Ray Nayler in Bifrost 118 - Obstination déraisonnable

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Ray Nayler,  Aussi longtemps qu'il faudra . Il y raconte une apocalypse si lente, si longue, si fortement combattue par des équipes de gars qui reconstruisent (kind of) après chaque catastrophe en parlant de...

The Angel Era - Liu Cixin


"The Angel Era" est une nouvelle SF de Liu Cixin, téléchargeable en version anglaise sur Internet (récupérable ici). J'ai lu presque par hasard les douze pages A4 serrées qui la constituent. Elles ont résonné étrangement en moi.

En effet, je sortais juste de l'imposant The Old Drift – de Namwalli Serpel – qui se passe en Zambie, et voilà que la nouvelle de Liu annonçait dans sa première phrase que l'attaque contre la Saambia était imminente ; impression de tomber sur un harmonique. Puis je lus le reste. Et l'impression augmenta.

Futur proche. Le Conseil de biosécurité de l'ONU – l'organe international qui autorise ou interdit les expériences et manipulations du génome – doit examiner une proposition de la Saambia (le pays le plus pauvre d'Afrique, une dictature victime de surcroît d'une terrible sécheresse source de famine). Elle est portée par le docteur Ita, célèbre pour avoir inventé le langage de programmation qui rapprocha le codage génétique du codage informatique, le rendant presque aussi simple à réaliser pour peu qu'on dispose du temps de « programmeur » nécessaire. Cette percée valut au docteur Ita, natif du pays et lui-même victime de la famine dans sa famille, son Prix Nobel. Voilà pourquoi on l'écoute, voilà pourquoi il est crédible.

Mais aujourd'hui, Ita ne vient ni demander ni quémander. Il a amené avec lui, devant le CSONU réuni, un enfant saambien de douze ans, Cardo, visiblement bien nourri et en pleine forme physique. Commence alors la démonstration d'Ita : Cardo se nourrit avec grand appétit, devant l'assemblée d'abord médusée puis hostile et enfin furieuse, d'herbe, de feuilles, et d'aiguilles de pin ramassées sur la pelouse à l'entrée du bâtiment. Pour assurer, dit-il, le premier des droits de l'homme qui est celui de survivre, Ita a modifié le génome de l'embryon qui deviendra Cardo pour en faire un humain d'un nouveau genre, capable de tirer sa subsistance d'un grand nombre de nourritures.

Indignation, scandale, fuite d'Ita vers la Sammbia, refus du pays de remettre matériel et cobayes, tout culmine vers une opération militaire internationale, au nom d'un principe de dignité humaine qui implique l'inaltérabilité du génome humain. Mais le génie est sorti de la lampe, il sera difficile de l'y faire retourner.

Rapports Nord/Sud déséquilibrés, morgue des puissances militaires occidentales, posture moralisatrice des mêmes, primauté de la survie, amoralisme de la nécessité, modification de l'homme considérée comme plus efficace que celle de l’environnement, passation de pouvoir géopolitique, le court texte de Liu est aussi brutal que direct.

Il offre une vision relativiste du monde, s'extrayant pour le pire ou le meilleur de la volonté universaliste de l'Occident et proposant une redéfinition contextuelle du droit naturel. On appréciera ou pas selon ses options propres. Le texte de Liu est en tout cas un objet brut – à tous les sens du terme – de SF politique, qui vaut d'être lu comme porte d'entrée dans l'esprit sans fard de l'auteur.

Et, étonnamment, The Old Drift, développe – d'une façon infiniment plus littéraire – certains des thèmes abordés ici. Si ça c'est pas du teaser pour une chronique à venir, je ne sais pas ce que c'est.

The Angel Era, Liu Cixin

Commentaires

Excellent ! J'aime beaucoup quand des textes d'auteurs différents se font echos de cette manière.
Pourrais-tu partager le lien pour télécharger la nouvelle ? J'aimerai beaucoup la lire ;)
Gromovar a dit…
Lien ajouté.

Suffisait de demander ;)