Ici et maintenant.
Lee et Mal sont deux jeunes Anglaises, amies
d'enfance devenues amantes, qui partagent une passion pour la cryptozoologie. Un
jour, celle-ci les emmène sur le terrain, sur la
lande désolée de Bodmin en Cornouailles. De ce voyage Lee revient, mais pas Mal. Disparue, emportée,
ailleurs, dans un lieu froid faute de description plus précise.
Quatre
ans plus tard Lee a repris le cours d'une vie devenue bien plus morne et solitaire. C'est
alors qu'elle reçoit un message de Mal, un message qui ne laisse pas de trace
sur son téléphone.
"
The Doors of Eden" est le dernier
roman d'Adrian Tchaikovsky. C'est un thriller SF rapide et tribulant qui emporte
ses personnages et son lecteur au-delà de tout ce qu'ils pouvaient rêver, dans
des « distances » qui rappellent celles qu'invoque
Liu Cixin par exemple
(dans
un genre très différent).
On y croise, outre Lee et
Mal
(revenue d'outre-nospoil), la génie mathématique trans Kay Amal Khan, les
agents du MI-5 Julian et Alison, le tycoon d'extrême-droite Rove et son
exécuteur des basses œuvres Lucas. Chacun dans des fils séparés d'abord avant de
se réunir progressivement.
Ca, c'est le cast humain. Car dans "
The
Doors of Eden" le lecteur rencontrera aussi quantité d'autres sentients ainsi
qu'une foultitude d'animaux résolument cryptozoologiques.
En effet,
sans dévoiler plus que la 4ème ne le fait, c'est d'une histoire d'univers
(et
singulièrement de Terres) parallèles dont il est question ici, des failles entre
ces univers, des troubles causés par les interactions qu'elles permettent. A
moins que le problème soit ailleurs et que les failles grandissantes entre
Terres simultanées ne soit que le symptôme d'une problème bien plus
terrifiant, d'une fin du monde à venir.
Avec "
The Doors of Eden", Tchaikovsky
prouve qu'il y a une limite à la qualité qu'on peut écrire dans un temps donné.
Comme dans les excellents
Children, il s'amuse à faire évoluer des espèces non
humaines, usant de leurs particularités biologiques pour imaginer des sociétés
radicalement différentes de la société humaine, et il le fait bien. Ses «
évolutions » imaginaires sonnent juste, elles sont, un temps, amusantes à lire
(outre le
fait qu'elles servent le récit) – en particulier quand on découvre l'origine de
l'espèce humaine.
S'inspirant de Lewis Caroll, dont
il reprend les Reines Rouges et Rois Rouges par exemple, autant que de Darwin,
il s'interroge sur le couple compétition/coopération et son rôle dans
l'évolution des espèces sans négliger les effets du hasard.
Il s'interroge aussi – sans que ça dépasse
les banalités d'usage, on n'est ni dans de la socio ni dans de la géopo ni dans
de la philo – sur l’intégration de la différence, le contact avec l'étranger, et
les défis qu'impose le dépassement de la méfiance.
Il
développe le tout dans le cadre d'un page turner très dynamique qui ne ralentit
vraiment
(avec un vrai soulagement pour le lecteur) que vers la fin, quand la
coopération s'impose comme la solution efficiente.
Mais
les problèmes sont nombreux et si cette chronique est assez courte c'est autant
pour ne pas spoiler
(car comme dans tout techno-thriller la découverte
personnelle fait largement partie du plaisir de la lecture) que parce que la
part « action » du roman est très développée et que, par goût autant que par
moyen, je n'ai pas grand chose à en dire de plus subtil que « rapide » ou « page
turner ».
Si tu aimes
Speed, lecteur, alors les
deux premiers tiers te raviront. Ils m'ont laissé plus froid.
D'autant
que Tchaikovsky ne se prive d'aucun effet spécial, d'aucune facilité. Les
fissures dimensionnelles permettent des interventions miraculeuses, des fuites
inespérées, des réunions improbables. Ajoutes-y certains personnages
objectivement surhumains, et le tout donne un « visuel » qui m'a fait penser
autant à un film des Avengers
(avec même son « cloporte » volant géant ruinant la
ville) qu'à un dessin animé de Tex Avery avec sa frénésie et sa ménagerie,
l'humour en moins.
Et autant sur l’évolution,
Tchaikovsky sonne
(faute de mieux) crédible, autant sur les Terres parallèles,
les « architectures mathématiques » qui les soutiennent, les énergies qui les
créent, on est ici, toutes proportions gardées, quelque part entre science à la
Star Trek et phlogiston.
De plus, le rythme fait
que les personnages ne sont pas assez développés pour être attachants. Chacun a
bien un background, mais ceux-ci sont très cookie-cutter et ne dépassent guère
le silhouettage, pas le temps de faire mieux – et je passe ici sur le milliardaire nazi et son
facholand imaginaire qui
jumpent allègrement le shark.
Enfin,
même les treize descriptions d'évolutions parallèles intercalées entre les
chapitres d'action
(des extraits d'un ouvrage scientifique fictif sur le sujet) qui
amusent au début
(et permettent de fournir du background ou, ex-post, de
comprendre certaines parties du récit) finissent par lasser du fait de leur
accumulation et de leur caractère interruptif – des NMI devenant pénibles
à la longue.
Et dans le même ordre d'idées, les versions alternatives du
chapitre 17, qui servent aussi le récit car elles permettent de comprendre
quelque chose d’important, deviennent chiantes aussi à lire pour exactement la même raison –
c'est à dire que quand on a compris le truc on préférerait que ça avance
(et je passe sur l'épisode à la « Clair de Lune »).
L'ensemble
forme un roman où Tchaikovsky fait du Tchaikovsky, nettement moins bien
qu'ailleurs.
The Doors of Eden, Adrian Tchaikovsky
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