La Migration annuelle des nuages - Premee Mohamed

Post-apo intimiste, monde effondré, référence à The Last of Us . Dans La Migration annuelle des nuages suivez les traces d'une jeune femme qui se demande si elle peut quitter sa famille et sa communauté pour répondre à l'appel d'un avenir meilleur. Une lecture très plaisante. Et, oui, c'est bien mieux que The Butcher of the Forest . Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 118, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : Une communauté unie est toujours plus forte face aux inévitables effondrements que l’avenir dessine. Celle d’Edmonton, ville en ruines au cœur du Canada, oscille au jour le jour entre rudesse et recherche d’un meilleur confort. Un équilibre que l’apparition du cad, un parasite semi-conscient qui influence le comportement de son hôte, teinte de drame. La vie ne sera plus jamais comme avant, mais ...

La couleur tombée du ciel - Gou Tanabe d'après Lovecraft


"La couleur tombée du ciel", troisième adaptation de Lovecraft par Gou Tanabe, après Dans l’abime du temps et Les montagnes hallucinées.

On retrouve encore une fois une très belle édition sous forme de carnet simili cuir à un prix très abordable pour cette version BD d’une nouvelle publiée en 1927 dans Amazing Stories.

Arkham, 1927. Un jeune géomètre bostonien est envoyé dans les montagnes boisées proches d’Arkham pour effectuer les mesures préliminaires en vue de la réalisation d’un nouveau réservoir d’eau pour la ville de Boston. Les zones reculées qu'il arpente sont, certes, qualifiées de maudites par les locaux qui les évitent, mais ce ne sont rien d'autre que des racontars de paysans arriérés balayés d’un revers de la main.

Mais dès qu’il s’enfonce vraiment au cœur de la nature sauvage qui borde Arkham, le jeune homme comprend mieux en quoi son caractère reculé, comme intouché, put impressionner des esprits simples et faire naitre ces légendes. A fortiori lorsqu’il tombe sur la « lande foudroyée », une zone vide de toute vie, recouverte d’une sorte de poussière grisâtre, sur laquelle seul un vieux puits endommagé témoigne d’une occupation humaine passée et comme oblitérée.
C’est en conversant avec le vieux – et supposé dingo – Ammi Pierce qu’il apprend quels événements tragiques furent à l’origine de la « lande foudroyée » :
Qu’auprès du puits se dressait la ferme de Gardner.
Qu’un météore particulièrement étrange tomba juste à côté du puits.
Qu’il irradiait intérieurement d’une couleur inconnue (The colour, which resembled some of the bands in the meteor's strange spectrum, was almost impossible to describe; and it was only by analogy that they called it colour at all…strange colours that could not be put into any words).
Qu’après la disparition de l’objet même, plantes et animaux commencèrent à muter alors que la folie, progressivement, s’abattait sur les Gardner.

"La couleur tombée du ciel" est une nouvelle très réussie de HP Lovecraft, aussi impitoyable qu’inexorable dans son mécanisme de déliquescence. Très écrite dans le style particulier de l’auteur, elle décrit en détail les environs sauvages d’Arkham, les végétaux mutés (dont elle donne explicitement les noms ce qui permet de les visualiser), la lente métamorphose de la nature entourant la ferme, la dégradation insidieuse de la santé de ses habitants, et instille peu à peu une atmosphère d’étrangeté radicale qui donne l’impression que la malveillance même de l’espace est venue sur Terre s’en prendre à ceux qui ignoraient jusqu’à son existence et ne disposaient d’aucunes des ressources qui auraient permis de la combattre ; les espaces infinis de Pascal ne nous protègent plus si ce qu’ils abritent peut venir jusqu’à nous.
Elle provoque donc effroi et compassion dans l’esprit du lecteur.

Force est de constater que ce n’est pas le cas de l’adaptation de Gou Tanabe.

Alors que l’auteur japonais parvenait à rendre la majesté glacée de l’Antarctique et de la cité cyclopéenne qu’elle abrite, là où il faisait voyager le lecteur dans le monde non humain des abimes du temps, ici il ne parvient pas à rendre de manière dynamique la faune et la flore et livre donc des cases aussi statiques qu’embrouillées. Certaines sont si peu claires que ce n’est qu’après, à l’occasion d’une ligne de dialogue, qu’on comprend vraiment ce que le dessin aurait dû suffire à exprimer.

De plus, la nouvelle insiste sur l’écart d’éducation qui existe entre les locaux et les citadins, cause du scepticisme à l’égard de cette affaire. Elle l’exprime hors dialogue, elle y revient dans les très rares passages dialogués où Pierce s’exprime (Exemple : Dun't go out thar," he whispered. "They's more to this nor what we know. Nahum said somethin' lived in the well that sucks your life out. He said it must be some'at growed from a round ball like one we all seen in the meteor stone that fell a year ago June. Sucks an' burns, he said, an' is jest a cloud of colour like that light out thar now, that ye can hardly see an' can't tell what it is. Nahum thought it feeds on everything livin' an' gits stronger all the time. He said he seen it this last week. It must be somethin' from away off in the sky like the men from the college last year says the meteor stone was. The way it's made an' the way it works ain't like no way o' God's world. It's some'at from beyond.").
Ce ton n’est pas repris dans la BD et une dimension est alors perdue.

Enfin, et c’est clairement le plus important, tout tourne ici autour d’une étrange couleur, et l’album est en NB. Tous les efforts de Tanabe pour rendre visible la couleur tombée du ciel se heurtent à l’impossibilité créée par ce choix même.

A l’arrivée il y a une histoire qu’on découvre si on ne la connaissait pas, dans laquelle on se replonge si on la connaissait, mais qui, dans un cas comme dans l’autre, ne parvient pas à susciter l’émotion intense qu’on éprouve à la lecture de la nouvelle.

La couleur tombée du ciel, Gou Tanabe d’après Lovecraft 

 L'avis de Feyd Rautha

Commentaires

chéradénine a dit…
Ayant beaucoup aimé l'adaptation des Montagnes Hallucinées de Tanabe et nettement moins les autres (même si j'ai pu redécouvrir L'appel de Cthulhu, nouvelle donnée comme culte et qui ne m'avait pas franchement transportée au regard d'autres textes), la Couleur tombée du ciel apparaissait comme un texte ingrat à adapter. Au final, je ne pense pas que les tentatives de représenter la "couleur" fassent partie du problème et encore moins le noir et blanc, qui au contraire permet de réintégrer un peu d'imagination dans la lecture, même si c'est vraiment dans les Montagnes que ce style figurativo-torturo-brumeux faisait des merveilles (et moins avec Dans l'abime du temps où le figuratif l'emportait plus, j'ai l'impression). J'ai par contre le sentiment que cette adaptation parait trop linéaire et exhaustive, peinant à créer son propre élan.
Je n'ai pas encore lu sa version de Celui qui hantait les ténèbres ou d'Insmouth, mais j'ai perdu mon entrain, malgré le sacerdoce de Tanabe.

Etant sorti mitigé de son Je suis d'ailleurs "The Outsider" il y a longtemps, je dois admettre qu'il a considérablement perfectionné son art. Reste que le choix des textes à adapter compte aussi.
Gromovar a dit…
D'accord avec toi, le texte choisi compte beaucoup. Tout n'est pas adaptable facilement chez HPL.