Immédiat après-guerre, Hollywood. Mallory Hope est un détective privé. Il
arpente les rues de la cité des rêves – ou de la nouvelle Babylone, c'est
selon.
Deux différences entre son Hollywood et le nôtre.
D'abord, dans ce monde, la magie existe. Discrète, aux marges, elle n'est
pas spectaculaire. Mais elle donne à ceux qui la maîtrisent des pouvoirs
bien supérieurs à ceux des simples humains – à un prix qui devient
vite exorbitant. Hope est un pratiquant. Il en paie le prix physique. Il
est, de plus et à cause de ses expériences, affublé d'un inquiétant démon
silencieux qui s'attache au moindre de ses pas.
Ensuite, le monde est uchronique. Le Président des Etats-Unis s'appelle
Wallace, et, si vous croyez vraiment que c'est une hémorragie cérébrale
qui a tué Roosevelt, vous êtes naïf.
C'est dans ce monde que Hope doit retrouver, à la demande de ses parents,
Busty Ritz, un enfant star mystérieusement disparu. C'est là aussi qu'il
doit affronter les blessures de son passé, que cette enquête particulière
ravive.
Il lui faudra courage, détermination, et un peu de magie pour mener à bien
sa mission.
"For the Future" est le premier tome de la série Hope,
écrite par Guy Adams, dessinée par Jimmy Broxton, et publiée par 2000AD
(l'éditeur original de Judge Dredd).
Rendu en NB dans une ambiance sombre qui évoque le film noir, "For the Future" est un album qui met en scène un archétype déjà bien connu, celui du
privé à passif, aussi borderline qu'au bout du rouleau. Difficile
d'innover dans cet exercice, la magie y pourvoit, en partie seulement.
C'est aussi aux bas-fonds d'Hollywood que l'auteur confronte le lecteur,
au monde caché derrière les lumières et les merveilles. Un monde fait de
mafieux, de politiciens et de flics corrompus, de starlettes génériques
corvéables à merci, de trop de tout, d'alcool, de drogue, de sexe,
d'argent. Un monde aussi où la violence se dissimule derrière les façades
des villas de luxe, où les femmes fatales blessent et sont blessées.
C'est encore le monde des
enfants stars
qu'Adams présente au lecteur. Un monde impitoyable dans lequel de très
jeunes enfants, coachés et poussés par des parents parfois frustrés de ne
pas avoir connu le succès eux-mêmes, passent en quelques instants de
l'anonymat à la célébrité et à la fortune
(surtout pour leurs parents). Un monde dont la plupart finiront
éjectés quand ils grandiront et que le public se tournera vers de
nouvelles incarnations de la jeunesse et de l'innocence – s'ils conservent
seulement un peu d'argent de cette aventure ils pourront s'estimer
heureux.
L'album, dans un dialogue vers la fin, trouve le ton juste sur cette
question et sur les troubles qu'une telle situation peut engendrer.
Plus de background que d'histoire, "For the Future" sonne comme un
volume de présentation.
De la magie certes, mais ni trop exploitée ni trop expliquée dans ses
mécanismes ; idem pour l'uchronie. Un traumatisme passé dont on parle mais
qui pour l'instant n'est pas vraiment un moteur narratif. Une enquête
présente (Busty Ritz) trop rapidement résolue pour être vraiment
satisfaisante.
Un point fort, le nihilisme du récit : quand on traite en noir un monde
noir il ne faut pas être pusillanime. Ici pas de rédemption, les coupables
paient, les victimes innocentes trinquent.
Le sentiment final est que Adams et Broxton ont pris ce volume pour
installer leur monde et leur fil rouge. Ils doivent maintenant le remplir
de récits complexes tout en développant, brin par brin, le fil rouge.
Un tome 2 sortira en VO en janvier prochain. J'irai voir si la série prend
de l'ampleur. Pour l'instant, elle offre encore trop peu, en dépit d'une
ambiance intéressante.
Hope, for the Future, Guy Adams, Jilly Broxton
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