Daryl Gregory : I’m Not Disappointed Just Mad AKA The Heaviest Couch in the Known Universe

Conseil aux nouveaux auteurs : Faites attention quand vous plaisantez en ligne. Imaginez, vous faites une blague sur l’écriture d’une histoire ridicule, quelque chose que vous n'écririez jamais ; ce n'est qu'une bonne blague jusqu’à ce qu’un éditeur en entende parler et vous demande d’écrire cette histoire. Il y a quelques années, sur un site, je disais à quel point Iain Banks était mon écrivain préféré mais que si je devais écrire un space opera, ce serait sur deux fumeurs défoncés qui manquent la guerre interstellaire parce qu’ils essaient de déplacer un canapé d’un bout à l’autre de la ville. Jonathan Strahan est alors intervenu et a dit : Je publierais ça. Ha ha ! Très drôle. Il a alors ajouté : Non, vraiment. Plus tard, on s’est croisés à une convention, et il m’a dit : Alors, cette histoire façon Iain Banks ? Et voilà, c'est fait ! Je sais, c’est une histoire absurde, mais en ces temps sombres... Sachez juste qu’elle a été écrite avec beaucoup d’amour et d’admir

Caruso - Kiernan - Harrow - Kloetzer - Jackson in Bifrost 99


Dans le Bifrost 99 il y a un dossier très complet sur la grande Shirley 'Haunting of Hill House' Jackson, coordonné de main de maître par Jean-Daniel Brèque.

Outre le dossier et les rubriques habituelles, on trouve aussi six nouvelles sous la couverture dessinée par Miles Hyman.

A tout seigneur tout honneur, on lira deux nouvelles de Shirley Jackson, La souris et Un jour comme les autres, avec des cacahuètes.
On y retrouve le goût de l'autrice pour l'horreur psychologique domestique presque casual, et les chutes surprenantes.

Noirs vaisseaux apparus au sud du Paradis est une nouvelle post-contact très noire de Caitlin R. Kiernan. Elle prend place dans le monde envahi par les Grands Anciens qu'on subodorait notamment dans Agents of Dreamland, que le Bélial publiera bientôt dans la collection Une Heure-Lumière et que votre serviteur avait chroniqué en VO, ou Black Helicopters.
Plus noir que Lovecraft, proche de Ligotti, le texte est annonciateur d'un avenir qui glace d'effroi. Il fallait bien qu'un jour les cultistes arrivent à leur fin et que l'humanité subissent tout le  poids d'une rencontre avec l'horreur cosmique.

Alix E. Harrow propose, avec Guide sorcier de l’évasion : atlas pratique des contrées réelles et imaginaires, une déclaration d'amour aux livres et à leur pouvoir quasi-magique de permettre l'évasion, de mettre le monde à portée, et  d'aider à se définir (le pouvoir des mots de Maïakovski). C'est aussi un cri d'amour lancé aux bibliothèques qui mettent les livres à la portée de tous et aux merveilleuses bibliothécaires qui, telles des marieuses juives, trouvent le livre qui donnera un sens à la vie de l'emprunteur. Merci aux bibliothécaires (de la part de quelqu'un qui a fait sa première bibliothèque de FNA en chourant à la biblio - stop ! il y a prescription).
Un texte qui parle du pouvoir des livres, de l'amitié qu'on peut éprouver pour eux, et qui rappellera sans doute le Morwenna de Jo Walton (Prix Hugo, comme l'est ce texte-ci, et pour les mêmes raisons).

L. L. Kloetzer offre, avec Ourobouros, une nouvelle trépidante dans le monde de Anamnèse de Lady Star. Il nous donne à voir Celephaïs, un habitat spatial. Géographie, technologie, organisation et dissension sociales, jeux de pouvoir et intrigues politiques. Tout y est, tout ceci sans avoir l'air d'y toucher, à travers une course contre ghost dont on sort ébouriffé tant on en ressent la vitesse. De la belle ouvrage.
Un monde, jusqu'ici seulement entr'aperçu, dans lequel se déploiera peut-être un jour un nouveau récit. Espérons-le.

Et enfin, le choc. Par les visages, d'Olivier Caruso, est une nouvelle science-fictive. On y voit une maladie inédite et dévastatrice se déployer dans Paris alors que la sœur jumelle de l'héroïne tourne dans l'ISS. Pendant qu'en bas tout s'effondre rapidement, en haut on fait une découverte stupéfiante.
D'une situation normale, et presque jacksonienne, Caruso fait basculer son monde dans un merdier rigolard et délirant qui rappelle les meilleures pages de Vian avant de montrer que la rigolade est finie et de lorgner vers Vandermeer ou Kiernan. Le texte, par sa progression maîtrisée, par l'inexorable montée aux extrêmes qui rencontre puis dépasse la phase de déni jusqu'à la laisser si loin derrière qu'elle pourrait n'avoir jamais existé, est véritablement bluffant.
Il est question d'une novella à suivre. YES !
PS : Un texte où on envoie chier le Spritz ne peut pas être foncièrement mauvais.

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