The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

La Marche du Levant - Léafar Izen


Terre.
Avant ? Après ? Supposons après. Pourquoi après ? Parce que dans le monde de "La Marche du Levant" la rotation de notre planète sur elle-même dure environ 300 ans. Il a donc dû se passer quelque chose. Mais quoi ? Au début on n'en sait rien. Expérience magique hasardeuse ? Dérapage scientifique ? Va savoir ! A la fin tu sauras. Même si toute ton histoire de lecteur te hurle « Science »...

Sur la Terre lente, les jours durent donc 150 ans, les nuits aussi. Avec les conséquences climatiques qu'on peut imaginer. Une face obscure gelée, une face éclairée calcinée. La vie n'est possible qu'en face éclairée et loin du zénith. Il y a donc une (en fait plusieurs, au moins deux) Marches du Levant qui progressent jour après jour au rythme de la rotation terrestre ; de 300 pas par jour pour Odessa, la capitale de la Marche Centrale, qui sillonne, quand le roman commence, les plaines de Sibérie, entre les glaces de la nuit sur son avant et le désert asséché sur son arrière.

Des Marches donc condamnées à aller sans cesse vers l'Ouest pour n'être pas rattrapées par le désert.

Des Marches qui envoient des pionniers en avant de leur position pour planter les arbres qui serviront 20 à 30 ans plus tard à construire, puis encore plus tard deviendront charbon de bois, une fois traités par les nomades qui suivent la Marche par son arrière, aux franges du désert. Toute planification est à très long terme dans les Marches car, même si les humains y vivent environ 150 ans, tout travail, tout projet, toute inflexion dans le déplacement (car il faut parfois virer au nord ou au sud pour éviter lac géant ou montagne) peut prendre l'essentiel d'une vie. Et que toute erreur dans ces domaines condamnerait la Marche à un anéantissement inéluctable car le soleil, lui, continuerait de monter.

Disons pour terminer que le temps se compte en lunaisons normales de 27 à 28 jours, qu'il y a bien des saisons, que la Marche Centrale est alliée avec un peuple « barbare » au Nord, qu'elle fait une sorte de course avec la maritime Marche des Tropiques qui seule pourrait l'aider à passer vite l'océan, et enfin qu'il y a au moins un peuple du Couchant qui pérégrine, lui, aux marges du crépuscule quand les Marches du Levant suivent l'aube. Et que Couchant et Levant se haïssent.

Disons enfin, pour terminer vraiment, qu'une prophétie, des versets très anciens fondements d'au moins deux religions, prédisent l'arrivée d'une enfant qui deviendra reine, unira les Marches et les guidera jusqu'à un artefact fabuleux, L'Arche du Destin, qui s'ouvrira alors pour les humains et les conduira vers un monde où il n'auront plus à fuir devant l'inexorable ascension du soleil. Ceci n'arrivera bien sûr que lorsque la rotation de la Terre sur elle-même prendra exactement 4000 lunaisons, ce qui est le cas, semble-t-il, de la rotation en cours.

L'accomplissement de la prophétie est divisée par Izen en trois « chants » (qui devaient être les trois tomes d'une trilogie si j'ai bien compris).

Dans le chant I, lecteur, tu feras la connaissance de Célérya, une assassine membre de la Guilde, en mission avec un barbare du Nord nommé Oroverne. Le duo d'aventuriers tisse un lien de respect et, disons-le, d'amitié, forgé au combat. Tu verras aussi lecteur, les manigances d'Ak Bhalak, le nomade du désert qui, à partir d'un mince indice, va « sélectionner » puis former la reine à venir et faire en sorte que la prophétie s'accomplisse, sans hésiter à la faire retourner dans son lit (la prophétie) de force quand elle risquait d'en sortir (l'Histoire est plus satisfaisante quand on la guide, apparemment). Tu verras enfin l'Archiprêtre d'Odessa, le potentat de la Marche, qui mélange pouvoirs spirituels et temporels, et use de maints stratagèmes pas tous très ragoutants pour asseoir une autorité qui ne lui sert qu'à satisfaire son goût du pouvoir et sa mesquinerie méprisante. Un homme cynique en manigance permanente.

Dans le chant II, tu assisteras à la chute de l'Archiprêtre après un complot/révolution/coup d'Etat. Tu assisteras à l'ascension au pouvoir, un pouvoir plus humain, de Akeyra, la jeune nomade destinée à devenir reine, à unifier les Marches, et à sauver l'humanité. Tu verras les religieux s’accommoder de la nouvelle organisation du pouvoir. Ici la tournure est plus directement politique.

Enfin, le chant III est celui de l'union des Marches, du voyage vers Amerika, des dernières épreuves (certaines immenses) qui jalonnent le chemin vers l'intérieur de l'Arche du Destin. Politique aussi car ce n'est pas par la conquête qu'Akeyra unifie les marches mais par, entre autres, le « doux commerce » de Montesquieu. Néanmoins, ce chant ne manque pas de périls ni d'aventure car l'Arche du Destin n'est pas convoitée que par le Levant et qu'il « faudra la mériter » (comme le dit un jour la sorcière à un Conan en route pour Zamora). Dans les chants II et III, après avoir aidé à l'ascension d'Akeyra, Célérya devient la conseillère et peut-être la seule amie d'une légende incarnée.

L'ensemble est un roman de temps long. Des dizaines d'années entre le début et la fin des événements. Le besoin de voir des décennies à l'avance dans quelle direction aller, quel matériel préparer, quelles compétences développer. La société des Marches peut prendre n'importe quelle forme mais elle ne peut jamais être une société du statu quo ou de l'attente.

"La Marche du Levant" est le premier roman, à paraître, de Léafar Izen. Fantasy ou pas, grande erreur de Kiev ou non, il en évoque quantité d'autres qui l'ont précédé.

Le monde inverti de Chrisopher Priest bien sûr mais pas seulement. On peut penser aussi à certains textes de Greg Egan à la physique controuvée.

Apprenant à apprécier le truculent duo Célérya/Oroverne, tu penseras, lecteur, à Fafhrd et au Souricier Gris de Fritz Leiber, jusque et y compris au moment du combat berserk d'Oroverne qui fait venir à la mémoire la nouvelle où Fafhrd incarne Issek of the Jug.

Tu penseras aussi aux Nefs de Pangée, pour la pérégrination, le temps long, et pour la fin aussi. Car il y a une fin dans "La Marche du Levant" qui t'explique enfin, lecteur, ce qu'il en est de tout ça.

Tu penseras parfois à Conan pour le côté baroque d'une fantasy qui, en dépit de ses deux personnages principaux féminins, ne sacrifie pas à tous les tics nerveux de la littérature all-inclusive.

Quant aux prophéties, de la Belgariade à la Roue du Temps, c'est avec la carte (absente) une tarte à la crème de la fantasy. Mais ici Izen la traite de façon intéressante en montrant en quoi elle est auto-réalisatrice (comme on dirait en économie), en quoi elle peut même être manipulée par ses propres dévots, comment elle est programmatique donc performative. Il suffit peut-être d'un beau mythe pour faire avancer l'humanité, c'est ce qui dit Izen. C'est peut-être ce qui nous manque depuis que Dieu est mort et Marx aussi.

Izen crée, de plus, un monde original (même si pas toujours facile à comprendre), et quelques lieux qu'on se plaît à visualiser sur l'écran noir de l'imagination : l'effondrement glaciaire ou la marche lente d'Odessa sont de vrais spectacles, tout comme la magnificence d'une ville de 400000 habitants entre palais flottants et cloaques ou encore les milliers de bateaux qui forment la Grande Armada des Tropiques. Et les batailles sont à la hauteur.

Il dit aussi la nécessité de se séparer de ses biens en excès et de ses peurs pour avancer. Sans oublier le temps qui passe et la douleur sourde qu'il y a à voir ses contemporains disparaître les uns après les autres au point qu'on finit par devenir les derniers vestiges d'une époque révolue.

Si tout est donc très conventionnel, c'est plutôt joliment écrit, et surtout il y a un potentiel dans ce récit dont on se demande s'il n'a pas été amputé par le passage de trois tomes à un, même gros. On ne saura jamais ce qu'aurait donné un récit plus développé.
"La Marche du Levant" peut constituer une entrée satisfaisante en fantasy. Nous, vieux blogueurs à la couenne épaisse, avons l’œil trop acéré pour ne pas voir en quoi elle est le texte hommage d'un auteur qui doit encore développer son propre imaginaire.

La Marche du Levant, Léafar Izen

Commentaires

Lune a dit…
Je viens juste dire que j'aime bien la nouvelle déco :D
Gromovar a dit…
Merci madame Lune.

Tu as lu dans la chro ? Quand on t'aura vue 4000 fois, les temps meilleurs adviendront.