Les Yeux Doux - Corbeyran - Colline

Futur indéterminé et résolument glauque. Arsène travaille à la chaîne dans une usine du conglomérat Atelier Universel. « Travaillait » devrais-je dire car, pour avoir pris une initiative afin de corriger une erreur de production, Arsène est renvoyé dès le début de l'album. On ne plaisante pas avec la hiérarchie dans le système tayloro-fordiste de l'Atelier Universel ; FW Taylor lui-même disait  : « On ne vous demande pas de penser ; il y a des gens payés pour cela. » Privé de son emploi, Arsène, qui vit avec sa sœur cadette Annabelle dans un tout petit appartement, devient vite invisible. Physiquement invisible car invisibilisé socialement par la perte de son statut dans un monde qui définit les êtres par leur place dans le système de production. Et la situation va encore s'aggraver pour le frère et la sœur. Anatole Souclavier, lui, travaille pour Les Yeux Doux, le système de surveillance global par caméra qui épie en permanence les citoyens (sujets?) af...

Adam-Troy Castro et le cycle d'Andrea Cort


Adam-Troy Castro est un prolifique auteur américain de SF, fantasy, et horreur, plusieurs fois primé et nominés.
Les quelques textes que j'ai déjà lus de lui – Véelles, Une brève histoire des formes à venir, Our human – portent tous sa marque, celle d'un auteur à l'imagination fertile et à la capacité de réalisation certaine.

AMI publiera prochainement en VF son roman « Emissaries from the Dead ».
Philip K Dick Award 2009, Castro y met en scène Andrea Cort dans un space-op qu'on dit de grande qualité et qui est en cours de lecture VO ici.

Victime et coupable de crime de guerre lors de son enfance, Cort – dont le statut légal, entre responsabilité et excuse de minorité, n'est toujours pas clair – est devenue, après des années de brimades dans diverses prisons, une agente indenturée à vie du Corps Diplomatique de la Confédération humaine – ce qui implique sans doute possible le présence de nombreuses autres entités politiques non humaines.
Cort est, de fait, quelque chose entre une enquêtrice, une diplomate, et une barbouze, employée par un service dont la mission est d'assurer tant la sûreté de la Confédération que la préservation et l'avancement de ses intérêts – un genre de Département d'Etat qui inclurait la CIA.

La version française du roman contiendra aussi les nouvelles indépendantes (certaines écrites avant le roman et d'autres après) qui ont Cort pour personnage principal. C'est à propos de ces nouvelles (trois sur quatre en tout cas) que je vais dire un mot aujourd'hui, dans l'ordre chronologique non de la parution ou de l'écriture mais de la biographie d'Andrea Cort.

Commençons par With Unclean Hands.
Cort est envoyé sur la planète des Zinn, une espèce très avancée tombée dans une mortelle déliquescence. Fondamentalement pacifiques, les Zinn ont sombré dans une dépression mortifère puis se sont retirés sur leur monde d'origine lorsqu'ils ont rencontré des espèces agressives et qu'il se sont alors trouvés exposés à des risques de confrontation. Aujourd'hui ils veulent, sans qu'on sache bien pourquoi, échanger des technologies très avancées contre la mise à disposition d'un meurtrier humain ; les Zinn prétendent vouloir observer un phénomène qui leur est aussi inconnu qu'il leur parait incongru.
Cort doit finaliser le transfert, pour le plus grand bénéfice de l'humanité. Une mission simple et rapide. Hélas, rien ne tourne comme prévu. Car dès que Cort commence, par hasard, à comprendre un peu la culture Zinn, elle réalise vite qu'il y a bien plus en jeu dans l'échange que ce que les Zinn veulent bien admettre. Elle réagit alors de la seule manière qu'elle connait : en faisant passer son sens de la mission et de la justice avant toute retenue ou prétention diplomatique.

With Unclean Hands est un texte intéressant, qui présente Cort sans trop en dire, place le lecteur – comme l'héroïne – face à l'altérité radicale des races non humaines, et se déploie vers une chute bienvenue même si elle est prévisible pour un lecteur attentif.


The Coward's Option est le troisième texte. On y retrouve l’intelligence opiniâtre d'Andrea Cort confrontée une fois encore à l'altérité non humaine. Ici c'est des Caith qu'il s'agit, une déplaisante espèce, cruelle, froide, brutale, et ouvertement xénophobe, qui « prospère » sur une planète gelée aussi désagréable que ses habitants.

Envoyée pour s'assurer que le coupable humain d'un vol suivi de meurtre a eu droit à tous les recours légaux existants avant son exécution (par un procédé très douloureux s'étalant sur plusieurs jours), Cort découvre que les Caith ont une alternative technique à la peine capitale. Elle comprend vite que la dite technique, si séduisante soit-elle, ferait peser sur l'humanité entière une menace gravissime si elle venait à se répandre. Peut-elle contenir la menace ? Et à qui faire confiance pour ça ?

Comme dans la première nouvelle, Cort teste dans cette histoire ses qualités propres : intelligence, détermination, sens de l'honneur et du devoir, courage. Comme dans la première nouvelle, elle protège – y compris quand elle agit en maverick – les valeurs et la sûreté humaines. Elle donne encore ici l'image de l'agent actif qui sait dépasser les évidences diplomatiques ou juridiques pour traiter les enjeux cachés des transactions auxquelles elle participe.

Sur le deuxième texte (que je n'avais pas oublié), Tasha's Fail-Safe, que dire ?
Il se déroule dans l'habitat New London, le lieu de vie et la base opérationnelle de Cort, qu'on visite donc pour la première fois. On y découvre son supérieur direct, l'indispensable et haï Artis Bringen, ainsi que la rationalité froide d'un Corps Diplomatique pour qui les agents sont des pions sacrifiables à volonté. On y croise Tasha Coombs, une collègue de Cort qui éprouve pour elle autant de respect professionnel que de circonspection personnelle. On y remarque quelques technologies courantes dans la Confédération (implants, modifications physiques, etc.), ainsi qu'une autre, bien plus exclusive, qui permet aux agents menacés de ne pas succomber à la torture ou à l'intimidation.

Problème de ce texte : après un début intéressant, et, de fait, dès que Cort entre en jeu, le texte est narrativement indigent, avec une résolution qui tombe du ciel comme une fleur et un changement de forme qui le sert moins qu'il ne le dessert.

With Unclean Hands + Tasha's Fail-Safe + The Coward's Option, Adam-Troy Castro


Commentaires

lutin82 a dit…
Et bien, je ne vais pas me précipiter...