Il y a des livres qui ont la baraka. "Survivor Song" de Paul Tremblay est de ceux-là.
Sorti ces jours-ci, "Survivor Song" raconte la survenue d'une terrible épidémie dans le NE des USA. Une nouvelle « rage » dont tout le cycle de vie s'étend sur quelques heures. De la contamination à la mort, en passant par la phase paranoïaque agressive durant laquelle les infectés vont s'attaquer aux autres et les contaminer par morsure, une grosse journée au maximum.
La violence du pathogène, et conséquemment des infectés, est telle qu'un état d'urgence strict doit être décrété, avec quarantaine obligatoire et déplacements limités. La garde nationale distribue des rations alimentaires, les hôpitaux sont pleins – de personnes inquiètes ou de vrais malades qui deviennent très vite dangereux –, la police est déployée, et les services de secours proches de leur point de rupture.
Ca vous évoque des souvenirs récents, en moins grave quand même, vous avez raison. Et c'est en ça que ce roman va sembler prémonitoire (la baraka). D'autant qu'il y a en plus un très mauvais président (ici, amis français, c'est de Trump dont on parle) qui méprise la science et passe son temps à tweeter des conneries (la baraka encore).
Dans ce chaos en cours, Natalie, enceinte de huit mois et demi, voit son mari se faire tuer sous ses yeux par un « enragé » puis se fait mordre à son tour au bras avant d'arriver à abattre le forcené. Elle appelle alors sa plus vieille amie, Ramola, une pédiatre d'origine indo-britannique, et lui demande de l'aider. Les deux femmes s'engagent dans une course contre la montre à travers une région en cours d’effondrement. À pied, en voiture, en ambulance, en bus médicalisé, en camionnette et à vélo, d’hôpital bondé en clinique évacuée, Nats et Rams, loin de leurs proches et de leurs bases, cherchent désespérément à sauver le bébé de Nats qu'il faut maintenant faire naître très vite par césarienne. C'est ça la priorité, pas une hypothétique survie de Nats.
Tremblay livre, avec "Survivor Song", une histoire stressante et frénétique comme un film d'action. Un vrai page turner dans lequel il décrit avec un brio certain le chaos, la peur, l'incertitude d'un monde confronté à une maladie très grave et inédite. Un monde dans lequel son voisin, son amie même peut devenir une menace mortelle. Il raconte l’hôpital pris d'assaut, les voitures abandonnées, la folie qui gagne les services, les soignants débordés mais sur le pont quel que soient les risques. Il montre des patrouilles de milices complotistes armées, convaincues que le virus est une invention de Big Pharma pour contraindre les Américains libres. Il met en scène deux adolescents qui se la jouent Stranger Things et réaliseront qu'on ne fait pas la pandémie en gants blancs comme disait l'autre. Il alterne des troisièmes personnes sur Rams (l'action) et des premières personnes dans lesquels Nats enregistre sur une appli des messages pour son enfant à naître (au cas où).
Tout ça est fort bien torché – je l'ai lu en moins de deux jours, j'aurais peut-être eu le temps de le finir avant de mourir si j'avais été mordu moi-même – mais ne va pas bien loin. C'est de l'action pure, du thriller sans vergogne – du début à la fin ça dure quelques heures. Et pourtant, on se lasse progressivement de cette accumulation de péripéties (même bien troussées), réalistes sans doute mais déjà vues et revues. La seule question qui reste étant : Nats va-t-elle ou pas survivre, car on ne peut imaginer que la césarienne, d'une manière ou d'une autre, n'aura pas lieu. Alors on lit, pour savoir.
Roman moyen donc. Mais ça marchera. Car :
C'est plus que dans l'air du temps (la baraka).
C'est si cinématographique qu'on se demande si ce n'est pas un préscénario.
C'est une histoire d'amitié à la vie à la mort entre deux jeunes femmes (or, Friendship is magic).
Il y a une scène involontairement amusante qui rappelle L'Exorciste (imaginez Regan attachée sur son lit avec un ventre de neuf mois).
Et surtout, surtout, c'est l'apocalypse zombie d'une future maman (mon Dieu que c'est beau !). C'est du destin d'un petit bébé qu'il s'agit. Une petite vie, menacée avant même d'être, et une future mère (pardon, maman, il n'y a plus de mères dans notre monde, seulement des mamans) dont la survie est incertaine. C'est émouvant à tirer les larmes. Si tu n'es pas Gromovar. Mais l'immense majorité du monde n'est pas Gromovar.
Allez, bonne lecture.
Survivor Song, Paul Tremblay
Commentaires
C'est pas bien long.