lee a repris le cours d'une vie devenue bien plus morne et solitaire. C'est alors qu'elle reçoit un message de Mal, un message qui ne laisse pas de trace sur son téléphone.

"The Doors of Eden" est le dernier roman d'Adrian Tchaikovsky. C'est un thriller SF rapide et tribulant qui emporte ses personnages et son lecteur au-delà de tout ce qu'ils pouvaient rêver, dans des « distances » qui rappellent celles qu'invoque Liu Cixin par exemple (dans un genre très différent).

On y croise, outre Lee et Mal (revenue d'outre-nospoil), la génie mathématique trans Kay Amal Khan, les agents du MI-5 Julian et Alison, le tycoon d'extrême-droite Rove et son exécuteur des basses œuvres Lucas. Chacun dans des fils séparés d'abord avant de se réunir progressivement.

Ca, c'est le cast humain. Car dans "The Doors of Eden" le lecteur rencontrera aussi quantité d'autres sentients ainsi qu'une foultitude d'animaux résolument cryptozoologiques.

En effet, sans dévoiler plus que la 4ème ne le fait, c'est d'une histoire d'univers (et singulièrement de Terres) parallèles dont il est question ici, des failles entre ces univers, des troubles causés par les interactions qu'elles permettent. A moins que le problème soit ailleurs et que les failles grandissantes entre Terres simultanées ne soit que le symptôme d'une problème bien plus terrifiant, d'une fin du monde à venir.

Avec "The Doors of Eden", Tchaikovsky prouve qu'il y a une limite à la qualité qu'on peut écrire dans un temps donné.

Comme dans les excellents Children, il s'amuse à faire évoluer des espèces non humaines, usant de leurs particularités biologiques pour imaginer des sociétés radicalement différentes de la société humaine, et il le fait bien. Ses « évolutions » imaginaires sonnent juste, elles sont, un temps, amusantes à lire (outre le fait qu'elles servent le récit) – en particulier quand on découvre l'origine de l'espèce humaine.

S'inspirant de Lewis Caroll, dont il reprend les Reines Rouges et Rois Rouges par exemple, autant que de Darwin, il s'interroge sur le couple compétition/coopération et son rôle dans l'évolution des espèces sans négliger les effets du hasard.

Il s'interroge aussi – sans que ça dépasse les banalités d'usage, on n'est ni dans de la socio ni dans de la géopo ni dans de la philo – sur l’intégration de la différence, le contact avec l'étranger, et les défis qu'impose le dépassement de la méfiance.

Il développe le tout dans le cadre d'un page turner très dynamique qui ne ralentit vraiment (avec un vrai soulagement pour le lecteur) que vers la fin, quand la coopération s'impose comme la solution efficiente.

Mais les problèmes sont nombreux et si cette chronique est assez courte c'est autant pour ne pas spoiler (car comme dans tout techno-thriller la découverte personnelle fait largement partie du plaisir de la lecture) que parce que la part « action » du roman est très développée et que, par goût autant que par moyen, je n'ai pas grand chose à en dire de plus subtil que « rapide » ou « page turner ».

Si tu aimes Speed, lecteur, alors les deux premiers tiers te raviront. Ils m'ont laissé plus froid.
D'autant que Tchaikovsky ne se prive d'aucun effet spécial, d'aucune facilité. Les fissures dimensionnelles permettent des interventions miraculeuses, des fuites inespérées, des réunions improbables. Ajoutes-y certains personnages objectivement surhumains, et le tout donne un « visuel » qui m'a fait penser autant à un film des Avengers (avec même son « cloporte » volant géant ruinant la ville) qu'à un dessin animé de Tex Avery avec sa frénésie et sa ménagerie, l'humour en moins.

Et autant sur l’évolution, Tchaikovsky sonne (faute de mieux) crédible, autant sur les Terres parallèles, les « architectures mathématiques » qui les soutiennent, les énergies qui les créent, on est ici, toutes proportions gardées, quelque part entre science à la Star Trek et phlogiston.

De plus, le rythme fait que les personnages ne sont pas assez développés pour être attachants. Chacun a bien un background, mais ceux-ci sont très cookie-cutter et ne dépassent guère le silhouettage, pas le temps de faire mieux – et je passe ici sur le milliardaire nazi et son facholand imaginaire qui jumpent allègrement le shark.

Enfin, même les treize descriptions d'évolutions parallèles intercalées entre les chapitres d'action (des extraits d'un ouvrage scientifique fictif sur le sujet) qui amusent au début (et permettent de fournir du background ou, ex-post, de comprendre certaines parties du récit) finissent par lasser du fait de leur accumulation et de leur caractère interruptif – des NMI devenant pénibles à la longue.

Et dans le même ordre d'idées, les versions alternatives du chapitre 17, qui servent aussi le récit car elles permettent de comprendre quelque chose d’important, deviennent chiantes aussi à lire pour exactement la même raison – c'est à dire que quand on a compris le truc on préférerait que ça avance (et je passe sur l'épisode à la « Clair de Lune »).

L'ensemble forme un roman où Tchaikovsky fait du Tchaikovsky, nettement moins bien qu'ailleurs.

The Doors of Eden, Adrian Tchaikovsky

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