Jacek Dukaj : Mes Utopiales de B à V

Comme chaque année, vers Samain, se sont tenues les Utopiales à Nantes. 153000 visiteurs cette année, et moi et moi et moi. Ne faisons pas durer le suspense, c'était vraiment bien !!! Genre grave bien !!!! Aux Utopiales il y a surtout des auteurs qu'on va retrouver jour après jour ci-dessous (ou dessus, ça dépend dans quel sens vous lisez) , sur plusieurs posts successifs (survivance d'un temps où on économisait la bande passante – « dis ton âge sans dire ton âge ») . Tous les présents aux Utos n'y sont pas, c'est au fil des rencontres que les photos sont faites, la vie n'est pas juste. AND NOW, LADIES AND GENTLEMEN, FOR YOUR PLEASURE AND EDIFICATION, THE ONE AND ONLY JACEK DUKAJ

The Yellow Wallpaper - Charlotte Perkins Gilman - La séquestrée VF


"The Yellow Wallpaper" (La séquestrée en VF) est une nouvelle de Charlotte Perkins Gilman publiée en 1892.

Le texte est le journal/témoignage d'une femme dépressive. Il est présenté comme quasi clandestin car son mari (assisté ici par sa sœur) préfère qu'elle ne se fatigue pas à faire ce genre de choses. On comprendra vite que cet homme a de nombreux avis prophylactiques ou thérapeutiques concernant sa femme, et que ceux-ci sont comme paroles divines.
Ainsi, il lui a prescrit d'autorité une cure de repos (un traitement des « désordres nerveux », inventé par Silas Weir Mitchell, très en vogue à la fin du XIXe, que subirent certaines femmes fortes et indépendantes parmi lesquelles Gilman ou Virginia Woolf).

A ce traitement elle ne souscrit guère mais se soumet car l'homme est un médecin réputé, et bien sûr aussi parce qu'il est son mari, qu'il l'aime tant et ne veut que son bien (ce qui est sans doute vrai).

Enfermée symboliquement dans la chambre en étage d'une maison de vacances où la maisonnée doit passer trois mois dans le cadre de la cure, la femme (sans nom, là où son mari et sa belle-sœur en ont un) s'intéresse jusqu'à l'obsession au papier peint qui la « décore ». Couleur jaune pisse, sale, passé, en partie déchiré par les occupants précédents, le papier peint porte des motifs que la femme trouve d'abord étonnants (lignes, courbes, arabesques, qui se croisent ou s'interrompent subitement sans rime ni raison), puis de plus en plus dérangeants et obsédants.
D'autant que, là où elle « voyait » d'abord des yeux, elle devient de plus en plus sûre qu'il dissimule une femme – enfermée peut-être et qui semble vouloir échapper aux barreaux que dessinent les lignes et courbes sur le papier. Vision surnaturelle ou double d'elle-même ?
Elle se lance alors dans une difficile et secrète tâche d'arrachage du papier jusqu'à enfin libérer la femme, et, qui sait, ainsi, peut-être se libérer elle-même de l’oppression « bienveillante » de son mari.

Avec ce texte, Gilman s'en prenait autant à certain traitement de la dépression qu'à la psychiatrisation de la déviance ou à la domination masculine que subissait les femmes. Choses à choyer et à ne pas écouter, les femmes de l'époque – dont on craignait que la lecture des romans ne leur échauffent les sens – étaient vues comme des choses fragiles qu'il faut protéger, pour leur bien, d'elle-même et du monde. Considérées comme intellectuellement mineures et émotionnellement fragiles, les femmes devaient rester sous la coupe des membres de leur famille, au premier rang desquels leur mari qui reprenait à son compte la responsabilité et le pouvoir paternels.

Gilman montre ici l’enfermement, elle montre aussi la lutte et la libération possible.

C'est donc contre cette minorité de fait et ses conséquences mutilantes que s'élève Gilman dans "The Yellow Wallpaper", un texte rythmé, stressant, qui fait monter le tension de manière aussi progressive qu'implacable, et qui, loin de toute scorie romantique, est étonnamment moderne dans son écriture.

Comme elle y exprime, de surcroît, finement les effets de la domination (quelques extraits ci-dessous), alors que demande le peuple ? :

« He is very careful and loving, and hardly lets me stir without special direction.I have a schedule prescription for each hour in the day; he takes all care from me, and so I feel basely ungrateful not to value it more. »« Dear John! He loves me very dearly, and hates to have me sick. I tried to have a real earnest reasonable talk with him the other day, and tell him how I wish he would let me go and make a visit to Cousin Henry and Julia.But he said I wasn’t able to go, nor able to stand it after I got there; and I did not make out a very good case for myself, for I was crying before I had finished. »

« Really, dear, you are better!”“Better in body perhaps”—I began, and stopped short, for he sat up straight and looked at me with such a stern, reproachful look that I could not say another word.“My darling,” said he, “I beg of you, for my sake and for our child’s sake, as well as for your own, that you will never for one instant let that idea enter your mind! There is nothing so dangerous, so fascinating, to a temperament like yours. It is a false and foolish fancy. Can you not trust me as a physician when I tell you so?”So of course I said no more on that score, and we went to sleep before long. »

A lire. C'est téléchargeable ici en VO et ici en VF.

The Yellow Wallpaper, La séquestrée en VF, Charlotte Perkins Gilman

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