The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Complainte pour ceux qui sont tombés - Gavin Chait - Retour de Bifrost 93


Nigéria (et orbite terrestre), XXIIème siècle (environ).

Le monde a connu bouleversements climatiques, désastres écologiques (tels la marée noire permanente qui noie sous le crude oil la mer nigériane, la stérilisant de fait), guerres sporadiques, effondrements étatiques et sociétaux ; les cartes, tant climatiques que géopolitiques, sont largement reconfigurées, et pas pour le meilleur.

Loin d'un plancher des vaches qui ne présente plus guère d'attrait, des stations orbitales en grand nombre se sont développées au long du XXIème siècle et du suivant. Y vivent des millions de personnes qui ont fini par revendiquer une pleine souveraineté, coupée de leur Etat d'origine (comme les Treize Colonies rejetant l'Angleterre pour devenir les USA). La Chine n'a guère apprécié la blague ; elle a réagi par une attaque qui a détruit une station où vivaient presque un million de personnes. La masse de débris éjectés a détruit de nombreuses autres stations et la plupart des ascenseurs spatiaux. Ne restent aujourd'hui que trois ascenseurs et quelques stations sur de nouvelles orbites (les autres ont quitté l'orbite terrestre). Parmi les survivantes, Achenia – peuplée de post-humains –, et Tartarus – une prison américaine, un enfer semi-légal d'exil et de torture.

A terre, dans la ville « fortifiée » d'Ewuru, réside une population pacifique qui tente de vivre en paix, de construire une civilité nouvelle, de perpétuer et de développer la science et les arts. Tout autour d'Ewuru, au-delà des gardes discrets qui la protègent, c'est le Nigéria, un Etat failli livré aux exactions des groupes djihadistes, des seigneurs de la guerre, des bandits de tous poils. Et c'est tout près d'Ewuru que s'écrase le petit vaisseau d'un Achenien – Samara – échappé de la prison de Tartarus.

Membre des Sept (un groupe de super soldats quasi invincibles), Samara, blessé et en manque d'énergie, doit s'allier aux habitants d'Ewuru pour pouvoir rentrer chez lui. Le temps presse, la station Achenia est censée quitter très prochainement l'orbite terrestre et le système solaire.

Avec "Complainte pour ceux qui sont tombés", Gavin Chait livre le fruit d'une écriture étalée sur trente ans. Son récit – lié au courant afrofuturiste - se nourrit des expériences et des réflexions de Chait sur la situation africaine. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on retrouve ici certains des thèmes présents dans les deux romans non traduits de Deji Bryce Olukotun, ou dans le Who fears Death de Nnedi Okorafor ; la souffrance d'un continent qui souffre autant de ce qui lui fut infligé que de ce qu'il s'inflige à lui-même est palpable dans ces textes, elle y côtoie l'espoir raisonnable d'un progrès technique et sociétal.

Construit en enchâssement, avec flashbacks et contes philosophiques édifiants, "Complainte pour ceux qui sont tombés" peut rappeler dans son ton les romans de Pierre Bordage. On y lit la même douceur, le même humanisme, la même façon d'opposer porteurs de vie et vecteurs d'abjection. La douceur, la décence, et l'amour sont montrés, l'horreur et la bestialité aussi, sans fard. Cette opposition frontale et si humaine, ces îlots d'espoir enchâssés au cœur des ténèbres, sont les forces du roman. On regrettera en revanche un mélange de genres en solution de continuité qui dit trop la durée de l'écriture, une narration un peu mollassonne, des facilités dramatiques, et un style sans qualité propre.

Complainte pour ceux qui sont tombés, Gavin Chait

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